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Modification de la carte électorale: Opposition et pouvoir à couteaux tirés
Publié le samedi 15 decembre 2018  |  Enquête Plus
Conférence
© aDakar.com par DF
Conférence de presse de la Direction générale des Élections
Dakar, le 18 août 2017 - Le Directeur général des Élections a tenu une conférence de presse avec ses services pour s`exprimer sur le débat sur l`organisation difficile des dernières élections législatives du 30 juillet dernier. Il a promis une réponse au livre blanc publié par la coalition gagnante Wattu Sénégal.
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Derrière la modification de la carte électorale engagée par le régime en perspective de la prochaine présidentielle du 24 février 2019, l’opposition y voit ‘’une stratégie sciemment pensée de perturbation du vote des citoyens dans les zones défavorables au pouvoir’’. Mais, selon le chargé des élections de l’Apr, Benoit Sambou, il ne s’agit que d’un processus d’usage qui se fait à la veille de chaque élection, avec le concours de tous les acteurs politiques.

La modification de la carte électorale annoncée avant-hier par le directeur de la Formation et de la Communication de la Direction générale des élections, suscite déjà des grincements de dents dans certaines franges de l’opposition sénégalaise. Ces opérations, selon Bernard Casimir Cissé, impacteront 29 sur les 45 départements du pays où certains citoyens électeurs verront leurs cartes nationales d’identité rééditées en perspective du scrutin présidentiel de 2019. Combien de Sénégalais électeurs ces opérations vont-elles impacter ? Quels sont les départements qui seront touchés et quels délais disposent les autorités pour mener ces opérations ? Autant de questions qui taraudent, mais qui ne trouvent pas réponse pour le moment.

Quoi qu’il en soit, beaucoup doutent, au sein de l’opposition, que les services du ministère de l’Intérieur soient capables de terminer les opérations à temps. ‘’Un régime qui n’a pas pu faire des cartes d’électeur en 7 ans, ne sera pas capable de le faire en 3 semaines’’, persifle d’emblée Dr Cheikh Dieng, lorsqu’interrogé hier par ‘’EnQuête’’ sur la question.

‘’Violation de l’article L65 du Code électoral’’

Selon le chargé des élections du Parti démocratique sénégalais (Pds), au-delà de la capacité des autorités à respecter les délais, il y a une violation flagrante de l’article L65 du Code électoral qui institue des comités électoraux dans chaque préfecture et sous-préfecture. Ces comités sont présidés par les préfets ou sous-préfets avec une représentation de la Cena, des maires et de tous les partis politiques. ‘’Ce sont ces comités électoraux qui doivent faire les modifications de la carte électorale en fonction des circonstances locales. Mais Aly Ngouille Ndiaye a refusé l’installation de ces comités électoraux dans un souci de non transparence des élections’’, rouspète le mandataire du Pds. Il est conforté dans ses accusations par le chargé des élections du parti Pastef (Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité). ‘’La manière dont ils ont procédé est inédite. Ça rompt avec les us et coutumes en matière d’élection dans ce pays, car la définition de la carte électorale a toujours suivi un processus. C’est un processus ascendant, qui part de la base pour aller au sommet. C’est la première fois, au Sénégal, que ce processus suit le sens contraire, c’est-à-dire une logique top down’’, déclare Aldiouma Sow.

‘’Perturbation du vote des électeurs dans les zones hostiles au régime’’

Revenant à la charge, le Dr Cheikh Dieng du Pds accuse également les tenants du pouvoir d’avoir ciblé les zones hostiles au régime pour y mener des modifications. ‘’Les départements ciblés par le ministère de l’Intérieur sont ceux où l’Apr a eu des difficultés lors des élections législatives de 2017. Nous avons été saisis de cela à Touba, à Pikine, à Thiès, à Saint-Louis où, de manière délibérée, il y a une stratégie de perturbation du vote par le ministre Aly Ngouille Ndiaye, en faisant de sorte que les électeurs qui sont défavorables au régime ne puissent pas disposer de carte d’électeur pour voter’’, soutient-il. Avant d’ajouter : ‘’On en arrive à une situation où l’électeur, même disposant déjà de sa carte d’électeur, va être privé de son droit de vote.’’ Enfonçant le clou, Aldiouma Sow ajoute : ‘’On a assisté à un déplacement de plusieurs bureaux de vote à des distances qui découragent les électeurs le jour du scrutin. Cela consolide les soupçons que nous avons. Ce qui est en train de se tramer, ce n’est rien d’autre qu’une opération de fraudes massives’’, charge-t-il.

Mais leurs accusations sont vite balayées d’un revers de main par le chargé des élections de l’Alliance pour la République (Apr). ‘’L’opposition est de mauvaise foi. Elle voit partout une volonté de fausser le scrutin, alors qu’in fine, lors des dernières élections, ils n’ont gagné que deux départements : Mbacké et Kédougou’’, soutient Benoit Sambou.

‘’Suite logique des nouvelles inscriptions’’

Selon le mandataire de la coalition Benno Bokk Yaakaar, la modification de la carte électorale est une suite logique des nouvelles inscriptions enregistrées dans le fichier électoral. ‘’A la veille de chaque élection, il y a toujours des concertations au niveau des circonscriptions électorales du pays où, en fonction de l’évolution de la population, il y a augmentation ou réduction du nombre de bureaux de vote’’, déclare-t-il. Peu convaincu de cet argumentaire, Dr Cheikh Dieng rétorque : ‘’Si on doit augmenter des bureaux de vote, l’affectation des électeurs doit se faire en fonction des nouvelles inscriptions. Mais pas de changer un électeur déjà inscrit dans un nouveau bureau de vote et prendre un nouvel inscrit pour le mettre dans un bureau de vote déjà existant. Tout cela n’est qu’une stratégie sciemment pensée de perturbation de vote qui montre, encore une fois, que le président Macky Sall n’est pas dans les dispositions d’organiser des élections transparentes et sincères.’’

Lui emboîtant le pas, Aldiouma Sow estime que la manière dont les autorités compétentes ont procédé, confirme les doutes de l’opposition sur l’existence de plusieurs fichiers électoraux. Parce que, dit-il, si une personne est susceptible d’avoir deux cartes, cela veut dire qu’il y a deux fichiers parallèles. Partant de là, Dr Cheikh Dieng annonce une opposition farouche. ‘’Aly Ngouille Ndiaye procède à des manipulations honteuses du fichier et de la carte électorale. De toute façon, nous, au niveau du Pds et de l’opposition, nous nous y opposerons’’, avertit-il.

Pour Benoit Sambou, tout ce bruit n’est que pur verbiage et ‘’une tentative éhontée de salir la réputation du régime’’. Selon le mandataire de Bby, ces opérations n’ont jamais posé de problèmes particuliers. ‘’Ce n’est pas un chamboulement de la carte électorale du département. Ça touche, pour la plupart, un ou deux centres de vote. Les personnes impactées ne sont pas nombreuses et très rapidement, elles doivent pouvoir récupérer leur carte d’identité’’, tranquillise-t-il. Non sans inviter le ministère de l’Intérieur, à travers la Direction générale des élections, à diligenter l’édition des nouvelles cartes pour que toutes les personnes qui sont impactées soient réhabilitées afin qu’il n’y ait aucune suspicion à même d’entacher l’issue du scrutin présidentiel de février 2019.

Poursuivant son propos, Benoit Sambou soutient que les opérations se font avec le concours de tous les partis politiques et des préfets et sous-préfets. Ainsi, des comités électoraux départementaux sont convoqués aux fins de prendre en charge les doléances des populations pour rapprocher les électeurs de leurs lieux de vote. ‘’Cela arrive à la veille de chaque élection. Maintenant, quand il y a changement, forcément, des cartes sont rééditées au profit des gens concernés. Cela n’a jamais posé de problème jusqu’à maintenant. Il faut juste que les services du ministère de l’Intérieur, la Dge notamment, informent les populations impactées et acheminent les cartes rééditées à bon port. Et dans les plus brefs délais’’. Pour ce faire, le Dr Cheikh Dieng a vite trouvé la solution. ‘’Lors de l’établissement des Cni, ils ont pris le numéro de téléphone de tous les électeurs qui se sont inscrits. A travers un simple sms, ils peuvent informer l’électeur du changement de son bureau de vote, mais ils ne le feront pas’’, fulmine-t-il.
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