ElleSolaire, un projet d’autonomisation des femmes rurales sénégalaises grâce aux énergies solaires
ElleSolaire est un projet pilote lancé au Sénégal en mars 2018 dans la région rurale de Fatick pour aider des femmes à accéder à l’autonomie économique et sociale. Après 6 mois d’activités, 3 200 personnes de cette région ont désormais accès à une source d’énergie durable pour couvrir leurs besoins en électricité. ElleSolaire prévoit de s’implanter dans d’autres régions du Sénégal.
À l'origine de ce projet,Kelly Lavelle Nwachuku, une femme de 43 ans d'origine britanique, qui après une carrière dans la finance à Londres, est partie vivre en Arabie Saoudite avec son mari et ses jeunes enfants. Durant ce séjour, elle est frappée par les questions de discriminations à l'égard des femmes saoudiennes et des inégalités de genre. Kelly a l'occasion d'enseigner à des jeunes femmes courageuses et motivées de l'école de commerce Al Yamamah à Riyad pour lesquelles les portes du marché de travail restent trop souvent fermées.
Puis elle s’installe avec sa famille à Dakar en 2011. Elle découvre qu’au Sénégal, les problèmes d'électricité sont récurrents et que 6 millions de personnes vivent sans électricité. Ce problème touche davantage les régions rurales où 58% de la population n'a pas accès à l'énergie. « Il y a un lien fort entre précarité énergétique et pauvreté des femmes, analyse Kelly. Ce sont des femmes qui souvent travaillent jusqu’à 17 heures par jour aux tâches ménagères et qui pourraient être grandement soulagées par l’électricité ».
L’Afrique de l’Ouest est également une région où les inégalités entre les femmes et les hommes sont importantes. Selon une étude réalisée en 2015 par la Banque Africaine de Développement sur les inégalités de genre en Afrique, le Sénégal se place 30ème sur 52. En effet, bien que des progrès notoires aient été notés dans la condition de la femme, les obstacles socio-culturels restent nombreux. Ainsi, seulement 13% des jeunes filles de 15 ans dans les régions rurales du Sénégal sont scolarisées, tandis que les femmes ont encore en moyenne 7,3 enfants. La polygamie dans ces régions reste une réalité pour une femme sur trois. La lourdeur des travaux domestiques, les mariages et les grossesses précoces sont autant de facteurs d’inégalités et de pauvreté.
Cette passion pour les questions de genre et de développement durable a motivé Kelly à lancer ElleSolaire. « Je voulais mettre en place quelque chose de concret, porteur d’opportunités pour les femmes. C’est un projet d’autonomisation économique et sociale des femmes rurales au Sénégal » indique Kelly Lavelle. « J’ai voulu lancer une action communautaire par les femmes et pour les femmes ».
Après une première levée de fonds sous forme de crowdfunding en 2016, Kelly a ensuite passé plus d’un an à étudier le terrain, les meilleures technologies solaires, les fournisseurs, les initiatives similaires qui avaient été mises en place dans d’autres pays du monde ou au Sénégal (l’ONG SolarAid avait lancé un premier projet comparable en 2013). Ensuite, elle s’est rendue sur place pour choisir avec des relais locaux les 30 premières femmes qui bénéficieraient d’ElleSolaire.
Pendant deux jours, elles ont été formées aux technologies mais également à des notions de vente et de marketing. Ces femmes ont été outillées de produits du genre lanternes solaires ou lampes capables de charger les portables, des postes radios avec équipement solaires ou des systèmes solaires pour l’éclairage domestique ou pour alimenter des appareils plus énergivores comme les télévisions. ElleSolaire est une entreprise sociale dont le modèle économique repose sur le « pay-as-you-go ». Ce système permet d’échelonner le paiement sur une longue période afin de rendre le prix des produits abordables.
Ces femmes ont déjà équipé 3 200 personnes en produits solaires et prennent des commissions sur chaque vente. A terme, ce sont 500 femmes qui vont bénéficier de revenus complémentaires. Ce sont des revenus qu’elles investissent au bénéfice de leur famille (scolarité des enfants, visites médicales), leur communauté ou pour développer leur activité économique (commerce d’arachides, de poissons, de sel…). « Les femmes sénégalaises sont volontaires et novatrices » constate Kelly. Par ailleurs, réaliser que ce sont elles les actrices du changement et de leur autonomisation est une grande source de dignité et de fierté pour elles. Au sein de leur communauté, elles sont très respectées ».
Pour mener à bien leur travail domestique, elles peuvent maintenant profiter de l’éclairage le soir dans leur foyer, au lieu d’être tributaires de la lumière du soleil et devoir se lever à 5h du matin. Utiliser l’énergie solaire permet aussi une réduction de coût dans les dépenses énergétiques mensuelles de la famille, en économisant sur des dépenses comme les bougies, les piles ou le kérosène, avec les productions de fumées toxiques ou les risques d’incendies qui leurs sont associés. Grâce à cette électricité, Kelly espère également que les enfants pourront mieux étudier le soir et que les abandons scolaires seront moins élevés.
En fonction des prochaines levées de fond, Elle Solaire espère se développer dans d’autres régions rurales du Sénégal (notamment à Kaolack) mais également dans des pays voisins.