Après la Cour de justice de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), c’est le Conseil directeur de l’Union interparlementaire qui s’invite dans le dossier Khalifa Sall. Et c’est pour signaler qu’il y a bel et bien des irrégularités dans la procédure initiée contre le maire de Dakar. Du coup, l’organisation des Etats souverains met en garde la justice sénégalaise en vue de la procédure devant la Cour suprême.
Au moment où il multiplie les revers devant les juridictions nationales, Khalifa Sall enchaine les victoires devant les juridictions internationales. A la suite de la Haute cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), c’est le Conseil directeur de l’Union interparlementaire (Uip) qui confirme l’existence de vices dans la procédure initiée contre l’ex-maire de Dakar. Dans sa décision adoptée à l’unanimité le 18 octobre courant, lors de la 203e session, l'organisation internationale des parlements des Etats souverains confirme l’organisation sous-régionale africaine.
L’Uip, lit-on dans la décision, ‘’considère que les conclusions de la Cedeao, à savoir le non-respect du principe de présomption d’innocence, étant donné que le contenu des enquêtes menées a été rendu public, le caractère arbitraire de la détention de M. Sall, dès lors qu’étant élu il jouissait de l’immunité parlementaire et le rejet sans examen sur le fond des différents recours qu’il a introduits auprès du juge d’instruction, confirment en très grande partie les allégations du plaignant selon lesquelles la procédure entamée contre M. Sall était entachée de sérieux vices’’.
D’ailleurs, selon leur analyse des faits qui leur ont été exposés, les membres du conseil disent ‘’noter avec préoccupation’’ que ces irrégularités judiciaires s’expliquent par le caractère politique du dossier. En fait, Khalifa Sall, le plaignant, leur a, par le biais de ses avocats, signalé qu’il fait l’objet de poursuites politiquement motivées, dans la mesure où les allégations de corruption ont été formulées à quelques mois des élections législatives de juillet 2017, après qu’il a annoncé son intention de s’y présenter. Les avocats du socialiste exclu ont expliqué également dans leur requête que ‘’les poursuites ont également pour but d’invalider la candidature de M. Sall à la prochaine présidentielle’’ et que ‘’son opposition à la révision constitutionnelle engagée par le président (Macky Sall) a également été un facteur motivant les poursuites à son encontre’’.
Outre les raisons de ces irrégularités, l’Uip souligne que ces griefs ont eu des conséquences sur le procès en appel, car les avocats se sont retirés. C’était pour, rappelle le conseil, ‘’dénoncer les différentes irrégularités judiciaires et d’autres incohérences survenues au stade du procès en appel ainsi qu’une justice expéditive’’.
Cependant, même si l’Uip a pris le contre-pied des juridictions sénégalaises quant à la régularité de la procédure, elle n’a pas donné de réponses précises sur certains aspects de la saisine. Puisque l’organisme mondial n’a pas toutes les informations dont elle a besoin pour trancher le litige. D’ailleurs, le conseil relève dans sa décision qu’elle ‘’prend note des informations transmises par les autorités parlementaires en janvier 2018’’, mais ‘’regrette l’absence de réponse ultérieure aux demandes notamment d’informations sur la nature des faits reprochés à M. Sall’’. En fait, l’organe veut plus de détails concernant le mécanisme de fonctionnement de la caisse d’avance. C’est que ‘’les allégations de détournement de fonds pour lesquelles M. Sall a été condamné sont en lien avec l’usage de fonds alloués à une ‘caisse d’avance’ mise à sa disposition lorsqu’il était maire’’. A ce propos, le parlementaire a expliqué que ladite caisse fonctionnait avec un mécanisme dont l’existence remonterait à plusieurs années et que ses prédécesseurs l’ont utilisée sans jamais être inquiétés. Ainsi, c’est en raison de ces arguments que l’Uip a réitéré ‘’son souhait d’obtenir des informations à cet égard de la part des autorités parlementaires afin de mieux comprendre la teneur des allégations’’. Aussi, prie-t-il le comité ‘’de poursuivre l’examen de ce cas et de lui faire rapport en temps utile’’.
Par ailleurs, l’organisme a émis des réserves quant à la suite de la procédure pendante devant la Cour suprême. C’est pour mettre en garde les juges, vu que Khalifa Sall sera définitivement écarté de la course à la présidentielle, si la Cour de cassation confirme les décisions de première et de seconde instance. Face à cette menace qui plane sur la tête du député, la structure espère que ce dernier recours sera examiné selon une procédure ‘’indépendante et impartiale’’ et ‘’dans le respect des normes nationales et internationales applicables en la matière’’.
En prison depuis le 7 mars 2017, Khalifa Sall est reconnu coupable d’escroquerie portant sur des deniers publics et de faux. Tout comme en première instance, il a été condamné en appel à une peine ferme de 5 ans avec une amende de 5 millions. Sans compter la somme de 1,8 milliard de francs Cfa qu’il doit payer solidairement avec ses co-prévenus, notamment Mbaye Touré, Fatou Traoré, Yaya Bodian et Ibrahima Yatma Diaw.