Agé aujourd’hui de 54 ans, Ousmane Sy est un officier émérite qui a fait les beaux jours de la Police nationale. Le ‘’Doomou daara’’ est crédité d’un parcours professionnel lisse, sans gros cafards dans ses placards.
‘’L’enfant’’ a grandi. La police soulagée. Avant-hier, tard dans la nuit, en Conseil des ministres, le président de la République, Macky Sall, n’a pas fait que rendre public le décret de nomination du nouveau directeur général de la Police nationale. Plus que ça. Il a soulagé les troupes qui, depuis plusieurs jours, étaient dans l’expectative. C’est désormais officiel. Oumar Maal part, Ousmane Sy prend la place. Une place qu’il connait très bien, puisque la titillant depuis le magistère d’Anna Sémou Faye, voire même bien avant en tant que conseiller. C’est, en effet, à cette époque qu’il a en été promu Dga (directeur général adjoint) avant d’être reconduit sous Maal. A ce titre, ‘’il a dû avaler des couleuvres, car il n’est pas facile d’être adjoint de certains directeurs’’, confie un haut commandant de la police. Qui ajoute : ‘’Nous allons vers des lendemains incertains. Le président de la République a bien fait de miser pour la continuité. Ousmane remplit tous les critères requis pour être à la tête de la police. Il faut juste lui souhaiter bonne chance.’’
Transfuge du Prytanée militaire Charles N’Tchoréré de Saint-Louis, le nouveau patron de la police est, selon nos différents interlocuteurs, l’une des personnes qui étaient les mieux indiquées pour remplacer Oumar Maal admis à faire valoir ses droits à la retraite. Avant sa nomination, des lobbies se sont activés de toutes parts. Mais, finalement, la raison a primé sur les affinités, selon le journaliste Pape Sané, spécialiste des questions sécuritaires. Il témoigne : ‘’Choix ne saurait être plus judicieux. En cette veille d’élection présidentielle, on va connaitre des troubles. Il ne faut même pas exclure que le pays sombre dans une situation de crise. Ce qui est différent d’une opération de maintien de l’ordre à cause de sa durée. Il y a plus de manifestations, plus de risques de bavures policières, plus de susceptibilités de vengeance… C’est à ce moment qu’on reconnait les vrais chefs. Ousmane Sy, de par son parcours, est comme, je le dis, ‘the right man for the situation’ (l’homme de la situation).’’
‘’Nous sommes dans un corps où il y a trop de lobbyistes’’
‘’Compétence et dignité’’. Voilà deux qualités essentielles pour être un bon commandant de la Police nationale. Un commissaire de police, foncièrement attaché à ce corps auquel il a accordé une bonne partie de sa vie, revient sur l’importance de ces deux qualités humaines dans un secteur aussi névralgique. Il déclare : ‘’Dans la police, les enjeux sont énormes. Et certains sont très égoïstes. Ils ne pensent qu’à leurs intérêts individuels. Nous sommes dans un corps où il y a trop de lobbyistes. Certains prêts à tout pour arriver à leurs fins. De ce que j’en sais, Ousmane n’est pas de cette catégorie. Je ne le connais pas comme un homme des réseaux lobbyistes. Et pour commander un tel corps, il faut être juste. Il faut aussi être intègre. D’autant plus que nous allons dans un contexte lourd de danger.’’
Ce contexte, c’est celui de la campagne présidentielle de 2019. Les différentes forces en présence menacent de se livrer bataille. Et la police, selon notre interlocuteur, sera amenée à jouer l’arbitre dans certaines situations. Avec toutes cette pression ambiante, il faut, selon lui, du courage et beaucoup de caractère. ‘’Que les gens comprennent que nous ne sommes pas des politiciens. Nous ne sommes pas là pour un régime. Nous sommes là pour défendre la République. Un bon chef de la police ne doit pas être dans les compromis. C’est d’ailleurs valable pour n’importe quel chef, mais surtout au niveau des forces de défense et de sécurité. Prenez l’exemple de votre directeur, s’il est un homme bon, respectable, vous avez envie de vous surpasser au travail. Au cas contraire, vous faites juste le minimum’’, analyse l’officier qui a un préjugé très favorable pour le successeur d’Oumar Maal.
‘’Homme bon, homme compétent, homme légitime’’. Les qualificatifs ne manquent pas pour l’actuel Dgpn. Sa carrière est auréolée de gloire. Sorti en 1986 en tant qu’officier de paix, il a occupé différents postes dont le commandement du Groupement mobile d’intervention (Gmi). Il a également fait la 5e compagnie de Ziguinchor, le commissariat central de Dakar, le commandement du corps urbain de Mbacké... Là-bas, dans la cité religieuse, il a eu à faire montre de toute sa poigne et de son intransigeance pour le triomphe de la loi. C’était dans les années 1990, avec feu Bada Lo qu’il a eu à interpeller, au grand dam de certains dignitaires religieux et du régime d’alors. Ce qui fait dire à l’ancien directeur de la rédaction de ‘’Dakar Times’’ qu’‘’il fait partie des rares officiers à qui on ne peut coller aucune casserole. Et c’est extrêmement important pour un chef de la police qui veut accomplir correctement sa mission. On ne peut le faire chanter avec des dossiers compromettants’’.
‘’L’enfant…’’
Le Saint-Louisien est aussi réputé être très précoce. Très jeune, il est devenu colonel (en 1999), soit le plus haut grade dans le corps des officiers de paix. Il est également l’un des plus jeunes, si ce n’est le plus jeune officier ayant obtenu à son âge le Dagos (Diplôme d’aptitude au grade d’officier supérieur). En 2003, il est nommé conseiller à la Direction générale de la police… Un parcours brillant qui fait de lui un homme légitime, apte à occuper sa nouvelle fonction.
Notre commissaire de police cité plus haut embouche la même trompette et se permet quelques conseils au nouveau boss. ‘’Il faut, recommande-t-il, qu’il reste droit dans ses bottes. Surtout rester intègre, car c’est ce qui nous permet d’avoir les coudées franches. En tant que Dgpn, les tentations peuvent être nombreuses, mais il faut rester soi-même et ne pas essayer de vivre au-dessus de ses moyens. Un chef de la police, un homme tout court, n’a que sa crédibilité. De toute façon, pour le commandement, on aurait même pu se passer d’un chef. Les textes sont suffisamment clairs pour gouverner les gens. Chacun n’a qu’à rester à sa place et respecter les prérogatives des autres’’.
Né à Saint-Louis en 1964, Ousmane Sy est un ‘’doomou daara’’ (quelqu’un qui a fréquenté l’école coranique), rapporte Pape Sané, ajoutant qu’il a fait ses humanités dans le Coran au ‘’daara’’ de Salloly Ngom, dans son terroir. C’est dans cette école qu’il a récité une première fois le Livre Saint à l’âge de 12 ans. Au prytanée, il était connu sous le sobriquet de ‘’L’enfant’’, non seulement parce qu’il était au prytanée, mais surtout parce qu’il était aussi petit. ‘’Par ailleurs, il était brillant et raflait tous les prix’’, informe M. Sané, lui-même ancien enfant de troupe.
Dans la police, l’actuel Dg a de qui tenir. Il a eu, en effet, à servir sous la houlette d’officiers émérites, dont Léon Diédhiou et surtout Saliou Diallo qui, selon le journaliste, est son maitre à penser. Dans l’exercice de ses fonctions, il pourra certainement compter sur l’ensemble du corps qui lui voue un grand respect, mais surtout sur des ‘’frères’’ avec lesquels il a passé des moments de braise à l’école. Parmi eux : Arona Sy, l’actuel Dg de l’Ecole de police, le directeur du Gmi Amady Lam, Gabriel Ndar Faye mis à la disposition des Nations Unies, Bécaye Diara qui est à Saint-Louis…
Très persévérant, il ne cesse de glaner des diplômes. ‘’L’enfant’’ a aujourd’hui dans son escarcelle deux Masters en Stratégie et Défense obtenus au Ceds.
Mais, comme le dit l’adage, derrière tout grand homme, il y a une grande dame. Derrière Ousmane Sy, il y a deux grandes dames. Malheureusement pour lui, l’une l’a quitté à un moment où il s’y attendait le moins. C’était il y a environ deux ans. Pape Sané explique : ‘’Peut-être s’il y a quelque chose qui va lui manquer au moment de connaitre cette consécration, ça va être la disparition de sa deuxième épouse qui a perdu la vie en donnant la vie à un petit garçon. C’est un épisode qui l’a beaucoup marqué et dont il se souviendra toujours.’’
Aujourd’hui, un nouveau challenge se dresse devant ‘’L’enfant de Bango’’ et sauf à être limogé en cours de mission, Ousmane Sy pourrait, contrairement à son prédécesseur, passer six ans dans sa nouvelle fonction. Marié et père de six bouts de bois de Dieu, l’actuel Dgpn est aujourd’hui âgé de 54 ans et ne partira à la retraite qu’en 2024.