Malgré une adhésion assez conséquente aux services de monnaie électronique, la Bceao exhorte les ménages à s’y inclure davantage.
Deux mille trois cent soixante (2 360) milliards ont été échangés dans les opérations de transfert rapide d’argent, en 2017. Un chiffre avancé par le directeur national de la Bceao, Amadou Al Amine Lô, qu’il a lui-même qualifié de ‘‘somme astronomique’’. Des montants qui doivent beaucoup à l’inclusion financière performante induite par une adhésion populaire (75 %) aux services financiers digitaux, la monnaie électronique notamment. Alors que l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) célèbre la Semaine de l’inclusion financière, l’Observatoire de la qualité des services financiers (Oqsf) a organisé, hier, un atelier avec les émetteurs de monnaie électronique et les sociétés de paiement en ligne. Une huitaine destinée à faire de sorte que toutes les personnes exclues du service financier soient incluses en passant par les services financiers digitaux, notamment le mobile money, la monnaie qui passe par les téléphones portables.
Pour le représentant de la Bceao, ce sont les ménages à revenus modestes qui ont intérêt à intégrer ce système. ‘‘L’inclusion financière, ce n’est pas pour les riches. Ceux qui ont besoin d’être inclus, ce sont ceux qui ont des épargnes modestes et qui ont besoin de commencer un projet de commerce, de le faire progresser ou ceux qui ont besoin de commencer un projet de vie. C’est à cela que nous appelons. Il faut que les gens utilisent les services de monnaie électronique en rapport avec les systèmes financiers décentralisés (Sfd) qu’on appelle mutuelles d’épargne et de crédit’’, plaide M. Lô.
Au-delà de l’utilité pratique qu’offrent ces services pour le transfert d’argent ou le paiement de factures, la Bceao estime que la dématérialisation de la monnaie pourrait servir l’épargne. ‘‘Même la vendeuse de cacahuètes ou de beignets doit pouvoir, à la fin de la journée, aller dans un point de service et verser l’argent dans la monnaie électronique. A force de voir qu’il verse quelque chose, on verra qu’elle a une capacité d’épargner. Les banques ne prêtent pas souvent, car elles ne connaissent pas la clientèle. Avec la monnaie électronique, vous avez désormais la possibilité de connaitre votre chiffre d’affaires quotidien de 2 000, 3 000 ou 4 000. A partir de là, les opérateurs pourront savoir ce que vous gagnez, si vous voulez faire un prêt de 50 mille, par exemple. Nous commençons par l’épargne, demain, les services digitaux vont nécessairement passer vers une utilisation pour permettre de faire du crédit à quelqu’un’’, poursuit Al Amine Lô.
Garanties de régulation
L’inclusion financière repose sur trois paramètres que sont l’accès à un point de service (banque, mutuelle d’épargne, de crédit ou un point de service de monnaie électronique), disposer d’un compte et d’un crédit et, troisièmement, profiter d’un coût abordable. La Bceao, qui est l’organe régulateur de l’émission de monnaie électronique, discute avec les opérateurs sur les ouvertures qu’offre le mobile money, mais s’entoure également de garanties pour susciter la confiance des ménages. Pour la sécurisation de ces opérations, la Banque centrale dit s’assurer de la fiabilité des systèmes informatiques contre les cyberattaques, avant de délivrer tout agrément à un établissement de monnaie électronique.
‘‘Faites confiance à ces systèmes ! La Banque centrale agrée, regarde que le système est robuste, mais mieux, nous les testons chaque année par des inspecteurs de la commission bancaire. Evidemment, ça peut faire l’objet de quelques vulnérabilités, comme tout système technique. Nous exigeons qu’elles soient immédiatement corrigées, en cas de détection’’, a-t-il assuré, ajoutant également - pour les données personnelles - que l’identification est essentielle pour éviter tout détournement à des fins terroristes ou délictuelles.
La Bceao donne également des garanties sur la récupération des fonds, en cas d’erreur dans les opérations en protégeant les consommateurs contre la toute-puissance des banques. ‘‘Le public doit savoir qu’il peut réclamer ses droits, quand un transfert atterrit par inadvertance dans une autre destination. Réclamez d’abord dans l’établissement de monnaie électronique concerné et s’il n’y donne pas suite immédiatement, écrivez à la Banque centrale ou à l’observatoire. C’est ce que j’ai donné comme ordre à mes services. On vous appelle pour vous dire qu’on a reçu votre réclamation, ensuite on appelle l’établissement concerné pour lui donner un délai de réponse. Celle-ci vous sera communiquée après que l’ayons étudiée’’, avance M. Lô.
Dématérialisation monnaie : les banques bousculées
Le directeur national de la Bceao présage de la révolution actuelle déjà irréversible qui devrait être plus marquée dans les prochaines années. ‘‘Ces instruments sont d’une telle facilité qu’il faut de plus en plus les utiliser et éviter le cash’’. Et, dans ce cadre, les ménages ne sont pas les seuls interpellés. Au 31 décembre 2017, le taux de bancarisation strict au Sénégal était de 19,64 %. ‘‘Au regard de ce faible taux, les services financiers à distance apparaissent comme un vecteur efficace pour renforcer l’inclusion financière’’, a avancé Sory Mouhamadou Camara, le président du Conseil d’orientation de l’Oqsf.
Le secrétaire exécutif de l’Oqsf, en septembre dernier, exhortait également les établissements bancaires conventionnels à actualiser leurs procédures, pour se mettre à jour des évolutions. ‘‘Actuellement, chaque Sénégalais a deux portables et demi. Ce qui veut dire que les banques classiques sont bousculées par les émetteurs de monnaie électronique, par les Fin-Tech. C'est le moment de tirer la sonnette d'alarme, d'attirer l'attention des banques sur la nécessité de s'adapter à la digitalisation. Parce que, de plus en plus de Sénégalais ne veulent plus perdre de temps dans la queue au niveau des banques’’.