Le Garde des Sceaux a réagi au rapport d’Amnesty international qui doute de l’indépendance de la justice sénégalaise. Selon Ismaila Madior, l’Ong met plutôt plus l’accent sur des questions politiques que sur la situation des droits de l’homme.
Evoquant les affaires Khalifa Sall, Karim Wade et Imam Ndao, Amnesty a dénoncé des procès inéquitables. Mais selon le Ministre de la Justice, ce rapport d’Amnesty Sénégal pose un problème d’objectivité et de méthodologie. « Il met l’accent plus sur des questions politiques que sur des sujets purement axés sur la situation des droits de l’homme », se défend le Ministre de la Justice. Pour preuve, indique le Garde des Sceaux, Amnesty fait état d’un dossier Karim Wade qui n’est pas évoqué dans le rapport. Selon Ismaila Madior Fall, le premier point parle de procès inéquitable, en relation avec l’affaire concernant le maire de Dakar, pour souligner les nombreuses demandes de libertés provisoires rejetées malgré un cautionnement. « Khalifa Ababacar Sall n’a pas offert en cautionnement l’intégralité des frais prévus par la loi et n’a pas non plus fourni des espèces comme l’exige la loi », dit-il. Avant de préciser que la cour de justice de la CEDEAO admet bien le caractère légal de la détention depuis la levée de l’immunité parlementaire du maire de Dakar.
Sur 999 demandes de manifestation reçues, 981 ont été tenues en 2016
Le Ministre de la Justice soutient qu’au Sénégal, le droit de manifester par une marche pacifique n’est pas soumis à une autorisation, mais à une simple déclaration préalable. Toutefois, pour la sauvegarde de l’ordre et de la sécurité publique, l’autorité administrative habilitée peut circonscrire l’itinéraire des manifestants ou différer celle-ci par décision dûment motivée susceptible de recours administratif et judiciaire. « Tous attroupements, réunions ou rassemblements sur la voie publique en violation des règles sus décrites, comme ce fût pour les cas rapportés, sont punis par l’article 92 du Code pénal. Les statistiques sur l’exercice des droits de réunion et de manifestation font ressortir pour l’année 2016 que sur 999 demandes de manifestation reçues, 981 ont été effectivement tenues, 18 seulement ont été interdites par arrêtés dûment motivés », affirme-t-il.
Une baisse de 6% du taux d’occupation des prisons en 2018
« A propos des conditions carcérales, les affirmations contenues dans le rapport ne correspondent pas à la réalité car le taux d’occupation des prisons a diminué. Il est passé de 244% en 2016, à 238% au 31 décembre 2017 », précise le Garde des Sceaux. « Ce taux a encore connu une baisse en 2018 avec 232%, soit une amélioration nette de 6% entre le 31 décembre 2017 au 31 juillet 2018 », note-t-il. Et ajoute que cette baisse du taux d’occupation des prisons s’explique par l’augmentation de la capacité officielle d’accueil des établissements pénitentiaires grâce à des constructions et réhabilitations, l’application des modes d’aménagement des peines comme les libérations conditionnelles avec 1274 détenus condamnés, bénéficiaires entre 2013 et 2017 et les mesures de grâces collectives et 8205 condamnés ont été éligibles entre 2013 à 2017. L’indemnité journalière d’entretien est passée, entre 2013 et 2018, de 600 à 1023 francs par détenu. Le Ministre soutient qu’en 2017, l’Administration pénitentiaire a enregistré, contrairement aux chiffres avancés, un cas de décès par suicide à la MAC de Kaolack. Les autres sont des morts naturelles des suites de maladies médicalement constatées.
Les allégations infondées d’Amnesty
« Pour le cas d’Imam Alioune NDAO, Amnesty affirme sans preuve que celui-ci n’a pas bénéficié du traitement médical dont il avait besoin. Il importe aussi de faire comprendre aux rédacteurs du rapport que la durée moyenne des procédures criminelles est de trois ans au moins dans tous les pays respectueux des droits de l’homme. En bouclant la procédure dans un délai de deux ans en dépit de sa complexité et de la pluralité des personnes impliquées, le Sénégal a respecté les délais impartis », souligne Ismaila Madior Fall. Concernant les cas d’impunité allégués dans ledit rapport, le Ministre de la Justice de rappeler que chaque fois que des cas de bavure ou de violence commis par les forces de l’ordre ont été signalés, des enquêtes ont été ouvertes, les responsabilités situées et les auteurs traduits devant les juridictions compétentes. « C’est d’ailleurs les cas pour les dossiers récents concernant le jeune Assane Sarr, décédé dans les locaux du commissariat de Thiaroye, et de l’étudiant Fallou Sène, mort à la suite de manifestations à l’UGB de Saint-Louis. Des enquêtes ont été ouvertes et confiées à la police prévôtale. Celles-ci sont en cours, le parquet compétent attend les résultats pour enclencher les procédures qui s’imposent », rappelle M. Madior Fall. Il signale que le gouvernement a déjà finalisé et soumis au processus d’adoption un projet de loi largement inspiré des Principes de Paris et portant modification de loi n°97-04 du 10 mars 1997, relative au Comité sénégalais des droits de l’homme dans sa volonté de renforcer les Institutions nationales de Droits de l’Homme (INDH).