Mariama Bâ a publié deux romans, Une si longue lettre paru en 1979 et Un chant écarlate, publié à titre posthume en 1981. Deux livres, au style lyrique et aux thèmes encore très actuels.
Mariama Bâ, l’une des pionnières de la littérature sénégalaise, est née en 1929 à Dakar. Elle perd très tôt sa mère et c’est sa grand-mère maternelle, de confession musulmane et très attachée à sa culture traditionnelle, qui se charge de son éducation. Cependant, grâce à l’insistance de son père, un homme politique ouvert d’esprit, la jeune Mariama fréquente l’école française, obtient son certificat d’études primaires et intègre l’École normale des jeunes filles de Rufisque, dont elle sort en 1947 avec le diplôme d’institutrice. Elle enseigne douze ans durant avant d’être affectée à l’inspection régionale. Mariama Bâ s’est également engagée dans plusieurs associations féminines dans le but d’éduquer les femmes et de faire avancer leurs droits. Mère de neuf enfants, mariée et divorcée à trois reprises, elle se servira de son expérience pour écrire ses deux romans. Elle est morte en 1981 à Dakar d’un cancer, peu avant la publication de son second roman.
Une si longue lettre : dans ce roman, une femme âgée de 70 ans, Ramatoulaye, s’adresse à sa meilleure amie. Elle y évoque les souvenirs heureux d’étudiantes impatientes de changer le monde, l’espoir suscité par l’Indépendance. Mais elle rappelle aussi les mariages forcés, l’absence de droit des femmes, la polygamie, le poids de la belle-famille…Elle analyse sa douleur lorsque, après 25 ans de mariage, son époux prit une seconde épouse, plus jeune, l’abandonnant ainsi que ses enfants. Elle s’adresse à son amie qui, elle, a fait le choix de divorcer et de partir vivre aux Etats-Unis pour s’affranchir du poids des traditions et de la polygamie. Mariama Bâ décrit ainsi deux parcours de femmes qui ont souffert à cause des carcans culturels et religieux.
Avec ce livre, Mariama Bâ reçoit, lors de la Foire du livre de Francfort, le prix Noma de publication en Afrique, en 1980, ce qui lui permet d’obtenir une renommée internationale. Inscrit dans les programmes scolaires et universitaires des pays d’Afrique, Une si longue lettre est devenu « un classique » de la littérature africaine d’expression française.
Un chant écarlate est un roman sur l’échec violent et douloureux d’un couple mixte franco-sénégalais. Mariama Bâ évoque une histoire d’amour fou entre Mireille de la Vallée, une jeune française, fille d’un diplomate en poste à Dakar et d’Ousmane Guèye, un jeune sénégalais issu d’une famille très modeste (son père est un tirailleur sénégalais). Ils se rencontrent sur les bacs d’un lycée à Dakar et se retrouvent à l’université. Elle décrit les obstacles qu’ils bravent pour se marier, Mireille ayant été renvoyée en France par son père. Mireille accepte de rompre avec sa famille bourgeoise et sa religion pour épouser Ousmane tandis que celui-ci sait qu’il trahit sa famille en épousant une toubab. Tous les deux sont professeurs. Mais une fois installés à Dakar, le mariage se délite peu à peu, en raison des difficultés d’adaptation de la jeune française, de l’hostilité de sa belle-mère, des coutumes sénégalaises si différentes de celles de son enfance, de l’intransigeance de son mari qui finira par prendre une deuxième épouse, sénégalaise, et par délaisser Mireille. Un livre poignant sur la difficulté des couples mixtes et les différences culturelles parfois difficiles à surmonter.
Servis par une très belle écriture, ces deux romans méritent vraiment d’être lus pour mieux comprendre certains aspects de la vie et de la culture sénégalaises. Mariama Bâ y dénonce l’étouffante tradition, la rigidité d’une société patriarcale mais aussi la richesse et la force de la culture sénégalaise. Elle dépeint également une société en pleine mutation, entre tradition et modernité, dans lesquelles les femmes peinent à prendre leur indépendance. Ses romans semblent d’une étonnante acuité et, malgré des spécificités historiques et culturelles, parviennent à atteindre une certaine universalité.
Actuellement, un lycée pour jeunes filles porte le nom de Mariame Bâ sur l’île de Gorée.