Dans un entretien accordé à France24, le 12 novembre 2018, le président SALL, interpellé sur les cas de Karim WADE et de Khalifa SALL, a indiqué qu’il pourrait bien leur accorder une amnistie. Pourtant, plus de deux semaines plus tôt, le 24 octobre dernier, le Comité des droits de l’homme des Nations-Unies se prononçait sur le cas de Karim WADE et demandait la révision de son procès. Alors soit Macky SALL n’était pas informé de la décision, soit il a, déjà donné, par anticipation, sa réponse à l’organe de surveillance du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme.
Sur le plateau de la chaîne publique française, France24, le président Macky SALL s’est notamment exprimé sur l’actualité politique sénégalaise. Dans une opération de charme, il a entr’ouvert la porte d’une amnistie pour Karim WADE et Khalifa SALL, dont les procès ont mobilisé toute la République durant de nombreuses années. « Je ne peux pas parler d’amnistie pour les deux parce que cela ne vient pas de moi, alors ce débat ne me concerne pas. Toutefois, je peux pas écarter en tant que Sénégalais, dirigeant et Président de la République, dans une circonstance nouvelle de réélection, si c’est la volonté des Sénégalais, d’engager une nouvelle phase de reconstruction nationale dans un esprit de renouveau et de consensus national. Je pense qu’il faut savoir tourner les pages aussi », a soutenu le chef de l’Etat. Pour Macky SALL, le consensus national et la reconstruction nationale, que les deux appels au dialogue national qu’il a lancés n’ont pas réussis à instaurer, pourraient bien être effectifs une fois sa réélection assurée.
Seulement, plus deux semaines avant l’interview de Macky SALL avec France24, le 24 octobre 2018 précisément, le Comité des droits de l’homme des Nations-Unies remettait en cause le jugement rendu par sa CREI. Et renvoie, par la même occasion, les déclarations de bonnes intentions du leader de l’APR au fond de l’eau. Car, s’il y a une « révision effective et substantielle de la déclaration de culpabilité» de Karim WADE, comme l’exige l’organe de surveillance du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, pourquoi ce dernier aurait besoin d’une loi d’amnistie ? Au contraire, si Macky SALL se conforme aux instructions du Comité des droits de l’homme de l’ONU, c’est le Sénégal qui devrait à Karim WADE. « Les États parties accordent une réparation intégrale aux personnes dont les droits reconnus par le Pacte ont été violés », souligne ledit Comité. C’est ce que les avocats de l’ancien ministre d’Etat ont compris en déclarant que rien ne s’oppose à l’inscription de leur client sur les listes électorales et à sa participation à la prochaine présidentielle.
Avec ce rebondissement, c’est Macky SALL qui entrevoyait une loi d’amnistie pour Karim WADE qui se retrouve ridicule. Etait-il informé que plus deux semaines avant sa déclaration le Comité des droits de l’homme de l’ONU avait rendu une telle décision ? C’est là la grande interrogation. D’autant que, l’Etat du Sénégal a été bien entendu par ledit Comité qui a également bien pris en compte ses dénégations avant de rendre son jugement. « Le Comité note également les arguments de l’État partie (le Sénégal, ndlr) selon lesquels l’instruction par la Commission d’instruction de la CREI a été minutieuse, que le jugement de la CREI a permis de réexaminer la totalité des faits et que l’examen par la Cour suprême ne s’est pas borné à un contrôle purement formel », souligne le rapport. Et, une des réponses du chef de l’Etat au journaliste tend à confirmer que Macky SALL ne savait rien de ce qui a été décidé à l’ONU. « L’ONU n’a jamais critiqué le Sénégal, je suis désolé. L’ONU est constituée d’institutions et jamais je n’ai entendu le conseil de sécurité critiquer le Sénégal. Maintenant les groupes de travail, ça va dans tous les sens alors… », a répondu le président SALL, qui comme tout le monde semblait être tenu au secret de ce qui s’était décidé aux Nations-Unies.
Ou alors, bien informé des exigences du Comité des droits de l’homme de l’ONU, le président SALL a décidé de faire la sourde oreille et de ne pas en tenir compte, comme il l’a déjà fait avec le Groupe de travail sur la détention arbitraire du Conseil des droits de l’homme de l’ONU et avec la Cour de justice de la CEDEAO.