«Nous avons cette année zéro centimètre carré d’incendie. Il n’y a pas un seul incendie au Sénégal». C’est ce qu’a soutenu le ministre de l’Environnement et du Développement durable à Thiès. Une déclaration qui ne résiste pas à la réalité du terrain.
le ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, Abdoulaye Daouda Diallo a dû, sans doute, regretter, en regardant à travers les vitres de son véhicule, les feux dévorer le restant des arbres de la forêt du département de Médina Yoro Foula, à Kolda. Un mois auparavant, soit en mai 2018, son collègue de l’Environnement, Mame Thierno Dieng, avait emprunté le même chemin pour aller présenter les condoléances du gouvernement à la famille de Moustapha Guèye, tué à la lisière de son village par des trafiquants de bois. Son cortège a, par endroits, roulé sur des cendres au cœur de la forêt casamançaise. A Thiès où il s’était déplacé, cette semaine, pour la réception d’une station hydrométéorologique automatique par le projet de renforcement de la gestion des terres et des écosystèmes des Niayes et de la Casamance, Mame Thierno Dieng a affirmé devant des officiers des Eaux et forêts : «Nous avons cette année zéro centimètre carré d’incendie… Il n’y a pas un seul incendie au Sénégal.» Pour mesurer la teneur de cette déclaration, visitons le site du Centre de suivi écologique (Cse) qui dépend lui-même du ministère de l’Environnement et du Développement durable. En résumé, le rapport de suivi des feux de brousse 2017-2018, dans la période du 15 octobre 2017 au 31 mai 2018 sur l’ensemble du territoire met en évidence une augmentation importante des superficies brûlées de quelques milliers d’hectares. «Les statistiques pour la saison 2017-2018 sont de 535 546 ha de superficies brutes brûlées contre 493 768 ha pour la saison précédente, soit une hausse relative de 8 %. La part occupée par les feux de brousse est de 246 951 ha», indique le rapport du Cse.
Selon le rapport, les feux ont amorcé une baisse en janvier et février 2018 avec une petite reprise en mars et un arrêt en mai. «La région la plus touchée par les feux avant l’application du masque spatio-temporel est celle de Tambacounda avec 245 554 ha ; elle est suivie de loin par les régions de Kédougou et de Kolda avec respectivement 122 156 ha et 69 434 ha ; soit en valeur relative 46 %, 23 % et 13 % du total des superficies brûlées sur le plan national. Viennent ensuite les régions de Sédhiou (36 716 ha) et de Ziguinchor (25 546 ha) avec des valeurs relatives respectives de 7 % et 5 %. Les cinq régions du sud et du sud-est ont enregistré plus de 92 % des superficies brûlées du Sénégal», relève le Centre de suivi écologique.
Par exemple, en mars 2018, le Cse indique que la répartition spatiale des feux au cours de ce mois est perceptible dans huit régions mais seules trois concentraient 75 % des superficies affectées : Ziguinchor, Tambacounda et Kolda. La propagation plus prononcée vers le sud-ouest est contrebalancée par une nette baisse au centre du pays. Une légère augmentation des superficies brûlées s’est produite avec des valeurs qui sont passées de 44 997 ha en février à 66 179 ha en mars. Par rapport à l’année 2017, les valeurs des superficies des feux du mois de mars sont passées de 65 550 à 66 179 ha ; ce qui s’est traduit par une petite hausse relative de moins de 1 %. En avril 2018, le rapport avance que la valeur des superficies brûlées continue de baisser à cause de la diminution du combustible ligneux et herbacé et de la fin des mises à feux précoces. Les données font ressortir des superficies brûlées de 30 242 ha pour 2018 contre 37 636 ha pour 2017 avec un écart plus net pour les feux de brousse qui vont de 37 636 à 25 786 ha, soit une baisse de plus de 31 %. Entre mars 2018 et avril de la même année, les superficies brûlées sont passées de 66 179 à 30 242 ha, soit une baisse relative de 54 %. La région la plus affectée par les feux est Kolda. Elle est suivie de Tambacounda, Kédougou, Ziguinchor et Sédhiou. Ces cinq entités administratives abritent près de 94 % des superficies brûlées. A la lumière de ces données, on constate que les feux de brousse continuent de ravager l’écosystème sénégalais. Le ministre Mame Thierno Dieng feint aussi d’oublier les incendies du marché Tilène de Ziguinchor et autres espaces commerciaux du Sénégal.