Le Parti démocratique sénégalais (Pds) a calmé la tempête qui s’apprêtait à se lever dans ses rangs, avec la ‘‘sortie’’ de Me Madické Niang. Il a démarré sa campagne de collecte des parrainages pour porter Karim Wade à la tête du pays.
Ce qui était jusque-là un entêtement militant, verbalement revendiqué, est devenu une réalité électorale : Karim Wade est bel et bien le candidat des libéraux du Pds. Au point que les opérations de collecte des parrainages en sa faveur ont été lancées officiellement hier à la permanence Oumar Lamine Badji. Le parti se fixe comme objectif ‘‘200 000 signatures d’électeurs parrains’’, d'ici le 4 novembre prochain, et tout au plus ‘‘1 à 3 millions de soutiens’’, selon le coordonnateur chargé de la campagne de parrainage, Cheikh Dieng. Ce dernier, par ailleurs secrétaire national chargé des élections du Pds, est catégorique sur la candidature du fils de l’ancien président. ‘‘Aucune élection ne se tiendra dans ce pays, si Macky Sall s’arrange pour invalider la candidature de Karim Wade’’, a-t-il prévenu.
Une mise en garde que reprendront de manière plus radicale le secrétaire général de l’Union des jeunesses travaillistes libérales et le secrétaire général du Mouvement des élèves et étudiants libéraux (Meel), Toussaint Manga et Victor Sadio Diouf respectivement. Ces derniers sont allés jusqu’à proférer des menaces de perturbation de la campagne du (futur) candidat Macky Sall, ainsi qu’un sabotage des bureaux de vote, si Karim Wade n’était pas aligné sur les starting-blocks pour le 24 février 2019. Ils ont également sensibilisé la jeunesse du parti sur le fait qu’elle va constituer la cheville ouvrière de ce parrainage. D’après les explications de Cheikh Dieng, la stratégie du Pds consiste à mettre sur pied une commission nationale de collecte des parrainages qui va comprendre un bureau, sous la supervision d’Omar Sarr, le secrétaire général national adjoint. Un secrétariat permanent est également ouvert tous les jours de 9h à 22h pour que les militants et sympathisants du parti soient informés et formés aux modalités du parrainage.
Avec des spécimens aux couleurs du parti distribués, le Pds prévoit d’entamer une campagne demain dans les 45 départements et de sillonner toutes les autres collectivités pour mailler le territoire. En dépit de la réticence initiale à observer cette formule du parrainage, Oumar Sarr n’en estime pas moins qu’il faut descendre sur le terrain. ‘‘Nous avons le devoir de lui montrer (Macky Sall) que même sur son propre terrain, on peut le battre’’, a-t-il lancé.
‘‘On n’a pas de plan B ni de plan Z’’
Investi par le Pds deux jours avant sa condamnation à 6 ans par la Crei, en mars 2015, Karim Wade est actuellement au Qatar, depuis son élargissement de prison, en juin 2016. Des menaces pèsent sur sa participation à la Présidentielle du 24 février 2019. Mais ses partisans ne l’entendent pas de cette oreille. ‘‘Kaaariiiim moy sunu président !’’ ; ‘‘Karim dey bokk ! Par la force dey bokk !’’ ont été les cris de ralliement durant le lancement des opérations de collecte d’hier. L’ambiance était festive avec les vuvuzelas et le fameux jingle sonore de Pape et Cheikh ‘‘Gorgui’’. Mais pas au point de détendre la lourde ambiance née de la nouvelle tension entre le fondateur du Pds Abdoulaye Wade et l’un de ses (ex ?) plus fidèles lieutenants, Me Madické Niang. Ce dernier étant accusé par son mentor de trahison après qu’il a demandé, via une lettre, la possibilité d’étudier une candidature du Pds autre que celle de Karim Wade.
Les responsables du parti se sont arrangés dans leur communication d’hier pour faire passer ce malaise comme un épiphénomène sans graves conséquences sur la candidature de Karim Wade. La seule évocation de cette affaire, par Victor Sadio Diouf, sans citer nommément Me Niang, a même agacé certains responsables. Mais le jeune libéral a déclaré qu’il n’y a ‘‘ni plan B, ni Plan Z’’. La quinzaine d’intervenants qui l’ont devancé ou lui ont succédé sur le présidium ont été du même avis. Tous ont martelé qu’une alternative à la candidature de Karim n’est pas envisageable pour le Pds. ‘‘C’est notre plan A A A A’’, s’enflamme Woré Sarr. Le numéro 2, Oumar Sarr, a quant à lui annoncé que leur candidat allait incessamment débarquer au Sénégal et qu’ils se préparent en conséquence. ‘‘Dans les prochains jours, il dira quand il viendra ; et nous vous dirons quand l’accueillir’’, s’est-il réjoui en ajoutant que l’actuel président et futur candidat n’a pas à choisir de candidat pour eux.
Mamadou Diop Decroix : ‘‘Il faut s’organiser’’
Le parti n’a pas abandonné pour autant ses anciennes réclamations comme celle de porter une autorité indépendante à l’organisation des élections, ou l’accès au fichier électoral. Mais pour le moment, il pèche par défaut d’organisation. La cérémonie d’hier a été marquée d’un désordre indescriptible où des altercations ont éclaté çà et là au point d’indigner l’un des porte-parole du parti, Babacar Gaye. ‘‘Arrêtez avec ce charivari ! Abdoulaye Wade ne mérite pas ça ! Karim Wade et les responsables ici présents non plus ! Laissez la presse faire son travail !’’ s’est-il époumoné sans grand succès sur le micro. Après le même constat d’Oumar Sarr sur la nécessité d’être mieux organisé, ce sera le responsable du parti allié le plus en vue, Mamadou Diop Decroix, de se faire plus alerte sur la discipline.
‘‘Le Parti démocratique sénégalais a une force militante authentique que j’ai rarement vu en politique. Ce qui manque, c’est la discipline et l’organisation. Le parti de Macky Sall est organisé, la police est organisée, la gendarmerie est organisée, l’armée est organisée et disciplinée. Nous avons tout aussi intérêt à l’être. Je ne m’adresse pas à vous uniquement, mais à toute l’opposition. Pour l’amour de Dieu, organisez-vous !’’, a-t-il exhorté après avoir reçu une standing ovation en guise de triomphe. Decroix a même attribué les brimades contre l’opposition, lors de la marche du 4 septembre dernier, à un manque d’organisation de celle-ci. Redoutant le précédent des Législatives, il a appelé les militants de l’opposition à se rallier au parti majoritaire d’une localité pour affaiblir le camp adverse.