Installée lundi dernier, la chambre criminelle de Mbour a jugé sa première affaire hier. Une bande d’éleveurs qui avait subtilisé le sac d’un vendeur de moutons de nationalité mauritanienne contenant la rondelette somme de 16 millions.
''L'argent n'a pas d'odeur, mais à partir de 1 million, il commence à se faire sentir''. Cette citation de Tristan Bernard est vraie pour le ressortissant mauritanien Khassimou Wouly Gassen Moussa, qui a été délesté de ses 16 000 800 F Cfa, un jour de novembre 2011, par une bande d’éleveurs. D'après les confessions d’Abdoulaye Gning, Mamadou Sow est venu lui dire qu'il avait repéré un Maure qui détenait une forte somme d'argent. Les deux compères ont ensuite mis dans la confidence leurs collègues éleveurs Gorgui Ba, Sadibou Ka et Mbaye Sène. Une stratégie a été peaufinée pour délester le Mauritanien de son sac contenant la somme de 16 000 800 F Cfa. A l’instruction, les autres membres de la bande ont pointé Abdoulaye Gning comme l’auteur du vol. Hier, devant la chambre criminelle, ce dernier a nié les faits à lui reprochés.
Le 7 novembre 2011, vers 19 h, Khassimou Wouly Gassen Moussa, après une rude journée de travail - il venait de vendre 214 bêtes - a voulu prendre un moment de repos. Profitant de sa somnolence, une personne non identifiée a dérobé son sac et pris la fuite. Le Mauritanien, entrant dans une colère noire, a accusé Babacar Diouf qui a bénéficié d'un non-lieu après 2 ans de détention. Ensuite, l'enquête a permis de procéder à l'arrestation d’Abdoulaye Gning qui, au moment des faits, était âgé de 26 ans, Mbaye Sène de 31 ans, Mamadou Sow de 24 ans, Gorgui Ba de 18 ans, Sadibou Ka de 25 ans, le charretier Bouré Ngom, alors âgé de 28 ans. Car, lors de leur fuite, les voleurs ont rencontré, en cours de route, le charretier qui les a conduits hors de la ville. Après trois kilomètres de course, ils se sont arrêtés pour se partager le butin.
Les six ont fait face, hier, aux juges de la chambre criminelle de Mbour, afin de répondre des délits d'association de criminels, vol commis la nuit avec usage de véhicule. Bien qu'il y ait eu vol et partage, personne n'a voulu endosser la responsabilité du vol et du partage. Chacun a raconté sa propre version des faits. Abdoulaye Gning a ouvert le bal pour dire que Mamadou Sow est venu lui confier avoir repéré un Maure qui détenait une très forte somme. Et qu’après leur forfait, ils lui ont remis 1 200 000 F Cfa. ‘’Je n'ai pas pris le sac, je n'ai pas fait le partage'', a-t-il déclaré. Mbaye Sène a soutenu qu'il n'était pas présent au moment du vol et qu’Abdoulaye Gning lui avait remis la somme de 500 000 F Cfa. ''Je n'étais pas présent au moment du vol et du partage. Abdoulaye Gning m'a remis 500 mille francs pour que je les lui garde. Il m'a dit qu'il ne voulait pas dépenser l'argent, car il préparait le baptême de son enfant'', a raconté Mbaye Sène. Des faits corroborés par Mamadou Sow qui a aussi soutenu que le même Abdoulaye Gning lui a remis 800 mille francs pour qu'il les lui garde pour son baptême.
Sadibou Ka, pour sa part, a nié être mêlé au vol et parlé de vengeance. ''Je ne suis ni de près ni de loin mêlé à ça. Bouré a été arrêté pour trafic de chanvre indien. Il a pensé que je l'avais dénoncé, et depuis il m'en a voulu. Avec cette deuxième arrestation, il a voulu me tremper''. Bouré Ngom, le charretier qui avait convoyé les voleurs, a dit avoir reçu la somme de 200 mille francs, trois jours après le forfait. ''Sadibou est venu me voir pour me dire qu'ils avaient volé l'argent d'un éleveur maure. Ils ne m'ont pas dit la somme exacte, mais ils m'ont remis 200 mille francs pour acheter mon silence'', s’est défendu Bouré Ngom. Ainsi, pendant des heures d'échanges, personne n'a voulu endosser le crime.
Dans son réquisitoire, le procureur Alioune Sarr a estimé que, même si Mamadou Sow n'est pas l'auteur du vol, il en est l'instigateur. Parce qu'il a montré le Maure à Abdoulaye Gning. Que les faits de vol commis la nuit avec usage de moyen de transport, d'association de malfaiteurs sont réunis. Il a donc requis 15 ans de travaux forcés contre Bouré Ngom, car la mauvaise foi du charretier ne souffre d'aucune contestation. Et 10 ans de travaux forcés pour les autres membres de la bande.
Ce réquisitoire a été contesté par Me Sène, avocat de Bouré Ngom et Mbaye Sène, qui considère que les coaccusés ne se sont pas retrouvés pour mettre en place un modus operandi. De ce fait, ce n'est pas un vol criminel. Il a aussi demandé qu’on les acquitte pour association de malfaiteurs. ''Ce ne sont pas des bandits de grand chemin. C'est des délinquants amateurs qui, après leur grand séjour, ont bien réfléchi et regrettent''.
Son confrère, Me Ndior, qui défendait les intérêts de Mamadou Sow, a lui soutenu que la non-comparution de la partie civile laisse des zones d'ombre. Il a déploré le fait que, depuis le début, Bouré Ngom a dit que Mamadou Sow n'était pas monté sur sa charrette. Et qu'il ne comprend pas pourquoi Abdoulaye Gning persiste sur le fait que Mamadou Sow était avec eux. ''Quatre personnes, parmi les accusés, ont affirmé qu’Abdoulaye Gning a dérobé le sac. Mamadou Sow est une victime d’Abdoulaye Gning qui l'a chargé à bloc'', a plaidé Me Ndior, qui a demandé qu'on écarte la circonstance de vol en réunion. Car une seule personne a subtilisé l'argent.
Au terme des échanges, la bande a écopé d'une peine de 7 ans de travaux forcés. Ainsi, ayant passé 7 ans de détention, ces voleurs amateurs seront libres au mois de novembre prochain.