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Babacar Thioye Bâ (dircab adjoint de Khalifa Sall): ‘’Si le régime veut mettre la main sur Dakar, il devra patienter jusqu’aux prochaines locales’’
Publié le vendredi 21 septembre 2018  |  Enquête Plus
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© aDakar.com par DF
Les maires des villes de Dakar et Montréal signent une convention
Dakar, le 11 Octobre 2015 - La ville de Dakar et la ville de Montréal signent une convention. Cet accord de partenariat vise à bâtir des relations étroites, à poursuivre des objectifs de croissance et développement mutuels. Photo: Khalifa Ababacar Sall, maire de Dakar
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Si les partisans de Khalifa Sall veulent préserver le fauteuil du maire, après la révocation de leur leader par décret présidentiel, la majorité au pouvoir, elle, tente vaille que vaille de rallier la capitale dans son escarcelle. Mais, selon Babacar Thioye Ba, Directeur de cabinet adjoint de Khalifa Sall, ‘’ce serait aux antipodes des règles démocratiques que de chercher, par des manœuvres, à supplanter l’actuelle majorité pour diriger la mairie de Dakar’’. Entretien !

Le président de la République, Macky Sall, a, à travers un décret pris à cet effet, décidé de la révocation du maire de Dakar. Quelle appréciation en faites-vous ?

Le décret de révocation du maire de la ville de Dakar n’est pas fondé en droit. Ce décret est illégal à plus d’un titre. D’abord, la révocation ne pouvait pas intervenir à l’état actuel de la procédure judiciaire, car même si la Cour d’appel a confirmé la décision du premier juge, la procédure judiciaire n’est pas encore arrivée à terme. Il n’y a pas aussi de décision définitive concernant l’affaire dite de la caisse d’avance. De ce point de vue, l’arrêt rendu par la Cour d’appel ne pouvait valablement pas fonder la décision de révocation.

Ensuite, et c’est l’autre illégalité relevée, le décret n’est pas motivé, alors que le dernier alinéa de l’article 135 du Code général des collectivités territoriales dispose expressément que l’arrêté de suspension et le décret de révocation doivent être motivés. Cette absence de motivation du décret n’est pas contestable, même s’il a été dit, dans un premier temps, que c’est la condamnation qui motive la révocation. Quand il a été rétorqué que la condamnation n’était pas définitive et ne pouvait valablement pas fonder la révocation, le ministre de la Justice a alors indiqué que le rapport de l’Ige pouvait servir de motivation. Là également, l’argument du ministre ne tient pas, parce que le rapport de l’Ige relatif à la vérification administrative et financière de la ville de Dakar ne mentionne aucune incrimination, aucune faute imputée à Khalifa Sall.

De l’avis de beaucoup de juristes, la décision de révocation pouvait être prise dès les premières heures de l’interpellation du maire de Dakar. Qu’en pensez-vous ?

Comment pouvait-on prendre une décision fondée sur un rapport de l’Ige qui n’impute aucune faute à Khalifa Sall, mais qui a recommandé l’ouverture d’une information judiciaire sur deux points : les conditions de création de la caisse d’avance et l’utilisation qui est faite des fonds qui y sont logés. Il reste clair que le rapport de l’Ige ne pouvait pas fonder la décision de révocation. Ceux qui soutiennent cette thèse le font, pour certains, par mauvaise foi malveillante et, pour d’autres, par ignorance. En ce qui concerne les Pv d’enquête préliminaire de la police, ils ne pouvaient pas non plus fonder cette décision, parce qu’ils ont été rédigés en violation des droits de Khalifa Sall et de ses collaborateurs, violation reconnue par le juge d’appel qui a décidé de les annuler sans en avoir tiré les conséquences de droit.

Au total, la révocation ne pouvait pas intervenir dès les premiers moments de l’incarcération du maire Khalifa Ababacar Sall. C’est un argument utilisé, après coup, pour tenter de justifier leur coup de force après qu’il leur a été démontré que l’arrêt de la Cour d’appel ne pouvait pas servir de base légale à la révocation, puisque la Cour suprême a été saisie d’un pourvoi en cassation contre cette décision d’appel.

Justement, à propos de ce pourvoi en cassation, qu’espérez-vous après tous les revers essuyés dans le cadre de cette procédure ?

Depuis le début de cette affaire, nous avons souligné les violations des droits de Khalifa Ababacar Sall, à la fois par les autorités policières et par les juges qui ont en charge ce dossier. Chaque séquence judiciaire, dans cette affaire, montre à quel point des pans entiers de notre système judiciaire se sont mis sous les ordres de Macky Sall pour servir de bras armé à son entreprise funeste de liquidation d’un adversaire politique. La rupture du lien de confiance avec ces juges qui assurent une impunité totale à Macky Sall est telle que nous n’attendons rien de cette procédure. Seulement, l’intérêt de saisir la justice, c’est de faire constater que cette affaire est entre les mains d’une justice politique qui n’est ni impartiale ni indépendante.

Au rythme où vont les choses, ne pensez-vous pas que Khalifa Sall est parti pour écoper d’une condamnation définitive avant la présidentielle de 2019 ?

On nous a répété, jusqu’à devenir sourd, que le temps de la justice n’est pas celui de la politique. Mais, dans cette affaire, nous avons tous constaté que l’agenda politique a déterminé le temps de la justice. Toute la procédure a été traitée en un temps record qui n’est pas habituellement celui de la justice. Il est clair que, dans cette affaire, la justice a suivi le tempo imprimé par l’Exécutif. Maintenant, dans le cadre d’une procédure en cassation, il y a des délais qui sont prévus par la loi organique sur la Cour suprême. Qu’ils le veuillent ou non, ils sont tenus de respecter ces délais qui s’appliquent à la Cour suprême.

Quels sont ces délais ?

En dehors du délai du pourvoi qui est de six jours à compter du prononcé du jugement, il y a des délais de procédure qui ne prendront pas moins de trois mois.

Ne pensez-vous que le dossier puisse être enrôlé très rapidement, comme ce fut le cas à la Cour d’appel ?

Je ne sais pas si la Cour d’appel était tenue par des délais prescrits par les lois. Ce que je sais, par contre, c’est que la Cour suprême est tenue par des délais prévus par la loi organique qui régit cette juridiction. Et il ne serait pas acceptable que la plus haute juridiction de notre système judiciaire, de surcroît gardienne des droits et des libertés, viole les lois qui s’appliquent à elle.

La révocation du maire de Dakar ouvre sa succession à la mairie. Comment cela doit s’organiser ?

De mon point de vue, il y a quelque inconséquence à penser que la succession du maire Khalifa Ababacar Sall pourrait être ouverte en dehors du conseil municipal. Considérer que par des manœuvres il est possible d’élire un nouveau maire en dehors du conseil municipal, c’est manquer de respect à ses membres. En ce qui me concerne, je fais confiance aux conseillers municipaux et à leur sens des responsabilités pour préserver le vote des Dakarois. Toute autre combinaison, d’où qu’elle vienne, serait un détournement de suffrages et un déni de la souveraineté populaire.

Pensez-vous que Taxawu Dakar soit toujours majoritaire au sein du conseil municipal ?

Je vous laisse apprécier, en bon observateur, si la majorité Taxawu Dakar existe toujours. Je rappelle que depuis un an et demi que Khalifa Ababacar Sall est incarcéré, le conseil municipal a continué de fonctionner avec tous les conseillers. Mais je dois préciser, et c’est important à relever, qu’au service des Dakarois, il n’y a pas de parti, ni de majorité. Le seul parti qui existe dans le conseil municipal, c’est Dakar. C’est la raison pour laquelle les différentes sensibilités du conseil municipal, à des niveaux divers, exercent toutes des responsabilités parce que, comme l’a toujours dit Khalifa Sall, après le temps de l’élection, c’est le temps du travail avec une équipe plurielle et riche de sa diversité au service des Dakarois, peu importe les partis d’où viennent les élus.

Entre 2014 et 2018, beaucoup de défections ont été notées au sein de Taxawu Dakar. Cette situation ne risque-t-elle pas de vous perdre ?

Nous pensons avoir, au service des Dakarois, un conseil municipal stable avec parfois des différences d’opinion, mais qui sont toujours utiles dans le cadre des discussions, dans la recherche d’un consensus. Qu’il y ait des conseillers municipaux qui ont une appartenance politique différente, c’est dans l’ordre des choses. Même s’il a été noté des défections, je pense, comme je l’ai indiqué, que chacun saura respecter le choix des Dakarois en 2014.

Etant donné que le parti au pouvoir a toujours bataillé pour diriger la mairie, est-ce que la succession de Khalifa n’est pas une porte ouverte pour prendre le contrôle de la ville de Dakar ?

La meilleure manière de diriger la ville de Dakar, c’est de patienter jusqu’aux prochaines élections locales et d’aller rechercher les suffrages des Dakarois. Essayer de prendre le contrôle d’une mairie que les électeurs ne vous ont pas confiée ou de mettre quelqu’un issu de la majorité présidentielle à la tête de la municipalité, consisterait à un détournement de suffrages aux antipodes des règles démocratiques.

Quelles sont, aujourd’hui, vos chances de garder la mairie de Dakar ?

Il faut plutôt poser la question aux autres. C’est à eux d’évaluer leurs chances de faire passer leur candidat.

On ne vous sent pas trop dans cette bataille…

(Il coupe) Ce que nous sommes en train de faire ne peut pas et ne doit pas se retrouver sur la place publique. On n’expose pas une stratégie dans la rue.

Peut-on savoir les candidatures qui se déclarent dans le cercle immédiat de Khalifa Sall ?

Nous ne sommes pas dans le temps de la candidature. Nous sommes dans le temps du combat.

Ne pensez-vous pas que la messe est dite pour Khalifa Sall et qu’il est définitivement out du jeu politique ?

Pas du tout ! En politique comme dans la vie, l’histoire n’est jamais écrite à l’avance. Khalifa Sall est sur des positions politiques solidement adossées sur des convictions. Il n’est pas dans une posture qui confine à l’abdication. Il n’est pas homme à se renier ou à se résigner. Dans l’épreuve, il reste un homme digne et très combatif. Rien de ce qui lui arrive aujourd’hui ne l’obligera à renoncer à son combat. Khalifa Sall a déjà sacrifié sa liberté et il est prêt à sacrifier bien plus que la liberté pour continuer à servir son pays. En politique, c’est dans les épreuves qu’on se forge et qu’on se construit.

Ensemble, nous arriverons à dépasser et à surmonter cette épreuve qui lui est injustement infligée. Notre objectif, encore une fois, ce n’est pas seulement de faire partir ce régime. Ce n’est pas seulement d’installer Khalifa Sall à la magistrature suprême. Notre objectif, c’est d’installer un nouveau régime pour réaliser un programme alternatif porteur d’une véritable transformation institutionnelle, démocratique, économique et sociale pour tous les Sénégalais. Nous avons réalisé deux alternances qui n’ont pas fait connaitre à notre pays des avancées significatives. Nous pensons que le temps est venu pour un véritable changement. C’est pour cette raison que nous avons engagé ce combat et c’est pour cette raison que nous irons jusqu’au bout ; par la grâce de Dieu.

De plus en plus, les marges de manœuvre de Khalifa Sall sont réduites. A un moment, est-ce qu’il ne serait pas contraint de négocier ?

Négocier avec qui et sur quoi ? Il n’y a pas d’objet à négocier. Nous avons fait le choix conscient et déterminé de faire face à un pouvoir qui dispose et abuse des moyens de l’Etat. L’élection présidentielle de février 2019 sera l’occasion définitive de tous nous soumettre à l’arbitrage souverain du peuple sénégalais qui devra choisir entre un président sortant et des candidats porteurs de projet.

Pensez-vous que Khalifa puisse être candidat ?

Il sera candidat, Inch Allah.

N’êtes-vous pas en train de faire comme les libéraux qui insistent sur une candidature peu probable ?

Il n’est pas contesté que Khalifa Sall est électeur et éligible. Pour anticiper sur une question qui vient régulièrement, nous n’avons pas de plan B. Accepter de penser à un plan B, c’est accepter le diktat de Macky Sall. Aujourd’hui, c’est la peur qui gouverne notre pays. Le pouvoir a peur et, du coup, il faut que tout le monde ait peur. Ça, nous ne l’accepterons pas. Nous continuerons à faire front sans jamais nous renier, ni renoncer. Khalifa Sall est notre candidat.

Aujourd’hui, malgré les tentatives de déstabilisation et de désinformation, il y a une grande adhésion dans tout le Sénégal et à l’étranger autour de sa candidature et autour de nos équipes de collecteurs chargés de recueillir les signatures nécessaires à sa candidature.

Est-ce que ce n’est pas peine perdue de recueillir des signatures pour parrainer une candidature peu probable ?

Mais sur quoi vous vous fondez pour dire que la situation de Khalifa Sall n’est pas encore claire ?

S’il est condamné avant les élections, il sera out.

Si la candidature de Khalifa Sall est peu probable pour vous, nous avons la certitude que Khalifa Ababacar Sall sera candidat à l’élection présidentielle.

Globalement, comment appréciez-vous la situation du pays, à quelques mois seulement des prochaines joutes électorales ?

Il n’est pas besoin de faire une analyse d’expert pour constater que la situation nationale est alarmante. En dépit des annonces pompeuses sur la croissance et sur les infrastructures, la réalité est cruelle avec un président qui veut nous imposer un retour forcé vers le passé, en cherchant à restaurer un parti unique de fait, par l’élimination de ses adversaires politiques et par le parrainage. Il est loisible à Macky Sall d’aller prendre des leçons de dictature en Chine ou même de devenir Kim Jong-un, mais le Sénégal n’est pas la Chine, ni la Corée du Nord.

Sur un autre plan, l’endettement excessif, le déficit budgétaire hors norme, le manque de sincérité dans la détermination du cadrage macro-économique et du cadrage macro-budgétaire, et le manque de visibilité sur les allocations budgétaires en vue d’une meilleure prise en compte des priorités en matière de dépense publique, pour ne citer que ces exemples, remettent en cause l’équilibre de nos finances publiques.

Sur le plan économique et social, les choix politiques douteux et incohérents du gouvernement ont aggravé la crise des secteurs productifs, saboté les services publics, particulièrement l’école et le système de santé, accentué les fractures ouvertes qui accablent les ménages confrontés à une pauvreté sans précédent et les jeunes qui vivent dans l’angoisse du chômage permanent.

Au total, notre pays se dirige vers le désastre, par la faute d’une gouvernance incompétente et insouciante. Pour autant, cette situation chaotique n’est pas une fatalité imparable. Il est possible d’y remédier, mais à la condition que le peuple sénégalais fasse œuvre de salubrité publique, en se débarrassant de ce régime pour installer un autre en février 2019.

L’urgence et la nécessité d’un changement de régime s’imposent pour réhabiliter la politique, pour la débarrasser de certaines conduites qui la desservent et pour restaurer sa mission et sa pratique essentielles. Cette ligne de démarcation majeure avec le régime en place donne sens à la candidature de Khalifa Sall qui va proposer au peuple sénégalais un projet alternatif de redressement national pour qu’enfin, la politique tienne sa promesse de liberté, de progrès, de solidarité et de justice sociale. Malgré la fraude planifiée et exécutée en amont par le pouvoir aidé par l’Administration et sous la passiveté complice de la Cena, le temps du changement est arrivé. Ce changement est urgent parce que ce qui est en jeu, au-delà de la République, au-delà de la démocratie, au-delà de l’économie, au-delà des services publics, c’est la nation sénégalaise dont les fondements séculaires sont en train d’être sérieusement ébranlés par Macky Sall.
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