Contrairement aux avocats de Khalifa Sall, ceux de l’Etat jugent le décret présidentiel portant révocation du maire de Dakar normal et justifié. Les conseils de l’Etat qui faisaient face à la presse en compagnie de l’Agent judiciaire estiment même que la mesure est tardive.
Le décret portant révocation de Khalifa Sall de son poste de maire est non seulement légal, mais devait être pris depuis longtemps. C’est l’avis des avocats de l’Etat qui faisaient face à la presse, hier, pour démonter les arguments des conseils de l’édile de Dakar qui promettent d’attaquer la mesure pour excès de pouvoir. ‘’J’ai trouvé ce décret de révocation parfaitement normal, justifié et même tardif’’, a déclaré Me Yérim Thiam. En fait, selon l’Agent judiciaire de l’Etat (Aje), Antoine Félix Diome, après la publication du rapport de l’Inspection général d’Etat (Ige), le Chef de l’Etat était fondé à prendre la mesure de révocation. ‘’Dès après l’audition d’un maire ou que l’occasion lui a été donnée de se prononcer sur des faits qui lui sont reprochés, le président de la République peut prendre valablement et en droit une décision pour le sanctionner en le révoquant de ses fonctions de maire’’, a-t-il soutenu.
Par conséquent, il accuse la défense de tenter de créer un lien entre la procédure judiciaire et la sanction administrative or, argue-t-il, ‘’le texte dit que la sanction administrative ne fait pas obstacle à la procédure judiciaire’’. Par conséquent, M. Diome est d’avis que les conseils du maire veulent les déplacer sur un terrain qui n’a rien à voir avec les faits de la cause, notamment la demande de déclassification du rapport de l’Ige. Pour le défenseur de l’argent de l’Etat, le dernier alinéa de l’article 140 est très clair sur la question. ‘’Pour un seul fait, il peut faire l’objet d’une sanction administrative ou d’une sanction pénale. Maintenant la sanction administrative, lorsqu’elle est prononcée, elle ne fait même pas obstacle aux poursuites judiciaires. Il y a une sorte de déconnection ici opérée par la loi elle-même des sanctions administratives par rapport aux sanctions pénales’’, argumente-t-il.
Donc, poursuit-il, le Sénégal n’est pas un cas isolé, non sans évoquer la jurisprudence française, avec l’exemple de la révocation d’un maire dans le Rhône.
Code des collectivités locales
Outre le droit français, Me Papa Moussa Sow a puisé dans le droit sénégalais pour légitimer le décret présidentiel. Il s’est référé au code des collectivités locales, en ses articles 135 et 140. ‘’Lorsque vous allez à l’article 135, il vous est dit : lorsque le maire ou tout autre conseiller municipal est condamné pour crime, sa révocation est de droit’’, renseigne l’avocat. Et de poursuivre : ‘’L’article 140 cite les faits pour lesquels on doit appliquer l’article 135. Parmi ces faits, il y en a sept qui font que l’article 14O dit que dans les 7 premiers cas, la sanction administrative ne fait pas obstacle aux poursuites judiciaires’’. Tout en précisant qu’il s’agit d’une sanction administrative, le conseil se désole que leurs adversaires se demandent comment il se fait que Khalifa Sall, qui n’est pas un fonctionnaire, puisse en subir.
Dans la foulée, il a cité une jurisprudence pour écarter l’argument selon laquelle la révocation viole le principe de la présomption d’innocence, vu que l’affaire est pendante devant la Cour suprême. Mieux, il a ajouté que l’arrêt rendu le 30 août par la Cour d’appel de Dakar a l’autorité de la chose jugée. ‘’Sur ce fondement, le chef de l’Etat peut tout à fait prendre un décret de révocation qui ne porte nullement atteinte aux principes de la présomption d’innocence’’, a conclu le confrère de Me Samba Bitèye. L’autre argumentaire est lié au fait que ‘’le décret ne se limite pas seulement d’évoquer l’arrêt’’ mais, renseigne-t-il, ‘’il rappelle également que Khalifa Sall a fait l’objet d’une inspection générale d’Etat qui a révélé des manquements dans sa gestion’’.
Au regard de ces arguments, Me Papa Moussa Félix Sow juge que ‘’le décret de révocation se justifie amplement du point de vue des faits de détournement qui sont reprochés au maire’’.