Pour que l’appel du chef de l’Etat à une année scolaire normale se réalise, le gouvernement a intérêt à agir au plus vite dans le sens du respect des accords. Les obstacles pour une école apaisée sont, pour le moment, assez nombreux.
‘’Le président de la République rappelle au gouvernement l’impératif de veiller au respect des différents accords conclus avec les organisations syndicales d’enseignants ainsi qu’à l’orientation adéquate des nouveaux bacheliers dans nos établissements universitaires, en fonction des critères académiques définis’’. Par cette instruction contenue dans le communiqué du Conseil des ministres du mercredi 12 septembre 2018, le chef de l’Etat veut qu’il y ait une rentrée des classes sereine et une année scolaire et universitaire paisible. De ce fait, à moins d’un mois de la fin des vacances, Macky Sall ‘’invite le gouvernement à prendre toutes les dispositions administratives, techniques, budgétaires et financières requises’’ pour que règne la paix pendant, au moins 9 mois, dans le secteur de l’éducation.
Un appel salué, sur la forme, par les acteurs de l’école qui y voient une occasion de se pencher davantage sur les dossiers épineux. Cheikh Mbow, le coordonnateur de la Cosydep, se rappelle que l’année dernière, la question de la rentrée a été abordée par le chef de l’Etat à une semaine de l’échéance. Le fait qu’elle soit évoquée, cette année, à 20 jours de la date, est en soi une avancée, même si, pense-t-il, il faut encore prendre les devants.
Dans le fond, fait remarquer Cheikh Mbow, le président Macky Sall s’adresse exclusivement à son gouvernement, ni aux enseignants ni à la société civile. ‘’Cela veut dire qu’il s’est rendu compte que la pacification de l’espace scolaire dépend du gouvernement’’, souligne-t-il. De quoi faire dire à Abdou Faty, leader du Sels/A, que cette sortie est un ‘’aveu de taille’’ de la part du chef de l’Etat.
Selon lui, si Macky Sall exhorte le gouvernement à s’exécuter, c’est que ce qui devait être fait ne l’a pas été. Un avis qu’il partage avec Abdoulaye Ndoye, le secrétaire général du Cusems. ‘’Cette sortie du président ne nous rassure pas. Il est le dernier rempart. Par conséquent, il ne peut pas constater, il doit agir’’, dixit-il.
Ces différents interlocuteurs constatent qu’à ce stade, on devait parler des différentes réalisations et non faire le constat des manquements de la part du gouvernement. Et puisque ça n’a pas été fait, le temps est au rattrapage. ‘’Au-delà de l’appel, nous attendons des actes’’, s’exclame Cheikh Mbow. A défaut, préviennent les syndicalistes, il serait illusoire de parler de rentrée apaisée, à plus forte raison d’année stable. D’après Abdoulaye Ndoye, tous les délais contenus dans le protocole ont été largement dépassés, sans que l’application ne soit effective.
Le rapport et le monitoring
Parmi les préalables, il y a le système de rémunération des agents de la Fonction publique qui semble être le point nodal. Le gouvernement avait promis de partager le rapport avec les partenaires sociaux et mettre en place un groupe de travail pour ouvrir la discussion. Mais, en lieu et place du document, il a donné un extrait aux organisations syndicales.
Selon Abdoulaye Ndoye, toutes les données chiffrées (salaires, indemnités, autres avantages…) qui permettent d’apprécier la situation ont été supprimées du document. D’où la ‘’déception’’ d’Abdou Faty qui s’attendait à un rapport complet. Ainsi, pour éviter de jeter de l’huile sur le feu, la Cosydep invite le gouvernement à mettre sur la table l’intégralité du rapport considéré par Ndoye comme la base du travail. ‘’Servir des extraits aux partenaires indique un manque de confiance. Et cela peut être source de tension’’, prévient Cheikh Mbow.
Abdoulaye Ndoye rappelle que cette question a été posée sur la table du gouvernement, depuis 2014. Or, le Burkina Faso a pu régler le problème en 6 mois. Une conférence nationale a eu lieu au ‘’Pays des hommes intègres’’ et le président Roch Marc Christian Kaboré a pris des mesures fortes parmi lesquelles la suppression des avantages d’un ministre six mois après son limogeage, la suppression d’institutions inutiles comme le Conseil économique... Ce qui fait dire à Ndoye que si le gouvernement avait fait preuve d’une volonté politique aussi forte que celle dont il a fait montre avec le Centre de conférences de Diamniadio et le Train express régional, la question de l’école serait résolue, il y a bien longtemps.
Le deuxième point est relatif au monitoring. En fait, lors de la signature des accords, le Premier ministre s’était porté garant moral de l’entente. Il s’était engagé à inviter les acteurs à une rencontre tous les trois mois pour faire le suivi des accords. Le protocole étant signé le 30 avril 2018, la première rencontre devait avoir lieu en fin juillet. Quatre mois et demi plus tard, la réunion n’a pas encore eu lieu. Pourtant, Cheikh Mbow se rappelle que lorsque Mahammed Dionne avait pris le dossier en main, l’année dernière, les choses avaient beaucoup évolué. C’est pourquoi il attend de lui qu’il tienne cette rencontre avant la rentrée.
‘’Lorsque le gouvernement nous faisait des promesses, les quotas étaient déjà fixés’’
Au niveau sectoriel, le même retard a été constaté. Les lenteurs administratives demeurent toujours au ministère de la Fonction publique. Au département de l’Urbanisme, indique-t-on, les parcelles ne sont toujours pas livrées comme promis. Au ministère de l’Education, Abdou Faty dénonce une rupture du dialogue entre les syndicalistes et le ministre Serigne Mbaye Thiam. ‘’Il s’est barricadé, on ne se parle pas’’, dixit-il. Son collègue Abdoulaye Ndoye se souvient que lors des négociations, le gouvernement leur avait fait croire que les examens des passerelles professionnelles devraient avoir lieu en octobre, et qu’entre-temps il y aurait une concertation. Mais, finalement, ajoute-t-il, les syndicats ont appris par voie de presse que le test était prévu en août. ‘’Cela veut dire que pendant que le gouvernement nous faisait des promesses, les quotas étaient déjà fixés. C’est un sabotage et ça ne milite pas en faveur de la paix scolaire’’, regrette M. Ndoye.
A tout cela s’ajoute le crédit Dmc dont les trois décaissements étaient prévus successivement en mai, juin et juillet. Mais, à ce jour, affirme Ndoye, il n’y a que le premier virement qui a été effectif.
En outre, les enseignants ont le sentiment que l’Etat les dépouille après le paiement des rappels. Il trouve inacceptable, après des années d’attente, que les enseignants soient ‘’surimposés’’. ‘’Ce qui nous est donné par la main gauche est retiré par la main droite’’, s’offusque-t-il. D’où l’idée d’un étalement proposé par les syndicats.
Bref, le ciel syndical est assez nuageux pour espérer une année sans couac. Peut-être que la première augmentation des indemnités de logement prévue en fin octobre adoucira un peu le cœur des enseignants. Si tant est que cet engagement est respecté !