Le Pacte global sur la migration (Global Compact on Migration, Gcm) va être conclu en décembre à Marrakech (Maroc). L’absence d’une politique nationale sur la question inquiète la société civile.
‘‘Les migrations sont une question de population qui appelle un traitement. Manquer de politique migratoire, c’est un réel problème pour tout Etat, dans un monde où les mouvements de populations sont devenus très dynamiques’’. Les propos du président du Forum social sénégalais sonnent le grelot, en perspective d’une échéance importante pour la législation internationale sur la migration. Un document qui est un agenda proposé par les Nations Unies sous l’initiative de Koffi Annan et renforcé par le gouvernement Obama, après des négociations pendant 2 à 3 ans.
Le Global Compact (Pacte global) pour une migration sûre, organisée et régularisée (Gcm) est attendu pour être le premier accord intergouvernemental couvrant toutes les dimensions de la migration internationale de manière holistique. Une opportunité inégalée d’améliorer la gouvernance sur la question, de relever les challenges contemporains relatifs à cette problématique et de renforcer la contribution des migrants et de la migration pour un développement durable. La Conférence intergouvernementale sur la migration internationale, les 10 et 11 décembre 2018, pour adopter ce Compact à Marrakech, doit finaliser cette procédure.
Seulement, l’impréparation du Sénégal pour ce grand rendez-vous nourrit les appréhensions d’observateurs de la question. ‘‘Il faut revoir le processus préparatoire avant la date fatidique de signature de ce document qui va donc nous engager. Mais s’engager dans quelque chose, sans avoir un document de politique nationale, peut porter à équivoque. C’est là que nous appelons l’Etat sénégalais à précipiter la finalisation de ce qui aurait pu être son document et voir comment l’opinion sénégalaise et les acteurs soient d’accord sur les termes’’, avance Mamadou Mignane Diouf.
Le coordonnateur du Forum social sénégalais, dans la logique d’éveil sur le manque d’une politique migratoire sénégalaise, s’est inquiété que les lignes bougent à peine, alors que la rencontre de Marrakech approche. ‘‘Il est bon que ce qui va être signé dans ce Gcm soit un engagement global dans une position de Compact, c’est-à-dire de solidarité, et qu’il soit connu par les populations sénégalaises et africaines par les décideurs, les acteurs et les journalistes’’, a-t-il poursuivi, lors d’un séminaire sur la migration tenue à Dakar la semaine dernière.
De tous les grands questionnements liés à la migration régulière ou irrégulière, (résurgence du phénomène ‘‘Barça wala Barsax’’, intégration dans les pays d’accueil, modalités de rapatriement, envois d’argent, flux migratoires intra-régionaux…) la politique interne semble n’indiquer aucune direction claire. En coulisses, l’on s’inquiète même que la direction de ce travail de planification sur une politique nationale aussi important soit confiée au ministère de l’Economie, des Finances et du Plan (Mefp) qui ‘‘ne s’intéresse qu’à l’aspect pécuniaire et oublie les implications stratégiques d’une question tout aussi stratégique’’.
D’après M. Diouf, notre pays a une réflexion avancée pour avoir un document de politique migratoire. ‘’Je crois qu’il faut rapidement le finaliser avec l’autorité suprême de l’Etat et en faire un outil capable de guider les acteurs qui travaillent sur la migration et pouvoir inscrire notre agenda propre sur des questions migratoires au niveau national, régional et international’’.
Flux intra-régionaux plus importants que les mouvements vers le Nord
Alors que les péripéties du navire humanitaire ‘‘Aquarius’’, la mort de milliers de migrants en Méditerranée ou les meurtres de Sénégalais en Occident concentrent l’attention de l’opinion, les migrations intra-régionaux passent pratiquement dans l’épaisseur du trait médiatique. D’après les derniers chiffres disponibles de la Cedeao - ceux de 2004 - l’Afrique de l’Ouest constitue la deuxième région d’asile du continent (après l’Afrique centrale) avec 725 000 réfugiés. Cette communauté sous-régionale dispose même d’un document datant de 2007, avec une approche politique commune sur les migrations qui a été élaborée par la Commission de la Cedeao. Elle s’appuie sur six considérations ou principes majeurs. Mais, dans la pratique, les tracas administratifs dans les différents points de passage frontalier empêchent la fluidité de la mobilité. D’ailleurs, M. Diouf estime que les tribulations de la migration sont plus un problème d’ordre politique qu’humain.
‘‘Analysée sous l’angle de la crise migratoire, c’est un faux débat. C’est la diplomatie qui est plutôt en crise. Ce sont les gouvernances qui sont en crise dans les options de gérer les populations en mouvement. Mais la migration reste une donnée humaine qui date depuis des millénaires’’, défend-il. Par ailleurs, M. Diouf déplore que la dimension humaniste soit complètement ignorée avec les barrières érigées de plus en plus haut dans les politiques migratoires. ‘‘Il faut reconsidérer ce débat dans un contexte réel, d’humanisme, de solidarité et de partage, et ne pas le cloitrer dans un regard xénophobe, raciste, d’enfermement des populations’’.