La procédure contre l'ex-président tchadien Hissène Habré, inculpé de crimes contre l'humanité et détenu à Dakar où il est réfugié depuis 1990, est "politique", ont dénoncé jeudi ses avocats.
"Nous sommes confrontés à l'exécution d'un mandat politique. Cette enquête a été dès le départ manipulée par les services secrets tchadiens", a affirmé François Serres, un des avocats de M. Habré, au cours d'une conférence de presse à Dakar.
Il a dénoncé une procédure "où il ne peut pas y avoir d'enquête impartiale" et fustigé le procureur général du tribunal spécial devant juger M. Habré, Mbacké Fall, qui "viole la présomption d'innocence et le secret de l'instruction".
"Comment peut-on construire une prison" pour Habré sans qu'il ne soit jugé?, s'est interrogé Cheikh Amadou Ndiaye, un autre avocat de l'ex-chef d'Etat tchadien, détenu dans une prison réaménagée à Dakar.
"Le Sénégal a des prisons pour garder quelqu'un en détention préventive. On a préféré en construire une et ça traduit une volonté politique manifeste de le condamner", a-t-il estimé.
El Hadji Diouf, autre défenseur de M. Habré, s'en est également pris au procureur général, qui "a fixé une date pour le procès alors que les magistrats instructeurs peuvent prendre une décision de non-lieu".
Mbacké Fall a récemment déclaré à la presse que le procès de M. Habré pourrait débuter en avril 2015. Pour Ibrahima Diawara, autre avocat de la défense, l'accord entre le Sénégal et l'Union africaine (UA) créant les chambres africaines extraordinaires, le tribunal spécial devant juger M. Habré, "n'a pas été ratifié (par Dakar) pour entrer en vigueur, conformément à la Constitution" sénégalaise.
Hissène Habré a été inculpé de crimes de guerre, crimes contre l'humanité et tortures commis au cours des huit ans qu'il a passés au pouvoir, avant d'être renversé en 1990 par Idriss Deby Itno. Depuis sa chute, il vit en exil au Sénégal.
Le Sénégal et l'Union africaine (UA) ont signé en décembre 2012 un accord pour la création au Sénégal du tribunal spécial en vue de juger Hissène Habré.
En mai 2013, le Tchad et le Sénégal ont signé un accord devant permettre aux juges de ce tribunal de mener des enquêtes au Tchad. L'ex-président Habré a été arrêté le 30 juin 2013 à Dakar, puis inculpé le 2 juillet 2013 par le tribunal spécial et placé en détention préventive.