Si les Dakarois connus pour leur amour de la sape ont l’habitude de trouver leurs tailleurs dans les nombreux ateliers de couture de la capitale sénégalaise, il reste qu’ils voient de plus en plus venir vers eux des confectionneurs d’habits d’un tout autre genre : les tailleurs ambulants.
Principalement des Nigériens, ils sillonnent à longueur de journée les rues de Dakar ou passent de maison en maison pour proposer leurs services consistant à coudre ou retailler une chemise, une robe, un pantalon ou un grand boubou. Prototype de cette nouvelle « race » de tailleur, Djafar Saidou, 19 ans, sait s’y prendre pour capter l’attention de ses clients qui le voient toujours se balader avec une machine à coudre sur l’épaule. En plus, il s’annonce via le cliquetis métallique d’une paire de ciseaux qu’il fait s’entrechoquer entre son pouce et son index.
C’est par ce « concert » qu’il a, à hauteur de l’université Cheikh Anta Diop, attiré l’attention de Pathé Ndiaye. Etudiant dans ce temple du savoir, le jeune homme exhibe une chemise et à coups de mimiques ponctuées de wolof et de français, deux langues que maîtrise peu Djafar, parvient à lui faire comprendre qu’il veut retailler le vêtement, moyennant 250 FCFA.
Marché conclu, Djafar trouve à côté un appui où il pose sa machine, puis sort une bobine de fil et, à l’aide de ses ciseaux, se lance habilement dans l’opération.
Penché sur sa machine qu’il fait tourner à coups de poignet, il confesse : « Je suis venu à Dakar, il y a plus d’une année, à la recherche d’un travail et mes amis m’ont initié à ce métier. Avant je ne connaissais pas le métier de tailleur, mais j’ai appris à force d’accompagner mes amis tailleurs ».
Ayant démarré comme marchand ambulant dans son pays, le jeune Nigérien est presque dans son élément quand il sillonne quotidiennement les rues de Dakar, la machine à coudre sur l’épaule et le concert métallique des ciseaux rythmant ses pas.
N’empêche, souligne-t-il, « Ce travail n’est pas facile, déjà la machine est lourde et on traine avec toute la journée. Parfois je marche avec elle sur mon épaule, de la Gueule Tapée à Ouakam », deux communes dakaroises distantes de quelques kilomètres.
Achetée à 40.000 FCFA, la machine à coudre permet au jeune homme de s’en sortir en donnant satisfaction à une clientèle qui trouve son compte dans le service express des tailleurs ambulants ainsi que les prix abordables de leurs prestations.
Khady Mboup, une habitante de Fass Delorme, un quartier non loin du centre-ville, apprécie beaucoup les tailleurs ambulants, au motif dit-elle, qu’ils lui raccommodent à chaque fois que de besoin les culottes et robes déchirés de ses garçons et fillettes.
« Les tailleurs sénégalais acceptent rarement de retailler ou de raccommoder les habits des enfants », affirme Khady, soulignant que certains peuvent, pour une raison ou une autre, vous prendre un habit à rafistoler mais dès que vous avez le dos tourné ils le rangent dans un coin pour ne jamais s’en occuper.
A en croire, Khady c’est tout le contraire avec les tailleurs ambulants nigériens. En dehors de leurs « services pas chers », la femme apprécie le fait qu’elle peut surveiller à domicile le tailleur ambulant et vérifier à chaque étape de son travail s’il respecte ses consignes.
Concernant les prix somme toute abordables, Alousseynou Ala, un tailleur ambulant nigérien de 22 ans qui vient de boucler huit mois à Dakar, explique qu’ils varient selon les habits et la nature du travail à effectuer.
« S’il s’agit de retailler une chemise ou un pantalon, c’est à partir de 300 FCFA et pour une robe ou un grand boubou, nous exigeons 400 FCFA ou 500 FCFA », renseigne Alousseynou, ajoutant qu’il lui arrive de réaliser par jour une recette avoisinant 5000 FCFA.
Passé du transport à la couture, le jeune Nigérien qui dit être « venu au Sénégal pour pouvoir économiser de l’argent » et se lancer dans le commerce, confie avoir, lors du dernier Grand Magal, gagné 35.000 FCFA pour trois jours passés à Touba avec sa machine à coudre.
Ainsi, va la vie à Dakar de beaucoup de Nigériens qui, malgré un réel problème de langue, déclarent être à l’aise dans leur pays d’immigration.
« Les Sénégalais sont très accueillants. Parfois, on entre dans une maison pour réparer les habits et la dame nous donne à manger », affirme Mussa Yama. Sans compter, ajoute-t-il dans un sourire communicatif, que lui et ses compatriotes sont rarement interpelés par les forces de sécurité pour des contrôles d’identité.