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Collecte de coquillages: Un business féminin
Publié le jeudi 9 aout 2018  |  Enquête Plus
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Démunies, ne bénéficiant d’aucune forme d’aide et ayant en charge leurs familles, des femmes exercent le métier de collecteur et de marchande de coquillages. Elles font face à une série de contraintes, dont le principal est l’hivernage. Le temps d’une journée, EnQuête s’est invité dans le cercle de ces braves femmes. Reportage.



Au quotidien, par cette période de saison des pluies, elles sont assises sous un soleil de plomb. Se tenant en bordure de la plage de la commune de Nianing, quelques bâtiments les séparent de la route goudronnée. D’autres se réfugient sous l’ombre de grands palétuviers, à la recherche d’une bouffée de fraîcheur, et devisent tranquillement. Il y en a, plus loin, qui sont assises sous des tentes pour se protéger du soleil, tenant entre leurs mains un tamis : leur outil de travail. Il leur sert à séparer les coquillages du sable fin. La plupart d’entre elles habitent dans les villages environnants.

Elles quittent très tôt leurs maisons pour venir sur cette plage collecter des coquillages. Pour y arriver, il leur faut des heures voire des jours de dur labeur. De 6h du matin à 18h, ces braves femmes s’activent. Elles parcourent de longues distances pour amasser du sable qu’elles transportent à l’aide de morceaux de pagne ou de seaux. Chacune entasse sa collecte dans son coin qui lui sert d’atelier, même si ça n’en a pas l’air. Le sable séché, elles le tamisent pour en extraire les coquillages. Elles extraient plusieurs formes de coquillages de petite, moyenne et grande taille. Ces dames sont avares en parole. Par peur, expliquent deux d’entre elles, de se voir interdire l’exercice de leur métier qui leur permet de gagner leur vie et de satisfaire les besoins de leurs familles. Personne ne veut prendre l’initiative de parler de ce travail qui semble difficile.

Pensant que les plus âgées peuvent être des informatrices propices, celles-ci nous renvoient aux plus jeunes. Ces dernières ne veulent piper mot. Après moult explications, une jeune femme renseigne qu’elles ne veulent pas parler de peur que la mairie ne vienne leur réclamer des patentes ou leur interdire d’extraire les coquillages. ‘’Si on parle, on peut nous interdire d’exercer notre travail. Et ceci est notre gagne-pain. On parvient à nourrir nos familles grâce à ça’’, souffle Khady Faye. On tente de les réconforter en essayant tant bien que mal de les rassurer du contraire.

‘’N’est-ce pas une aubaine pour vous de faire connaître les dures conditions de travail auxquelles vous êtes confrontées ? Qui sait si les autorités sont au courant, elles ne vous feront pas bénéficier de formation, voire vous aider à vous regrouper en Gie ? Vous pourriez bénéficier peut-être de financement ?’’ Après cette série de questions, l’atmosphère se détend. On se prête alors aux explications. ‘’Nous tamisons le sable pour extraire le coquillage. Nous le vendons. Ça nous rapporte de quoi entretenir nos familles’’, explique une frêle jeune dame qui veut garder l’anonymat. En effet, ce travail est très rude pour une femme. Elle consiste à transporter des seaux de sable, de le sécher. Puis de le tamiser pour extraire le coquillage. Ce dur labeur fait appel aux muscles des bras et demande de la patience.

En effet, en période d’hivernage, le travail est au ralenti. ‘’Il faut du temps pour permettre au sable de sécher afin que le tamisage soit facile. Quand le soleil darde ses rayons, c’est encore mieux, car cela permet au sable de sécher plus vite. Si le soleil est bien chaud, nous arrivons à tamiser dix à quinze sacs’’, explique Amy Sène. Là ou d’autres en font moins. Sur ce site, chacune travaille pour soi. Elles ne sont pas regroupées en association ou regroupement. Personne pour défendre leurs intérêts.

‘’Nous sommes obligées de supporter la fatigue, parce que nous avons en charge nos familles’’, assure-t-elle, en s’activant avec entrain. Le prix d’un seau de coquillages est instable. ‘’Le prix oscille en fonction du client. Des fois, nous recevons des clients très avares. Parfois aussi, un client peut être très généreux. Parfois aussi, une d’entre nous peut causer du tort à une autre. Car après marchandage, on peut détourner le client en lui proposant moins. Il n’y a pas de prix fixe. Peut-être que si on était plus formalisées, on pourrait accorder nos violons en mettant un prix fixe. Ce serait à prendre ou à laisser’’, dit Amy. Après avoir arrêté ses études en classe de troisième, elle s’est reconvertie dans la vente de coquillages, afin de se prendre en charge.

Elle explique : ‘’J’ai commencé ce travail quand j’ai échoué à mon examen de Brevet de fin d’études moyennes [Bfem]. J’ai décidé de rejoindre les femmes sur la plage’’. Maintenant qu’elle est mariée, elle doit aider son mari dans la gestion de la maison. ‘’Nous sommes des mères au foyer et nous ne bénéficions d’aucune aide. Nos maris n’ont pas de travail. Et grâce à ça, nous parvenons à régler nos soucis. C’est notre seul moyen de subsistance. Je m’en sors et ne regrette pas de l’avoir choisi’’, se réjouit-elle. Le coquillage est destiné à la décoration des murs, au pavage du sol, à la décoration des pots de fleur, aux œuvres d’art.

D’après Khady Faye, certains clients peuvent acheter le kilo trois à quatre fois le prix. ‘’Quelques années en arrière, le prix valait plus cher, jusqu’à 3000 francs le kilo. La chute du prix du coquillage est essentiellement due à la prolifération du nombre de femmes qui viennent maintenant elles aussi extraire le coquillage. Ici, chacune de nous travaille pour son propre compte. Nous n’avons pas de groupement pour défendre nos intérêts. Toute personne qui vient peut s’y mettre’’, soutient Khady.

Travail au ralenti pendant l’hivernage

Cependant, elles font face à beaucoup de contraintes : dur labeur, exposition au soleil de plomb, mauvais temps… De ce fait, la saison a des conséquences fâcheuses dans leur métier. Avec cette période d’hivernage qui débute, ces femmes sont anxieuses. Le travail est au ralenti. Parfois même à l’arrêt. ‘’Si le temps est pluvieux, on ne peut pas sécher le sable. S’il pleut, n’en parlons même pas, on reste des jours à la maison’’, se plaignent-elles. La plupart d’entre elles étant analphabètes, par faute d’encadrement et de formation afin de développer d’autres activités génératrices de revenus pendant cette saison, elles peinent à trouver de quoi nourrir leurs familles.

KHADY NDOYE [MBOUR]
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