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Prolifération de candidats à la candidature en 2019: La traite des parrains ouverte
Publié le jeudi 30 aout 2018  |  Enquête Plus
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© aDakar.com par DF
Les conseillers municipaux et départementaux votent pour élire leurs représentants au HCCT
Les opérations de vote ont démarré, à Dakar, pour l`élection des membres du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT). Sur le plan national, 80 Hauts conseillers seront élus.
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Initiée pour d’abord rationaliser les candidatures, ensuite assainir et moraliser l’espace politique sénégalais, le parrainage est parti pour exacerber la situation avec, en toile de fond, un business qui s’annonce autour de la collecte des parrains.

Le parrainage, une loi, de multiples inquiétudes. Adoptée le jeudi 19 avril 2018 par la majorité parlementaire, la loi cache mal des couacs qu’elle est pourtant censée régler de manière définitive. Outre la rationalisation des candidatures visée, dès le départ, par le président Macky Sall, il était également question, avec cette loi, de moraliser l’espace politique sénégalais, en excluant du jeu politique certains comportements et autres pratiques pas du tout démocratiques comme, par exemple, la location des récépissés par des candidats indépendants pour contourner l’obstacle du parrainage de 10 000 signatures auquel ils étaient astreints. La ruée notée, lundi 28 août dernier, à la Direction générale des élections, pour le retrait des fiches de parrainage, semble exacerber la situation. Quatre-vingt-sept (87) coordonnateurs nationaux, représentant de potentiels candidats à la candidature à la présidentielle de 2019, ont cafouillé pendant toute une journée, rien que pour récupérer des fiches de parrainage.

Vingt-quatre heures plus tard, le nombre a évolué et le directeur de la Formation et de la Communication, Bernard Casimir Demba Cissé, avance le chiffre de 94 candidats à la candidature qui se sont déjà signalés. Selon Ousmane Badiane, Secrétaire national chargé des élections de la Ligue démocratique (Ld), d’ici les prochaines élections, on risque de se retrouver entre 150 et 200 candidats à la candidature. Ce qui occasionnerait une situation inédite dans l’histoire politique du pays. ‘’Macky Sall voulait filtrer les candidatures, il a fini par provoquer un désordre énorme avec autant de candidatures qui se déclarent d’ores et déjà, à six mois des prochaines élections’’, a persiflé, avant-hier, Aïda Mbodj, Présidente de l’Alliance nationale pour la démocratie/And Saxal Liguey, au cours d’une conférence de presse du Front démocratique et social de résistance nationale (Frn).

Une traite des parrains en vue

Si cette situation montre, en effet, la justesse et la pertinence de la loi sur le parrainage, elle laisse de marbre les observateurs les plus avertis du jeu politique. Déjà, elle augure d’une probable traite des parrains par des entrepreneurs politiques à la recherche du gain facile. Etant donné que tous les candidats à la candidature qui se sont déjà déclarés ne peuvent pas tous être candidats, certains d’entre eux peuvent néanmoins monnayer les signatures qu’ils recueilleront auprès des citoyens sénégalais.

‘’Ce n’est pas impossible que des gens recueillent des signatures pour aller les reverser à d’autres candidats moyennant quelque chose. Déjà, nous avions un système où, dans le passé, il y a des partis politiques qui louaient leurs récépissés. Ce n’est pas exclu qu’il y ait des opérateurs politiques qui vont se glisser dans cette affaire, sachant que pour eux, ce n’est pas le fait de gagner l’élection présidentielle qui les motive, mais ils en font un fonds de commerce’’, pense Ousmane Badiane, lorsqu’il a été interpellé hier sur la question.

Estimant qu’en matière électorale il ne faut exclure aucune éventualité, il soupçonne ainsi que des politiciens professionnels veillent s’engouffrer dans ce processus pour en faire un fonds de commerce ou ruser pour mieux négocier des postes. ‘’En matière d’élection, il ne faut rien exclure. Il y a des gens qui font de l’activité politique un moyen de commerce. C’est une situation qui doit nous préoccuper, parce que le parrainage est un système qui n’est pas encore rodé’’, alerte-t-il.

Pour sa part, un autre responsable de la mouvance présidentielle, interpellé par ‘’EnQuête’’, mais qui a requis l’anonymat, pense qu’une telle situation est plus que probable. ‘’Chaque fiche de parrainage contient le nom du candidat. Il est vrai que certains peuvent collecter des signatures sans remplir cette cage, pour après marchander avec un candidat. Mais jusque-là, il n’y a que des déclarations d’intention pour ensuite aller négocier avec d’autres forces politiques’’, soutient-il.

Quoi qu’il en soit, relève Ousmane Badiane, il faut s’attendre à des difficultés, dès lors que le parrainage est quelque chose de relativement nouveau, même s’il a été pratiqué au Sénégal en 1963 et en 1968, mais à l’époque du parti unique. A cet égard, il juge nécessaire de faire en sorte qu’avec ce parrainage, il y ait un contrôle très rigoureux. ‘’Je crois qu’il faut prendre des garde-fous, parce que l’Etat a l’obligation et le devoir d’organiser correctement les élections’’, déclare-t-il.

Si cette ruée enregistrée avant-hier à la Dge inquiète le chargé des élections de la Ld et bien d’autres acteurs du jeu politique, pour cet expert électoral sous le couvert de l’anonymat, ce n’est qu’un effet de mode. ‘’Je suis sûr qu’il y a des gens qui se sont déplacés jusqu’à la Direction générale des élections sans même savoir pour quelle raison ils ont été convoqués’’, commence-t-il par dire au bout du fil. Selon notre interlocuteur, c’est tout à fait normal que tous les partis politiques répondent, quand le ministère de l’Intérieur convoque les acteurs du jeu politique. Mais, en réalité, croit-il savoir, même s’il n’y avait pas le parrainage, on n’aurait jamais 87 candidats à l’élection présidentielle. ‘’Ma conviction est qu’à l’arrivée, on n’aura pas 10 candidats à la présidentielle de 2019. Ce n’est pas facile de réunir 53 000 signatures. Il y a aujourd’hui des ténors qui n’ont pas pu avoir cela à une élection. Il leur sera très difficile d’avoir les moyens pour accéder dans les zones les plus reculées du pays. Si Youssou Ndour a été incapable de réunir 10 000 signatures, ce ne sera pas à certains de les réunir en 3 mois et demi’’, soutient-il. Pour lui, le parrainage nécessite beaucoup de moyens, en dehors de la nécessité d’avoir un appareil politique. ‘’Il y aura des ténors qui auront du mal à réunir 53 000 signatures’’, estime-t-il.

Aux origines du parrainage

Bien que décriée par une frange importante de l’opposition et une partie de l’opinion publique sénégalaise, le parrainage n’est pas sorti ex nihilo. Il procède d’un constat amer fait à partir de 2000 et qui s’est exacerbé entre 2014 et 2017, lors des élections locales et législatives.

Selon Ousmane Badiane, le système électoral sénégalais est aujourd’hui à un tournant assez particulier, depuis les législatives du 30 juillet 2017 où nous avions enregistré 47 listes. ‘’C’était quelque chose de tout à fait nouveau, mais qui n’était pas du tout surprenant, parce qu’il y avait déjà une tendance qui se développait depuis 2014, avec les élections locales où on avait 2 709 listes. La leçon que nous devons tirer de tout cela, c’est que cette tendance va se poursuivre, à la lumière de l’évolution de notre système électoral’’, explique-t-il.

Avant d’ajouter : ‘’Nous sommes passés dans une première phase où seuls les partis politiques pouvaient concourir à l’expression des suffrages. A partir de 1992, on a élargi aux partis et aux coalitions, ensuite partis, coalitions et candidats indépendants, mais pour certaines élections seulement. En 2016, on a élargi les candidats indépendants à tous les types d’élection. Donc, le champ était très ouvert et il fallait prendre des mesures idoines pour désormais rationaliser les candidatures. C’est dans ce sens que le parrainage a été initié’’.

Seulement, relève-t-il, le problème qui s’est posé, c’était comment faire pour rationaliser les candidatures pour qu’on n’ait pas la même situation que lors des législatives. Mais, se désole-t-il, ‘’l’expérience d’avant-hier montre que la situation s’est exacerbée et est devenue beaucoup plus grave’’.
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