La Justice sénégalaise nourrit un vieux rêve, celui d’être indépendant, pour pouvoir, en toute conscience, exercer son sacerdoce, sans devoir subir des pressions d’un quelconque autre pouvoir.
Hélas, ce n’est là qu’un vœu pieux. La réalité de la pratique quotidienne des activités de la Justice donne de celle-ci l’image d’un pouvoir dérivé à l’indépendance circonscrite.
La journée de réflexion organisée hier par la Ligue sénégalaise des droits humains (Lsdh) et portant sur le thème : « Pour une indépendance effective de la justice : quels rôles pour les acteurs judiciaires, les autorités politiques, la presse et la société civile ? », est une interpellation de la société civile sur le manque criard d’indépendance dont souffre notre Justice.
Les acteurs ont échangé, et de fort belle manière, comme d’habitude.
Il y a en effet longtemps qu’un diagnostic froid a été fait des maux dont souffre Dame Justice dans notre pays. La problématique de son indépendance est justement assujettie à la volonté politique exprimée par le Pouvoir exécutif à qui nos textes donnent trop de pouvoir.
Le bâtonnier de l’Ordre des avocats, Me Mbaye Guèye, l’a dit, ‘’le Procureur a trop de pouvoirs’’. Et ce n’est pas sa faute. C’est cela le système conçu est voulu comme tel.
Ce même Procureur est assujetti au Ministère de la Justice selon le principe hiérarchique, ce n’est pas sa faiblesse, c’est le système.
Les mandats de dépôt systématiques, les longues détentions préventives, le non-respect parfois des droits de la défense et des détenus et toutes les violations des droits des individus, relèvent de ce système qui, tant qu’il n’est pas réformé, sera toujours le même.
Nous avons en effet une machine judiciaire qui date des années 60, c’est-à-dire à l’époque de l’indépendance. Elle est obsolète et inadaptée malgré les réformettes qui lui ont été apportées.
Or, la Justice a besoin d’une rupture de fond par rapport aux méthodes en cours.
L’Exécutif y exerce une immixtion tellement intempestive qu’on a vu tout récemment des ‘’libertés provisoires permanentes’’, des ‘’grâces conditionnelles’’ et autres hérésies judiciaires que seul notre système peut permettre sans que personne ne lève le petit doigt.
Des individus, sous le coup de loi, donc en liberté provisoire, sont aujourd’hui reçus en grande pompe au Palais sans que le Président Sall ne prenne conscience du fait qu’il est en train de fragiliser l’institution judiciaire.
Un prisonnier gracié a été exilé avec des menaces claires venant du Ministre de la Justice de l’emprisonner si jamais il remettait les pieds dans le pays. Or, tout le monde sait que la grâce efface la peine.
Une réalité qui fait froid au dos. Cela veut dire, en clair, que nous avons tellement l’habitude de violer nos propres lois, de profiter d’un système défectueux que cela ne dérange plus. Or, ce qui est grave, c’est que cela se fait sur le dos de citoyens impuissants à se défendre face à la toute-puissance de l’Etat.
En somme, notre Justice verse souvent dans l’injustice, ne serait-ce que s’agissant de l’opportunité des poursuites accordée au Parquet qui en use et en abuse. On interpelle qui on veut et on ‘’met le coude’’ sur le dossier de qui l’on veut.
Sans s’en rendre compte, nous avons bâti un système judiciaire digne d’une dictature. Il ne sied pas à une démocratie qui se respecte.
C’est pour cela que nombre de personnes se croient au-dessus des lois. Sûres qu’elles ne seront pas inquiétées, elles violent agrément les lois.
Pourtant, que de réflexions à ce sujet. Les acteurs, la société civile, la presse et les acteurs n’ont jamais cessé de dénoncer un système qui, faute de volonté politique des Gouvernants, ne change guère depuis des décennies. Et ce n’est pas demain la veille.