À quelques encablures de la fin de l'année, le gouvernement sénégalais a reconnu l'existence de tensions sur son budget. La preuve d'un environnement de contraintes mais aussi d'une volonté d'informations sur celui-ci.
Au terme de la revue du portefeuille des opérations de la Banque mondiale au Sénégal, Amadou Bâ, ministre de l'Économie sénégalais, a reconnu les difficultés auxquelles font face les finances publiques. C'était le mardi 13 novembre.
Le poids du coût de l'énergie
Pour l'argentier, ces difficultés sont dues à la hausse des prix dans le secteur de l'énergie. Selon lui, le gouvernement a injecté des milliards de francs CFA dans ce secteur pour que la hausse des prix au niveau international ne soit pas répercutée sur les factures de la population. Le coût du pétrole n'a effectivement pas augmenté depuis fin 2015 dans les stations-service du pays. Les cours de l'or noir étaient alors en chute libre, le prix du baril passant sous la barre des 36 dollars en décembre 2015. Le gouvernement avait décidé de baisser le prix du carburant d'environ 100 francs CFA : le litre d'essence coûtait alors 889 francs CFA (soit 1,35 euro), contre 795 francs CFA (1,21 euro) aujourd'hui, et celui du gazole est passé de 792 à 690 francs CFA. Aujourd'hui, le baril coûte 55 dollars. C'est là que le bât blesse. Le gel du prix de l'essence à la pompe met en berne les finances publiques. Mais l'État veut tenir bon, car, il y a un an, la promesse du président Macky Sall avait été claire : l'année 2018 sera une année sociale. « C'est un choix, a assuré Amadou Bâ. Ou bien on décide d'augmenter les prix et ce sont les Sénégalais les plus faibles qui vont souffrir ou bien on bloque les prix et cela entraîne quelques difficultés. »
Remontrances du FMI
Le Fonds monétaire international (FMI) avait pourtant mis l'État en garde. Fin octobre, l'institution internationale a approuvé le projet de loi de finances 2019 du Sénégal parce qu'il cadrait avec l'objectif de déficit budgétaire de 3 % du PIB fixé par l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA avec le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Togo). Mais, lors d'une conférence de presse donnée à Dakar le 31 octobre dernier, le sous-directeur du département Afrique du FMI n'a pas caché que cela représentait un vrai « défi » pour le pays. À cause, selon Michel Lazare, de « la faiblesse récente des recettes et l'incidence négative de la persistance des prix mondiaux élevés du pétrole sur les finances publiques ».
Logiques électoralistes
Malgré les inquiétudes du FMI, pour le président de l'Union nationale des consommateurs du Sénégal, il y a fort à parier que le prix du carburant n'augmentera pas d'ici début 2019. En effet, plus que de respecter une promesse d'année sociale, l'enjeu pourrait bien être de tenir une promesse électorale. À quelques mois du prochain scrutin présidentiel, fin février 2019, le président n'a pas intérêt à renoncer à la promesse qu'il avait faite en 2012 lorsqu'il était candidat aux dernières présidentielles : celle de faire baisser le prix des carburants. Jean-Pierre Dieng explique que « l'État peut jouer sur d'autres leviers » pour faire entrer de l'argent dans les caisses « en augmentant notamment des taxes moins visibles pour le consommateur ». Avant d'ajouter : « Tout le monde ressentirait la hausse du prix du pétrole. Pas seulement à la pompe pour les automobilistes, mais aussi pour tous les usagers des transports en commun. Même le pain augmente ! » La chute de 20 dollars qu'a connue le cours du baril de pétrole depuis début octobre devrait rassurer à la tête de l'économie sénégalaise. De cela le ministre n'en a pas fait état.