La polémique ayant pollué le Concours général est la preuve qu’il y a nécessité d’être plus ouvert. La conviction est du coordonnateur national de la Cosydep. Cheikh Mbow appelle à un bilan de cette compétition afin d’en tirer des enseignements pouvant booster le maximum d’élèves.
Est-ce que vous comprenez la polémique née des résultats du Concours général, édition 2018 ?
Tout d’abord, je voudrais féliciter les lauréats, cela montre que le pays regorge d’élèves talentueux. C’est vrai qu’il y a un débat qui s’est installé autour de l’organisation du Concours général. Un débat que l’on comprend, parce que s’expliquant par le fait que le Concours général commence à subir l’effet du temps. Donc les acteurs tentent de trouver la fonction première de cette importante compétition. Nous considérons qu’il faut rester concentré sur l’essentiel. C’est-à-dire premièrement : que l’on puisse travailler sur un bilan exhaustif de cette problématique. Un bilan qui devrait permettre de voir le sort réservé aux anciens lauréats.
Où est-ce qu’ils sont actuellement ? Que deviennent-ils ? Qu’est-ce qu’ils peuvent apporter à leur nation ? Au total, avoir un dispositif de suivi permanent et rigoureux pour garantir le retour sur investissement. Deuxièmement, nous pensons qu’il faut apprendre de ces excellents élèves. Quels sont les éléments explicatifs, les caractéristiques qui les rendent performants ? Nous devons pouvoir nous en inspirer pour booster tous les établissements, y compris ceux classiques. C’est un élément essentiel. Troisièmement, il faut travailler en sorte que les rares élèves qui sortent de ces établissements classiques puissent davantage être mis en exergue. Les autres sont dans des conditions optimales ; ils sont logés, surveillés la nuit, habillés, restaurés, ils ont un encadrement rapproché, un effectif limité. Si malgré cela, il y a des élèves qui sortent de Limamoulaye, Yeumbeul, de la Casamance, du Fouta, je pense que ces élèves-là méritent d’être pris en exemple. Quatrièmement, il faut être le plus inclusif et le plus participatif possible.
Quand vous avez suivi les propos tenus par le ministre de l’Enseignement supérieur face à quelque chose qui se passe dans son champ – Il fait dire que ces élèves de Terminale vont être dans quelques jours ou mois des élèves du ministère de l’Enseignement supérieur – il est essentiel que l’on soit dans une gestion holistique. Quand on parle d’Education, qu’on ne se limite pas tout simplement à l’Education nationale, mais plutôt, éducation nationale, enseignement supérieur, enseignement technique, formation professionnelle. Nous avons vu qu’il y a des élèves de la formation professionnelle qui sont sortis. Comment faire pour que tous les ministères qui ont en charge cette question puissent être réellement impliqués, pour que les acteurs et partenaires puissent avoir leur place, pour que nous tous nous considérions que le Concours général est une activité phare. Pour finir sur cette question, notre conviction à la Cosydep est que nous devons faire en sorte, à travers le Concours général, que nous ne soyons pas dans un système élitique, qui ne mette en avant que des élites. Oui à l’excellence, mais non à l’élitisme.
Faut-il redéfinir les critères du Concours général ?
L’histoire du Concours général a duré des années, il est essentiel à tout moment que l’on puisse faire un bilan. Maintenant, ce bilan ne doit pas se faire à l’intérieur d’une seule structure, il faudrait qu’il soit un bilan ouvert, participatif où on entendra toutes les voix, y compris celle des élèves, des parents, de la société civile, des syndicats d’enseignants, des autres ministères ou autres structures en charge de l’Education et de la formation. Si nous le faisons, ça deviendra un concours qui va être au service du système éducatif, parce que tout simplement au-delà des excellents élèves que l’on aura découverts, nous aurons puisé sur les caractéristiques qui les rendent performants, faire en sorte de démocratiser la qualité, de sorte qu’il y ait le plus d’excellents élèves possibles dans ce pays. Les grandes vacances nous offrent l’opportunité de faire le bilan du Concours général, des résultats scolaires et anticiper sur l’année à venir. Nous avons l’occasion pour nous pencher sur les conflits éventuels et les questions en jeu et ainsi préparer sérieusement l’année prochaine.
L’absence du ministère de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle, et les critiques du ministre de l’Enseignement supérieur, sont-elles la preuve d’une gestion centralisée du concours ?
Je ne veux pas être affirmatif, parce que j’ai vu à la cérémonie le ministre de l’Enseignement professionnel et technique Mamadou Talla assis aux côtés du ministre de l’Education nationale et du président de la République. Je ne sais pas à quel niveau il a été impliqué, mais nous continuons à croire que les questions d’Education devraient être gérées de manière holistique. Il faudrait que l’on puisse casser les murs. Les élèves vont aller dans l’enseignement supérieur, parmi ceux, il y en a qui vont aller vers la formation professionnelle. Le ministère de la jeunesse a son mot à dire. Il y a aujourd’hui une ouverture qui est nécessaire dans le bilan, dans la mise en œuvre et l’évaluation. Ça, si nous le faisons, ça va aller au-delà des personnes, de certains services, mais ça va être un évènement au bénéfice du système éducatif. Ce dernier fait face à une crise qui s’appelle la crise des performances. Nous devons apprendre de ces écoles performantes, de ces élèves excellents, pour démocratiser la qualité.
Faut-il supprimer le classement des établissements ?
La réponse peut venir de l’observation des caractéristiques des écoles, des élèves qui ont participé. Je crois qu’il y a un débat autour de par où entrer. Est-ce qu’il faut classer par élève ou par établissement ? Pour moi, c’est un débat. Le ministère a voulu faire entrer par les élèves. Il faudrait aussi travailler à ce que les établissements puissent être connus. Le classement par établissement peut être source de motivation pédagogique.
C’est la communauté autour de l’établissement. Je suis sûr que les écoles qui sont excellentes, ce sont des écoles où la communauté est impliquée, les Comités de Gestion de l’Ecole (CGE) sont fonctionnels. Il est essentiel que l’on apprenne du management de l’école, du pilotage du système de l’école. C’est peut-être le pilotage, le système de management, l’encadrement, l’engagement des enseignants, la motivation de la communauté. Ce sont ces éléments qui justifient la performance de ces écoles. Au total, nous pensons que le concours peut être un excellent prétexte si nous acceptons d’avoir un autre rapport avec ces résultats. Essayons d’apprendre du Concours général pour améliorer. Si nous sommes dans cette dynamique-là, nous pouvons faire en sorte que les résultats que nous connaissons depuis des années, qui ne progressent pas, puissent être mieux appréhendés.
N’y a-t-il pas un paradoxe qu’à côté de la fête l’excellence, on ait moins de 40% d’admis au baccalauréat ?
C’est un fait inquiétant, parce que nous ne pouvons pas avoir un système élitiste, où il y a une toute petite minorité qui excelle, face une masse qui ne réussit pas. Un pays en construction, et qui a besoin d’un capital humain de qualité en qualité, doit fondamentalement interroger sur comment faire pour que les écoles classiques soient dans des conditions qui leur permettent d’être excellentes. Quand vous savez comment fonctionnent les écoles d‘excellence, vous pouvez savoir rapidement quels sont les déterminants, les facteurs qui les rendent excellentes. Il faudrait apprendre de ces petits secrets, des caractéristiques de ces écoles, pour améliorer les performances.
Vous savez, cette année, 35,9% de taux de réussite, c’est inquiétant si tu compares ce taux non pas à l’année dernière et celle précédente, mais aux standards internationaux. Nous devons le comparer aux normes standards de qualité. Il faut au moins 80% des élèves qui maîtrisent 80% des enseignements apprentissages. Si vous le faites, vous devez dépasser les 50%, opter pour un taux de réussite de 80%. Malheureusement, notre Sénégal n’arrive toujours pas à être dans ces normes. En France, ils sont à 88%, ils ne sont pas contents. Vous avez vu ce qui se passe au Maroc. Au Cameroun, ils sont entre 68 et 75%. Au Sénégal, en 2013, on était à 38%, en 2014 et 2015, on est à 31%, 2016 36%. On est entre 31 à 32%, on n’arrive toujours pas à dépasser le cap de 40%, qui n’est pas un bon cap. Le bon cap, en termes de normes standards, c’est 80%. Nous devons interroger tout cela.