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Alioune Tine, expert indépendant des Nations-Unies pour les droits de l’Homme: “Le Sénégal et les Sénégalais sont immatures en matière de démocratie“
Publié le lundi 3 decembre 2018  |  Sud Quotidien
Rencontre
© aDakar.com par SB
Rencontre entre l`opposition et la société civile
Vendredi 28 septembre 2018. Dakar. Des acteurs de la société civile ont rencontré des membres de l`opposition sénégalaise pour échanger sur le fichier électoral en direction de l`élection présidentielle de 2019. Photo: Alioune Tine, acteur de la Société civile
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Au-delà de cette grande «pression» exercée sur les partis de l’opposition, avec la répression systématique de toutes les manifestations des adversaires politiques, le régime du président Macky Sall aurait maintenant dans son viseur la société civile. C’est du moins le sentiment de l’expert indépendant des Nations Unies pour les droits de l’homme au Mali, Alioune Tine, qui s’inquiète de voir que «l’espace civique se rétrécit comme une peau de chagrin». Il reste par ailleurs convaincu que le pouvoir de Macky Sall gagnerait à laisser la société civile faire son travail et/ou à discuter avec elle. Dans cet entretien accordé à Sud quotidien, l’ancien directeur régional d’Amnesty international pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre s’interroge sur les remises en cause des acquis démocratiques. Il revient ainsi sur la nécessité d’un débat national de fond, non sans insister sur l’obligation de la mise en place d’institutions fortes, ou encore l’exigence d’une bonne volonté des acteurs politiques pour un dialogue sincère avant la présidentielle.

Une élection présidentielle en 2019, sans le candidat du premier parti d’opposition (le Pds-Ndlr), est-ce un recul démocratique pour vous ?

Écoutez ! Il ne faut pas dire qu’il n’y aura aucun impact en l’absence des candidats du Pds, du maire Khalifa Sall. La plupart des difficultés que nous avons même pour le dialogue, ce n’est pas quelque chose de très explicite, c’est des non-dits, c’est lié effectivement à cette situation. Nous, nous préconisons toujours le dialogue, l’ouverture et également les solutions par le dialogue politique, pour que toutes les difficultés qui pourraient surgir dans la période postélectorale soient mises à plat. Le dialogue est absolument nécessaire. La société civile sénégalaise a lancé un appel aux partis politiques, à tous les leaders, pour que le dialogue ait lieu, pour que tous les contentieux qu’on trouve sur le plan interne soient réglés. Il faut qu’il y ait beaucoup de bonne volonté du côté du pouvoir mais il faut qu’il y ait aussi de la bonne volonté du côté de l’opposition. Il faut aussi que, quand on appelle au dialogue, que l’opposition vienne, que l’opposition discute, qu’elle soit ouverte pour trouver les solutions les plus positives pour le Sénégal. 2019 ne doit pas être un recul par rapport aux autres années. Pour cela, le président de la République lui-même doit prendre toutes les dispositions pour que tout ce qui est du ressort de son propre pouvoir, qu’il le règle.

A quoi faites-vous allusion ?

Je crois que le mandat du président de la Cena doit être réglé par le président de la République. La loi, c’est la loi. Si quelqu’un a terminé son mandat, qu’on le remplace par quelqu’un d’autre. Vous allez voir que cela va se calmer. Il y a des mesures qui ont été prises pour le fichier électoral. Moi, je trouve qu’il y a une ouverture. Les gens peuvent aller regarder, critiquer. C’est déjà engager le dialogue en critiquant et en disant «voilà ce qu’on pense» et au fur et à mesure en finir avec ces difficultés. Pour les difficultés qui restent, moi je pense aussi qu’avec le dialogue et la bonne volonté du pouvoir, la bonne volonté de l’opposition, on peut y arriver et nous avons intérêt à avoir une élection présidentielle transparente, pacifique. Nous avons intérêt à avoir un consensus sur l’ensemble des règles du jeu pour nous en sortir. Parce que, nous avons quand même un grand problème avec la gestion du gaz et du pétrole. Nous, nous voulons avoir les bénédictions du gaz et du pétrole.

Comment s’y atteler ?

Il faut que les gens s’entendent sur un certain nombre de problèmes stratégiques. Ce sont les problèmes de transparence, le problème de la confiance par rapport au processus électoral. Je pense que ces problèmes sont importants. Il faut que les citoyens soient debout. Il faut que nous soyons des citoyens responsables. Jusqu’ici, nous sommes des citoyens qui avons fait que le Sénégal soit une exception en matière de démocratie, en matière d’Etat de droit et de droits humains. Les citoyens doivent continuer à rester debout. Il faut que les intellectuels qui avaient l’habitude d’écrire, de réfléchir et de critiquer, de dire ce qu’ils pensent sur l’essentiel, s’organisent pour que l’on renforce les fondamentaux de la démocratie au Sénégal. C’est cela qui nous a valu la paix et la stabilité dans la sous-région. Nous voulons le renforcement de tout cela.

Quel regard portez-vous sur la crispation de la classe politique autour du fichier électoral ? Le Sénégal n’aurait-il pas dû franchir de cet écueil depuis le Code consensuel de 1993 ?

La situation et le champ politique ont beaucoup évolué au Sénégal. La situation de 2000 est totalement différente de celle de 2011-2012 qui est aussi différente de la situation de 2019. Donc, on ne peut pas avoir les mêmes appréciations et les mêmes attitudes. Mais ce qui est constant et inquiétant, c’est que le système continue à produire de la tension, que le système continue à créer des divergences sur des questions de fond, des questions institutionnelles, des questions électorales. Je pense que cela montre effectivement qu’on a vite fait de parler de maturité démocratique. Le Sénégal et les Sénégalais doivent reconnaître qu’ils sont immatures en matière de démocratie. Pour une maturité démocratique, il leur faut faire beaucoup de choses, beaucoup d’efforts et le jour où, ils vont stabiliser les acquis démocratiques, en ce moment-là, on pourrait parler effectivement de maturité démocratique.

Un « Monsieur Elections » ne pourrait-il pas permettre de dépasser les clivages opposition/pouvoir relatifs au processus électoral ?

Je pense que cette question est importante et pertinente dans le cadre d’une défiance par rapport au système. Je dirais que cela a été testé dans le passé, à partir des années 1998 où la défiance était énorme. On a eu le général Niang. Quand, en 2012, on a eu des problèmes, c’était le général Guèye. Je pense que les solutions, nous les avons. Nous les avons inventées, elles avaient bien marché dans le passé. Pourquoi pas ne pas essayer aujourd’hui encore, si c’est la solution pour qu’on puisse avoir une élection apaisée ? Tout ce qu’il faut faire pour avoir une élection apaisée, il faut le faire et le faire dans le cadre de la concertation et dans le cadre également d’une démocratie de la délibération.

Le contexte pré-électoral chargé n’est-il pas vecteur d’un scrutin présidentiel émaillé d’incidents ou de violences électorales ?

Je ne peux pas le dire. Ce que nous pouvons faire, c’est de parler au pouvoir, à l’opposition, les inviter au dialogue pour qu’avant qu’on puisse aller à l’élection présidentielle, les gens soient d’accord sur l’essentiel. Quand ils sont d’accord sur l’essentiel et qu’on a les conditions pour que les résultats qui vont sortir des urnes soient acceptés par tous, quel que soit le vainqueur, c’est le Sénégal qui gagne.

A trois mois du scrutin présidentiel, n’est-il pas trop tard ?

De mon point de vue, il n’est jamais trop tard, même en une semaine. Moi, je me rappelle qu’en 2000, Wade disait à une semaine de l’élection qu’il n’allait pas voter avec les nouvelles cartes israéliennes. En une semaine on s’est réuni, on a discuté. Je me rappelle même qu’au lendemain de l’élection en 2000, j’étais chez Me Wade pour lui faire signer un accord. Donc, il n’est jamais trop tard. Mais aujourd’hui quand même, il faut aller vite, il faut que les gens comprennent très vite que le Sénégal n’a pas besoin d’instabilité après l’élection. Le Sénégal a besoin vraiment, de gérer son pétrole et son gaz dans la paix et dans la stabilité. Il faut le dire quand même, les compagnies pétrolières sont beaucoup plus puissantes que les États, y compris les États européens et quand leurs intérêts sont en jeu, ils utilisent tous les moyens qui sont à leur portée. Partout où nous avons parlé de la malédiction du pétrole, c’est parce que, effectivement les compagnies pétrolières étaient là. Maintenant, il faut que les Sénégalais soient rassemblés sur ces questions qui sont importantes. Actuellement, l’opinion s’interroge beaucoup sur la gestion des ressources naturelles du Sénégal, surtout avec les découvertes de pétrole et de gaz.

Pensez-vous à ce propos que notre pays a véritablement jeté les fondements d’une bonne gouvernance de ces ressources ?

Je pense qu’il y a des efforts qui ont été faits par l’État. Mais l’État doit être à l’écoute des propositions qui lui sont faites à la fois par la société civile. Récemment, nous avons fait des propositions et nous allons apporter les conclusions dans la balance, parce que, plus on fait d’efforts dans le cadre de la transparence, dans la gestion des affaires pour éviter la corruption, mieux c’est. Donc, il faut saluer les efforts qui sont faits mais on peut faire mieux. On peut faire mieux avec le dialogue, avec une grande capacité d’écoute des différents acteurs.

Que dire alors du retrait de l’agrément de Lead Afrique francophone. Ne serait-t-il pas une sorte de coup de semonce adressée par le pouvoir à la société civile, à la veille de la présidentielle ?

Cela ressemble beaucoup à un coup de semonce, mais ça va beaucoup plus loin que ça parce qu’au moment où l’on célèbre le trentième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les Défenseurs des droits de l’Homme, adoptée à l’unanimité en 1998, personne ne comprend aujourd’hui le harcèlement dont Y’en a marre fait l’objet, mais aussi les partenaires financiers de la société civile Sénégalaise (Osc). D’autant plus que c’est bien connu, la majorité des Etats africains refusent de financer les Osc qu’ils ne contrôlent pas. Par contre, ils financent ce qu’on appelle souvent des organisations véritablement gouvernementales (les Gongos). Le harcèlement des partenaires financiers des Osc n’a pas commencé aujourd’hui. Ça a commencé avec le régime de Wade et la contestation du troisième mandat initié par la société civile, alliée à certains partis de l’opposition dont la plupart sont ceux qui nous gouvernent aujourd’hui. Il s’agissait d’une action citoyenne pour défendre les fondamentaux de la République et de la démocratie.

En tant que vieux militant des droits humains, nous pouvons effectivement nous interroger sur deux choses qui nous arrivent en même temps et qui ne sont pas sans incidence sur la qualité de la démocratie sénégalaise, et la tendance lourde à la remise en cause des acquis. Nous avons une grande pression sur les libertés fondamentales qui sont souvent réprimées en partie à cause de l’arrêté Ousmane Ngom qui est inconstitutionnel, mais pression également sur les partis d’opposition et maintenant sur la société civile. C’est une véritable tension exercée sur la dissidence de façon globale, qu’elle soit civile ou politique. Mais c’est également l’expression d’une restriction progressive et très inquiétante de l’espace civique au Sénégal.

La démocratie serait-elle menacée ?

Depuis les années 93, la société civile qui a toujours joué un rôle fondamental pour des élections démocratiques et apaisées, qu’elle soit inquiétée à trois (3) mois de l’élection présidentielle, doit soulever des inquiétudes tout à fait légitimes aujourd’hui. Quand vous êtes dans la société civile, vous prenez des risques énormes. A cause du militantisme dans la société civile, on est souvent arrêté, détenu, agressé, dans certains cas torturé ou liquidé physiquement. Maintenant, on touche la société civile là où elle est le plus vulnérable au Sénégal, l’argent et les moyens qui leur permettent d’exister tout simplement. Mais il y a pire, c’est empêcher, bloquer toutes les activités, les campagnes de sensibilisation, de protection des droits humains mais aussi sur les devoirs et responsabilités des citoyens. L’histoire de Y’en a marre est épique, cela a beaucoup influencé les jeunes sur le continent, ce sont des défenseurs qui travaillent de manière bénévole. C’est pour ça que Lead Afrique a été là pour un petit peu les aider à gérer leurs moyens financiers dans le cadre de l’exécution de leurs activités.

Qu’est ce qui justifie que Y’en a marre soit ciblé ?

C’est qu’on essaie aujourd’hui de faire en sorte de l’anéantir parce que si vous n’avez pas les moyens de travailler, vous êtes presque anéantis. Or, c’est un travail énorme de conscientisation à la responsabilité citoyenne et la transparence dans la gestion des biens publics qu’ils font de façon responsable et enthousiaste. Et c’est ça qui fait leur influence dans la société et auprès de la jeunesse africaine. Et c’est peut être ça qui fait peur. Même Aly Ngouille Ndiaye, en tant que maire de Linguère, s’était soumis avec bienveillance à cet exercice. Je pense qu’il faut laisser la société civile travailler. Il est bien dans son rôle de dénonciation des abus et autres violations des droits des citoyens, mais également de promotion d’une citoyenneté responsable et capacitaire. Si effectivement, on empêche la société civile de travailler, elle ne se laissera pas liquider comme ça et les réactions ne seront pas seulement nationales, mais aussi internationales. La meilleure des solutions aujourd’hui, c’est d’avoir un dialogue permanent entre Etat et société civile pour le bénéfice de toute la communauté et pour la promotion des valeurs et des principes qui cimentent l’unité nationale. Dans le contexte actuel de tension et de confusion, ce serait une bonne initiative pour le Président de la République d’inviter la société civile à discuter et faire des propositions pour des élections transparentes et apaisées.

La société civile serait-elle un rempart ?

Depuis les années 70, la société civile a joué un grand rôle dans le domaine du développement. Et depuis les années 90, la société civile a été une des forces motrices sur le continent africain de l’évolution de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits humains. Et nous sommes inquiets du fait que l’espace civique se rétrécit comme peau de chagrin au Sénégal, et il est de la responsabilité de tous de s’en inquiéter et d’agir contre la réversibilité et la précarisation de nos acquis démocratiques obtenus par la lutte et souvent dans le sang. La promotion de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits humains font partie des gènes du Sénégal et constitue ce que tout le monde reconnait comme l’exception sénégalaise, c’est notre Adn, il est très précieux et personne n’a le droit de le modifier.

La meilleure des choses pour notre démocratie, c’est de laisser la société civile, dernier rempart contre les violations des droits de l’homme, dernier rempart contre les attaques à la démocratie. Dans les mêmes années 1990, c’est là où on a eu des soucis. C’est pourquoi, moi je pense que si on sent effectivement que notre patrimoine génétique, démocratique et républicaine est menacé et c’est le cas, il faut que tous les démocrates et les intellectuels, quelles que soient leurs obédiences politiques, leurs convictions, agissent pour la stabilisation des acquis démocratiques qui ont été pendant longtemps des facteurs de paix, de stabilité et de concorde nationale.

Il est temps que les intellectuels organiques, que ce soit du parti au pouvoir, de l’opposition ou de la société civile, se mobilisent pour faire du Sénégal ce qu’il a toujours été en Afrique, une locomotive pour la démocratie, l’Etat de droit et des droits humains. Il est temps également que cette exception sénégalaise soit sauvegardée par l’ensemble des démocrates, parce qu’elle est menacée aujourd’hui. Elle est réellement menacée. Maintenant, il nous faut aller en profondeur dans le diagnostic, il faut passer au scanner toutes nos institutions et toutes les pratiques liberticides et pathogènes afin d’identifier nos forces et nos faiblesses pour quitter définitivement le statut d’immaturité démocratique. Nos leaders politiques, toutes tendances confondues, font des gorges chaudes sur la maturité de notre démocratie. Apres l’alternance de 2000 et 2012, cela reste à prouver.

Serait-on en période de reflux démocratique ?

Je peux vous énumérer le nombre de révisions constitutionnelles qui ont été faites au Sénégal depuis 1960, on en a recensé 38, on peut également énumérer les débats nationaux les plus importants de ces dernières années et qui ont mobilisé l’essentiel de la classe politique, de la société civile et des syndicats notamment, le Pacte républicain initié a la Raddho en 2005, les Assises nationales de 2009, les conclusions de la Cnri en 2012 qui avaient tous pour objectif de stabiliser les acquis démocratiques et fondamentalement d’améliorer et de réformer en profondeur le système politique et démocratique sénégalais à bout de souffle, pour faire en sorte que nous ne soyons pas toujours aux frontières de la démocratie et de la dictature, force est de constater l’échec.

Tout ce passe comme si le Sénégal était «irréformable» ou « non réformable» du fait justement d’une classe politique qui, chaque fois qu’elle est dans l’opposition, appelle de ses vœux des réformes démocratiques et institutionnelles, et une fois au pouvoir, elle y renonce sans états d’âmes. Un système hyper présidentialiste où tous les pouvoirs sont entre les mains d’un seul homme, mortel de surcroit, avec toutes ses limites physiques, psychologiques et mentales doit poser problème. Nous sommes obligés, en tant qu’Africain, de faire preuve d’innovation et de créativité politique, démocratique, institutionnelle et sociale. De ce point de vue, le continent doit changer ou périr. C’est après l’alternance de 2000 qu’on a fait des avancées significatives dans le domaine des libertés démocratiques. A partir de 2005, on a également observé une récurrence de sortie de la démocratie, de sortie de l’Etat de droit et de violation des droits fondamentaux de l’homme, ce qui explique les tensions liées à la présidentielles de 2007 dont les résultats ont été contestés et que la même année, les élections législatives ont été boycottées par une partie significative de l’opposition.

Quand la société civile participe aux activités de l’opposition, est-ce que celle-ci ne peut pas être accusée de ne pas être équidistante des politiques ?

Nous, à la Raddho, avec une bonne partie de la société civile sénégalaise, nous l’avions fait. On n’a pas suivi les politiques pour combattre le troisième mandat. C’est nous qui avions pris l’initiative d’aller les voir pour initier ensemble le mouvement du 23 juin et nous avions été suivis massivement par le peuple sénégalais. C’est nous qui étions allés voir les partis politiques pour leur dire : voilà ce qu’on a envie de faire. Pour les gens comme moi, on m’a dit «Alioune il faut poser ta candidature pour la présidence». J’ai dit Non, parce que la vocation de la société civile n’est pas la conquête et l’exercice du pouvoir. La société civile se bat contre les abus du pouvoir et pour les droits des citoyens, et souvent les citoyens les plus ciblés, ce sont les leaders politiques qui sont susceptibles de les succéder : le président Wade en a souffert avec le Parti socialiste, le Président Macky Sall aussi par rapport au président Wade. Aujourd’hui, d’autres le font à leur tour. Et à chaque fois, la société civile est en première ligne pour les défendre. C’est pour ça que la société civile est souvent très bien vue par l’opposition et mal vue par le pouvoir en place. Il est temps de mettre un terme aux crimes de dissidence qui frappent les leaders d’opposition ou de la société civile.

Comment appréciez-vous la décision du comité des droits de l’homme de l’Onu qui recommande à l’État du Sénégal de réexaminer l’affaire Karim Wade ?

Pour les gens quand même qui ont suivi l’histoire de la Crei, beaucoup avaient déjà lancé des alertes. Les alertes ont été faites autour du pouvoir par des magistrats, par des gens comme moi-même pour dire attention, c’est un tribunal d’exception, forcément il y a des problèmes. Maintenant, les Nations unies ont fait des recommandations très claires. Je pense que ce qui est positif pour nous, c’est que le Sénégal a pris acte pour donner une réponse dans les 180 jours. Déjà, cela va dans le bon sens, parce que cette question est d’autant plus gênante que nous allons présider le Conseil des Droits de l’Homme à partir du 3 décembre. Il faut qu’on évite tout le temps de nous faire rappeler à l’ordre sur le plan international ou sur le plan sous régional. Il est temps aujourd’hui que les sorties de la démocratie, les sorties de l’Etat de droit, qu’on y mette un terme en mettant en place des institutions fortes.

A quoi appelez-vous donc l’Etat ?

Mon appel est le suivant : Nous avons fait une loi pour créer une Commission nationale des droits de l’homme, une commission qui répond au principe de Paris. La plupart des pays de la sous-région l’ont adopté, le Sénégal qui était le premier pays à diriger une institution des droits de l’homme ne doit pas être en reste. Nous invitons l’État dans les meilleurs délais à faire passer cette loi. La deuxième chose, c’est par rapport à la révolution numérique et digitale. Que l’accès à l’information soit effectivement fondamental. Pour le vote de cette loi sur la communication électronique, faire en sorte d’éviter ce que les autres pays on fait, c’est-à-dire dès qu’il y a un problème, on coupe. Il faut effectivement lutter contre la cybercriminalité, mais en même temps la liberté qu’on a et les opportunités que nous avons avec internet, il faut absolument que les pouvoirs publics l’améliorent et fassent en sorte qu’on ne souffre pas de la censure dans cette période.

Recueillis par Jean Michel DIATTA
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