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La cherté de l`immobilier n`est liée ni aux bailleurs encore moins aux agences
Publié le mardi 25 decembre 2018  |  Enquête Plus
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Face au tracas immobilier, des acteurs ne cessent de cogiter pour trouver des solutions. Le président de la Fédération des agents et courtiers immobiliers du Sénégal (Facis) livre son diagnostic et dégage des perspectives.



Avez-vous une idée du nombre d’agents et courtiers immobiliers que compte le Sénégal et quels sont les critères à remplir pour être membre de votre structure ?

Nous ne saurions dire le nombre d’agents immobiliers ou de courtiers qui existe. C’est une saignée qui continue tous les jours. Pour ce qui est des agents, chaque jour, dans chaque coin à Dakar, tu vois une nouvelle agence qui se crée. Par contre, je peux vous dire qu’au niveau de la Facis (Fédération des agents et courtiers immobiliers), on en est à 75 membres. Pour ce qui est des courtiers, on en a une centaine. Et là également, nous ne regroupons pas tous les courtiers. Le vieux qui est là depuis 1960 et qui est au Centenaire n’est pas notre cible.

Notre cible, c’est un nouveau type de courtier qui a au minimum le Bfem, qui sait lire et écrire. C’est le courtier qui ne réclame pas 3 000 F Cfa après une visite, celui qui respecte la déontologie par rapport au métier. Et il faut aussi obéir à des critères scrupuleux pour adhérer à notre association. Pour être membre de la Facis, il faut également présenter un casier judiciaire vierge, être parrainé par au moins cinq agences différentes évoluant dans des secteurs différents. Il faut aussi s’engager à respecter le règlement intérieur qui est notre déontologie.

En ce qui concerne les agences, en sus de tout cela, il faut avoir un Ninea, c’est-à-dire prouver son existence juridique. Le candidat doit également présenter un quitus fiscal et un Rib (relevé d’identification bancaire) et avoir au minimum 3 ou 4 employés.

Pourtant, de loin, on a l’impression que c’est une grande jungle sans foi, ni loi. Qu’est-ce qui l’explique ?

C’est vraiment dommage. Mais il faut juste savoir qu’on ne fait pas exception. C’est aussi ce qui a motivé la création de notre association. Notre rôle est de réguler et de former les acteurs. Tels sont d’ailleurs nos deux credo : Réguler et former. Nous n’avons pas créé une association pour en créer. On s’est dit que notre métier est en danger. Il faut aider à mettre en place des garde-fous. D’ailleurs, nous avons eu, dans cette dynamique, beaucoup de séances de travail avec le ministère du Commerce. On a même été sollicité par l’Etat qui travaillait sur un décret dont l’objectif est de réguler le secteur immobilier. Il n’y a pas longtemps, j’ai parlé avec le directeur du Commerce intérieur sur cette question. Avec Anais et la Direction du commerce intérieur, nous avons beaucoup travaillé dans ce domaine.

Est-ce à dire qu’il faut extirper du milieu tous ceux qui ne sont pas en règle ?

Ce n’est pas évident. Le mal est aujourd’hui tel, qu’il est difficile de sortir tous ceux qui sont entrés par effraction. Par exemple, dire qu’on va sortir les courtiers qui ne sont pas en règle revient à dire qu’on va arrêter tous les clandestins ; c’est quasi impossible. Il faut savoir que l’épine au pied, ce sont les courtiers. Ce qu’on peut faire, c’est de travailler à l’émergence d’un nouveau type de courtier. Le courtage, c’est l’un des métiers les plus nobles au monde. C’est seulement au Sénégal, dans l’immobilier particulièrement, qu’ils sont indexés. Dans tous les secteurs d’activités, il y a des courtiers et on les respecte. Il en est ainsi de l’assurance, des banques… Il faut amener les gens à respecter les règles en vigueur.

Qu’est-ce qu’il faut pour être courtier ou agent au Sénégal ?

Pour être agent immobilier, il faut d’abord une formation. Ensuite, il faut de la déontologie. Malheureusement, pour les courtiers, tu te lèves un jour et tu le deviens. Je vais te raconter une anecdote : un de mes collaborateurs m’a dit un jour qu’il est parti voir son mécanicien et ce dernier lui a fait savoir qu’il est maintenant courtier. Et c’est justement ça le problème. Et ce que vous voyez ce sont les courtiers qui courent pour 3 000 F, mais il y a ce qu’on appelle les courtiers haut gradés ou courtiers costards. Ce sont de gros bonnets tapis dans l’ombre et qui interviennent dans les transactions de plusieurs dizaines de millions.

Vous parlez beaucoup des courtiers, mais même chez les agences, il est déploré beaucoup d’arnaque…

Je ne le nie pas. Même chez les banques professionnelles qui sont là, il y a de l’arnaque. Chez vous les journalistes, il y en a qui ne font que de l’arnaque. Cela existe dans tous les secteurs. Même si c’est plus décrié chez nous, puisque c’est un fourre-tout. On ne cherche pas à rassembler tout le monde, mais d’œuvrer pour un nouveau type de courtier, d’agent immobilier. Il y va de l’intérêt de tout le monde.

Concrètement, qu’attendez-vous de l’Etat ?

On ne peut rien faire sans l’Etat. Il faut que l’Etat sorte un décret pour dire : pour être courtier, il faut remplir telles conditions. Si on le fait, beaucoup vont quitter, car ils n’ont pas les capacités ou critères pour exercer. C’est à ce niveau qu’on attend l’Etat.

Il y a aussi le problème de la cherté de l’immobilier qui est décriée. Pourquoi c’est si cher de construire ou louer un appartement à Dakar ?

Je renvoie la balle à l’Etat. La cherté n’est liée ni aux agences immobilières ni aux bailleurs. Elle est surtout liée à trois choses : le foncier qui est excessivement cher à Dakar. Pour avoir un terrain à Dakar, il faut débourser au minimum 50 000 F le m2, et je parle de la périphérie de Dakar : Mbao, Niagues… Mais à l’intérieur de Dakar, Keur Gor Gui, par exemple, il faut jusqu’à 300 ou 350 000 F le m2. C’est anormal. Et c’est l’Etat qui doit intervenir pour déterminer les prix du foncier. Dans tous les pays du monde, ça se passe comme ça. Ici, ce sont les propriétaires qui fixent leurs prix. En deuxième lieu, le financement coûte cher.

On vous dira que c’est à des taux de 6 à 6,5 %. Ce qui n’est pas vrai. Si on vous dit ça, il faut savoir que vous allez vous retrouver avec un taux de 10 %. Ainsi, pour une maison que vous avez achetée à 50 millions de francs Cfa, vous vous retrouvez avec 50 millions. C’est donc au-dessus des moyens du Sénégalais lambda. Au moment où en France les taux varient entre 2 et 3 %. Le troisième point, c’est la fiscalité. Tu achètes un terrain, tu paies des taxes. Tu achètes du ciment, tu paies des taxes. Tu construits, tu paies des taxes. En location, tu paies des taxes. C’est également pourquoi les prix du loyer sont élevés. Parce que le propriétaire doit également rembourser le prêt qui lui a permis de construire. Last but not least, nous avons la chance d’être dans un pays stable très convoité par les ressortissants des pays voisins. Cela augmente les enchères, parce qu’il y a toujours un Malien, un Ivoirien… prêt à payer le prix fort.

En ce qui concerne les loyers, l’Etat était intervenu pour leur diminution, mais on a l’impression que rien n’a changé. Pourquoi ?

D’abord, il faut signaler que la surface corrigée qui devait être la règle générale est devenue l’exception. Il faudrait l’adapter à nos vécus quotidiens. Dans l’immobilier, on ne devait pas faire du copier-coller des lois françaises, comme on a l’habitude. Nous sommes au Sénégal. On ne peut pas nous dire : les conditions de l’air, de la luminosité… Ce sont des choses qui existent en Europe. Il fallait une surface corrigée qui cadre avec notre culture. Aussi, tu vas à Paris, sur une rue de plusieurs kilomètres, il y a des immeubles de même niveau, de même couleur… Tel n’est pas le cas chez nous. Tu peux voir à Guédiawaye une maison qui coûte beaucoup plus chère qu’une autre de Mermoz. Il n’y a pas une harmonie de l’urbanisation. Les mesures qui ont été prises sont donc inappropriées.

Etes-vous pour la limitation du prix des terrains ?

Il existe une bien vieille loi, mais qui n’a jamais été appliquée. Elle est devenue obsolète, rangée dans les tiroirs. Je ne sais pas pourquoi l’Etat ne veut pas prendre ses responsabilités. Pourtant, quand il s’agit de dédommager, par exemple, on s’appuie sur la même loi, parce que ça les arrange.

Est-ce envisageable, au Sénégal, de limiter le nombre de terrains que peut avoir une même personne pour éviter la concentration des terres entre les mains d’une poignée de riches ?

Il ne faut pas oublier que nous sommes les rois des prête-noms. Si on appliquait ici une telle loi, tu verrais des moutons qui se retrouvaient avec des maisons à leurs noms. Ce serait donc très difficile. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a lieu de mettre en place une nouvelle politique pour permettre aux Sénégalais d’avoir un toit à un prix raisonnable.

MOR AMAR
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