Dans le vaste chantier de réformes universitaires, la question de la retraite a été une question portée par les enseignants du supérieur pour que celle-ci ne soit pas rangée aux oubliettes. La retraite a fait l’objet de point nodal de la palette de revendications initiée par les syndicats du supérieur, notamment le Saes. L’augmentation d’une heure hebdomadaire à la charge horaire des enseignants et chercheurs en activité, a été le déclic. Retour sur une longue marche d’une retraite décente désormais pour les enseignants et chercheurs du supérieur dont les négociations ont duré quelques années.
Il aura fallu des sessions plénières et des comités techniques. Une longue bataille. Des plans d’actions matérialisés par des débrayages et des grèves. Quand il a fallu se faire entendre davantage, les enseignants du supérieur, sous la houlette du syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes), sont sortis dans la rue, en juin 2017, pour marquer leur détermination à faire face au gouvernement sur la question de la retraite. «Aller à la retraite tue !», scandaient les enseignants au cours de leur procession. Certains comme le professeur Malick Ndiaye sont allé plus loin en soutenant : «Comment comprendre qu’un député reçoit plus au terme de deux mandats successifs qu’un enseignant capitalisant 30 ans d’expériences».
Le Saes est allé jusqu’à rejeter les conclusions issues de la table ronde n°2 relative à la viabilité du régime Fonds national de retraite (Fnr) qui donnent des perspectives sombres d’une amélioration de la retraite des fonctionnaires. En d’autres termes : le syndicat rejette les conclusions de la deuxième conférence sociale tenue les 24 et 25 avril pour un système de retraite.
La dynamique jusqu’ici enclenchée par les enseignants du supérieur, fait unanimité dans les universités publiques qui constituent souvent des espaces de d’échanges et de contradictions sur les questions de société.
Que veulent ces enseignants du supérieur ?
Les assemblées générales dans les campus des universités publiques se multiplient avec comme mot d’ordre : avoir une retraite décente. En quoi cette question fait l’unanimité dans les universités publiques si l’on sait que les enseignants sont bien payés en regardant la grille salariale des agents de l’Etat ? L’argument avancé par les enseignants est clair : un enseignant peut avoir une retraite modeste de 150.000 Fcfa par mois. Après 40 ans, il a une pension de retraite qui ne dépasse pas 250.000 Fcfa.
Malgré une majoration grâce aux indemnités et aux primes, la pension est calculée sur le salaire de base qui est dérisoire. Le degré d’inquiétude des enseignants en exercice se fait ressentir. Que veulent ces enseignants du supérieur ? Cette question de la stabilité financière après une carrière a été le point nodal du Saes dans ses différentes revendications. C’est le jeudi 15 mars 2018 que le Saes et le gouvernement du Sénégal ont signé un protocole d’accord, à l’issue des longues discussions. Les deux parties avaient convenu aux points d’accords suivants : les enseignants du supérieur acceptent d’augmenter leur charge horaire hebdomadaire d’enseignement d’une heure. Une manne financière qui doit permettre d’atteindre l’objectif d’un taux de la retraite de 70% par rapport au dernier salaire pour les années 2018 et 2019, 80% pour les 2020 et 2021 et 85% à partir de 2022.
Pour matérialiser un tel objectif, il a été décidé de mettre sur pied un Fonds national de solidarité sociale destiné à prendre en charge les enseignants et chercheurs du supérieur qui sont à la retraite avant l’application de l’accord.
Arrêté interministériel signé le 7 août
Comme on le sait entre la signature d’un accord conclu avec le gouvernement et sa matérialisation, les enseignants ont compris qu’ils devraient prendre leur mal en patience. Quand la mort de l’étudiant Fallou Sène s’invite dans l’espace universitaire, tous les points d’accord sont mis à côté en attendant de gérer la crise. C’est le 7 août que les enseignants du supérieur ont eu la bonne nouvelle. L’arrêté interministériel portant création et fixant les règles d’organisation et de fonctionnement du Fonds de solidarité a été signé par Mary Teuw Niane et Amadou Bâ. Le Fonds est désormais destiné à compléter la pension de retraite des enseignants et des chercheurs de l’enseignement supérieur admis à faire valoir leur droit à une pension de retraite avant l’application du nouveau régime de retraite.
En son article 4 sur les ressources du Fonds, on peut lire : « chaque université publique et/ou école supérieure contribue à l’alimentation du Fonds proportionnellement à son effectif d’enseignants et des chercheurs permanents. Ces contributions proviennent de la rémunération de l’augmentation d’une heure hebdomadaire à la charge horaire des enseignants et chercheurs en activité».
Les ressources du Fonds sont gérées par un comité de gestion dont les membres ne bénéficient ni de rémunération ni d’indemnité. La présidence du comité est assurée par le directeur général de l’enseignement supérieur (Dges).
Si l’arrêté a été signé au courant du mois d’août, il a été clairement indiqué dans les dispositions finales que le présent arrêté prend effet à compter du 1er juillet 2018.