Les élections locales du 29 juin prochain seront d’un enjeu capital pour le maire de Dakar, Khalifa Sall, désormais confronté à un mode de scrutin ‘’piégé’’, et à un soutien pas total à l'intérieur du Parti socialiste.
Le nouveau code électoral est parti pour vicier l’atmosphère politique à l’approche des élections locales du 29 juin prochain. Dans cette situation, des formations politiques comme le Parti socialiste risquent de ne pas en sortir indemnes.
Miné déjà par une bataille de succession - même si les responsables refusent de l’admettre - le vieux parti senghorien semble confronté à un dilemme cornélien par rapport à ces joutes électorales. Car, devant la détermination du parti au pouvoir, l'Apr, à déboulonner le maire de Dakar Khalifa Sall, et la posture super prudente ou nuancée du secrétaire général Ousmane Tanor Dieng qui ne souhaite pas compromettre son compagnonnage avec Macky Sall, le PS joue son avenir politique.
L’adoption lundi dernier de ce nouveau code électoral par l’Assemblée nationale, a déjà montré les signes de division au sein du parti. En effet, sur la douzaine de députés socialistes, deux se sont désolidarisés de la ligne du parti. Il s’agit de Doudou Issa Niasse, qui s’est abstenu de voter les dispositions relatives au mode de scrutin pour les villes, et Aminata Diallo qui, elle, a voté franchement contre.
‘’Ce code électoral est une régression’’ (Doudou I. Niasse)
Joint au téléphone, Doudou Issa Niasse justifie son attitude. ‘’Le code électoral doit être une évolution et non une régression. Et ce code électoral là est une régression’’, explique le maire de la commune de Biscuiterie. ‘’Comment, sur 45 départements, on peut créer deux scrutins différents, un pour 40 départements, et un autre pour les 5 autres, à savoir Dakar, Guédiawaye, Pikine, Rufisque, Thiès ?», s'insurge le Doyen de l'Assemblée nationale.
«Ensuite, poursuit-il, la liste majoritaire a été fixée à 45%, et à 55% pour la liste proportionnelle sans pour autant l’appliquer pour Dakar, puisqu’il est aujourd’hui réduit à une commune de plein exercice. Ce qui est retenu, c’est le 50/50’’, constate le responsable de la coordination du PS à Dakar qui déplore, au passage, le silence de Abdoulaye Daouda Diallo sur la question.
‘’Le ministre de l’Intérieur n’a pas répondu à la question. Or, avec le mode du scrutin antérieur, Dakar avait une liste majoritaire et chaque commune avait des conseillers en fonction de sa taille. Et une liste proportionnelle qui a permis aux petits partis d’être présents au conseil municipal de la ville de Dakar, mais aussi qui a permis à Khalifa Sall de pouvoir de faire toutes ses réalisations», explique Doudou Issa Niasse. Autrement dit, résume ce baron socialiste, ‘’le code électoral pose un sérieux problème’’.
«Au contraire, cette réforme est révolutionnaire» (Aïda Sow Diawara)
Un avis que sa camarade de parti, Aïda Sow Diawara, ne partage pas. La mairesse de Golf Nord, qui a voté pour le code électoral, le trouve au contraire révolutionnaire. ‘’Aujourd’hui, cette loi donne un nouvel élan dans la mesure où nous serons des maires de plein exercice. Avant, nous, maires de commune d’arrondissement, nous étions jetés en pâture devant les populations alors que nous n’avions pas de moyens‘’, fait remarquer la responsable des femmes socialistes de Dakar.
Dans la foulée, elle ne considère point que le nouveau code soit «taillé sur mesure» pour ou contre quelqu’un en particulier. «Pourquoi Khalifa Sall serait-il visé, se demande-t-elle ? C’est normal qu’ils pensent qu’on vise Khalifa. L’un est conseiller municipal (Doudou Issa Niasse), l’autre son chef de cabinet (Aminata Diallo)’’. En tout cas, la responsable des femmes du PS de Dakar dit avoir voté ‘’en toute liberté’’ et en fonction de ses ‘’intérêts’’.
‘’Le PS peut faire ce qu’il veut, mais ça n'arrêtera pas l’ascension de Khalifa Sall’’ (Aminata Diallo)
Bien qu’aucune consigne de vote n’ait été donnée par le PS à ses députés, Doudou Issa Niasse précise que ‘’le Bureau politique soutient totalement la candidature de Khalifa Sall’’ pour la mairie de Dakar. Un ‘’soutien’’ qui, selon la députée Aminata Diallo, aurait voulu que les députés socialistes rejettent le nouveau code électoral. ‘’Je suis avec Khalifa Sall et je l’assume», dit la responsable nationale des jeunesses féminines du Parti socialiste. «Que le PS soutienne ou pas Khalifa Sall, ce n’est pas important.
Le PS n’a qu’à faire ce qu’il veut, mais ce n’est pas ce qui arrêtera l’ascension de Khalifa Sall». Même si elle reconnaît qu’«une réforme électorale est toujours politique’’, Aminata Diallo regrette les conséquences que ce code électoral va entraîner. «Désormais, il n’y aura plus de citoyens de Dakar, mais de commune. Ensuite, on (le pouvoir) décide de supprimer les villes au moment où d’autres font leur promotion». Puis ajoute : «Avant, la solidarité territoriale faisait que la ville venait en aide aux 19 communes (que compte Dakar). Cette solidarité n’existe plus maintenant’’.
La mairesse de Golf Nord, elle, n’en pleure pas. Au contraire, Aida Sow Diawara préfère avoir son autonomie plutôt que d’être assistée par la ville de Dakar. «Désormais, nous aurons plus de ressources financières, des ressources humaines de qualité et les populations seront épanouies. Les marchés de Gueule Tapée, de Fith Mith, dont les recettes étaient gérées par la mairie de Guédiawaye, seront maintenant sous notre tutelle», se réjouit d'ores et déjà la députée socialiste.
Les «consignes» du maire
Quoi qu’il en soit, Khalifa Sall est plus que déterminé à garder son fauteuil de maire. Comme l’a révélé EnQuête dans son édition du lundi, il multiplie ses rencontres avec d’autres partis politiques en vue des prochains scrutins locaux. La dernière remonte au lundi dernier (21h à00h) et y ont pris part, selon des sources ayant assisté à cette rencontre, Barthélémy Dias (PS), Malick Diop (AFP), Santi Agne (AFP), Babacar Mbengue (AFP), Mbacké Seck (Rewmi), Doudou Issa Niasse (PS), Bamba Fall (PS), Cheikh Guèye (LD), Alioune Ndoye (PS), entre autres. L’APR, lui, avait «boycotté».
«Le maire de Dakar a maintes fois convoqué (un responsable de l'Alliance pour la République), en vain» confie-t-on. Malgré tout, le futur maire sortant de la capitale a décidé, selon nos interlocuteurs, de mettre en place une coalition dont le nom sera connu très prochainement. «Ce qui est clair maintenant, c'est qu'il n’ira pas sous la bannière de Benno Bokk Yaakaar. Il y a un comité chargé de réfléchir sur l’appellation de la coalition. Ensuite, Khalifa a demandé à tous ceux qui le soutiennent d’aller discuter avec les autres partis au niveau local en évitant de s’auto-désigner tête de liste».
En compétition avec le Premier ministre Mimi Touré à Grand-Yoff, son fief, Khalifa Sall a effectué, avant-hier soir, une visite de courtoisie à l’église Saint-Paul de la localité, puis il s'est rendu chez imam Thierno Amadou Bane où le conseil de quartier de Scat Urbam-Hamo Grand-Yoff lui a soumis ses doléances...