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Art et Culture

Oumar Sall (auteur et critique) - ‘’ Je ne suis pas sûr (…) qu’un artiste puisse influer par des consignes’’
Publié le lundi 15 octobre 2018  |  Enquête Plus
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Il a travaillé avec divers artistes dont Oumar Pène. Coordonnateur du Mouvement Afrique 30 (Réseau interafricain d’échanges culturels regroupant divers pays dont le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Congo, le Mali, etc), auteur et critique d’art, Oumar Sall analyse ici le sens de l’engagement politique de certains artistes sénégalais.



Le mouvement ‘’Xatiando doora ndo’’ regroupant des artistes sénégalais vient de naître. Que vous inspire sa mise sur pied ?

La liberté d’association est un principe reconnu par notre constitution. Donc, des Sénégalais partageant les mêmes convictions peuvent se constituer librement.

Comment un artiste doit-il s’engager en politique, selon vous ?

Il n’y a pas une forme ‘’standard’’. Certains choisissent de le faire de façon active et très visible. C’est le cas de Youssou Ndour en 2012 avec la Coalition BBY (Benno Book Yakaar, ndlr) ou de Souleymane Faye et de Doudou Ndiaye Mbengue aux côtés de l’APR.

Où se situent les limites de cet engagement politique ?

C’est à chaque artiste de se fixer ses limites en pensant à tous ses fans qui sont de tous les bords. Il faut juste que le discours soit clair et sincère.

Au Sénégal, ce sont souvent les ‘’mbalaxmen’’ qui s’engagent aux côtés du pouvoir, comment l’expliquez-vous ?

Ah non ! Nous avons vu feu Pacotille aux côtés du Président Wade où ces autres rappeurs qui s’étaient constitués pour contrer Y’en A Marre. L’engagement n’a pas de genre musical à mon avis. Ceux appelés ‘’mbalaxmen’’ sont peut-être plus bruyants.

Peut-on accorder du crédit à leur engagement politique ?

Au nom de la liberté, nous ne devons et ne pouvons pas douter de la sincérité de leur engagement. Il y va de l’animation de notre démocratie. Nous devons apprendre à nous opposer dans le respect mutuel des convictions

Nombreux sont ceux qui pensent qu’il y a des desseins économiques derrière cet engagement. Partagez-vous cet avis ?

Nous devons apprendre à respecter le choix de nos concitoyens. Tenons-nous à ce qui a été dit et diffusé. Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas d’accord avec leur engagement que nous devons le juger opportuniste.

Les rappeurs ont contribué au changement de deux régimes au Sénégal, pourquoi eux sont toujours dans ce qu’on peut appeler l’opposition ?

Les rappeurs ne sont pas dans l’opposition. Ils sont avec les Sénégalais. Ils se sont engagés pour des changements radicaux en beaucoup de domaines. Et comme c’est un engagement qui s’inscrit dans le long terme, il est normal qu’ils paraissent comme des opposants. Mais ils n’en sont pas.

Est-ce que du fait de leur stature de relais sociaux et d’éveilleurs de conscience, cette posture partisane impacte leur image et leur carrière ?

‘’Relais sociaux’’ ou ‘’éveilleurs de conscience’’ ne sont que des fabrications contemporaines. Chaque citoyen, dans ce qu’il sait faire et le partage avec générosité, est un relais et un éveilleur. Plus que les musiciens, ce sont leurs œuvres qui sont aimées. Peu importe leur camp. L’exemple de Youssou Ndour est là. En tant qu’artiste, il est rare de voir un Sénégalais qui n’aime pas ses œuvres. Mais en tant que patron du mouvement politique ‘’Fekkee ma ci boole’’, c’est une autre réalité.

Des artistes estampillés pro-gouvernementaux ou pro-opposition, ce n’est pas en soi nouveau, mais, est-ce que cette prise de position a un impact sur le cours politique des choses ?

Je ne suis pas sûr qu’à l’état de maturité actuel de nos concitoyens, un artiste puisse influer par des consignes en faveur de tel ou tel camp. Même le pouvoir religieux perd de cette influence.

De par votre expérience et vos recherches où situez-vous l’engagement des artistes sénégalais, d’une manière générale, sur toutes les questions qui engagent la société par rapport à celui des artistes des autres pays d’Afrique et d’Occident ?

Il y’a une culture de gauche qui continue à habiter notre champ artistique. Ce qui explique cette posture des artistes à souvent se poser comme la voix des sans voix. Même ceux et celles qui ne chantent que l’amour et l’eau fraiche s’approprient cette étiquette. C’est à y perdre sa voie !

Notre pays à l’avantage de voir, chaque jour, la liberté d’expression y gagner du terrain. Même s’il y’a encore de nouveaux espaces à conquérir. Le pouvoir politique est, de plus en plus, entre les mains d’une génération très branchée ; qui a été témoin de la naissance du hip hop et qui a aussi dansé entre le Thiossane et ‘’Chez Iba’’. Il y’aura donc moins de tensions parce qu’il y’a un commun en partage. Et ceci a forcément des conséquences sur la qualité des rapports.

Il nous faut, toutes et tous, travailler à conforter ces libertés, sans haine ni rancœur.

BIGUE BOB
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