Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Santé
Article
Santé

Docteur boubacar sarr (medecin ophtalmologiste) : ‘’Quand la perte de la vision est causée par le glaucome, elle est définitive’’
Publié le mardi 24 juillet 2018  |  Enquête Plus
Comment


En plus d’être très dangereux, le glaucome est une maladie dont le traitement est difficile et se fait à vie. Cette maladie grave entraîne une destruction lente du nerf optique et peut aboutir à la perte totale de la vue. Dans cet entretien, l’ophtalmologiste, docteur Boubacar Sarr, explique les facettes sombres de cette affection de l’œil qui ne se guérit pas.



Qu’est-ce que le glaucome ?

C’est une maladie de l’œil qui se caractérise par une tension de l’œil élevée, une altération de la vision dans son volume (ce qu’on appelle le champ visuel) et une altération du nerf optique dans sa partie initiale. Ce qu’on appelle la papille. A l’époque, cela suffisait pour détecter le glaucome. Mais maintenant, la maladie est beaucoup plus compliquée. Beaucoup de gens développent des atteintes du champ visuel, de la papille, mais leur tension est normale. On est à un moment où on définit le glaucome comme une neuropathie optique progressive. Quand vous voyez dans un terme médical ‘’pathie’’, cela signifie qu’on n’en sait absolument rien. Neuropathie veut dire une atteinte du nerf faite de façon chronique. Il y a d’énormes inconnues sur cette maladie. Le nerf optique, s’il commence au niveau de l’œil, se termine au crâne.

Néanmoins, il y a énormément de recherches qui sont menées pour essayer de maîtriser cette maladie et connaître ses origines. Le glaucome entraîne la cécité. Quand la perte de la vision est causée par le glaucome, elle est définitive. Il n’y a pas possibilité de récupérer. C’est une maladie qui présente plusieurs facettes. Globalement, on décrit les glaucomes à angle ouverts qui sont les plus fréquents dans nos zones. Ce sont des maladies silencieuses, elles ne font pas mal et elles ne présentent aucun signe jusqu’à ce que des dégradations très prononcées s’installent. C’est en ce moment que les signes commencent à apparaître. Si on se plaint de troubles visuels en rapport avec le glaucome, c’est que les dégradations sont très avancées, c’est une maladie qui évolue de façon insidieuse. Donc, à bas bruit ; vous ne sentez rien.

Donc, c’est une maladie asymptomatique ?

Dans sa forme classique, c’est une maladie qui n’a pas de signes. Les signes peuvent aussi être très mineurs. Il y a des gens qui se lèvent qui ont un petit bouillard où un halo coloré (voir de la lumière autour). Ces signes sont extrêmement insignifiants. Ces glaucomes sont beaucoup plus fréquents chez les Noirs. La couleur de la peau est devenue un facteur de risque. Mais comme c’est une maladie du nerf optique, celui-ci doit être irrigué, nourri par des vaisseaux. Il y a une composante vasculaire très importante et certaines maladies vasculaires prédisposent à l’apparition du glaucome.

Combien de personnes sont touchées par cette maladie ?

Il est très difficile de dire que tant de personnes sont atteintes par le glaucome. Il n’y a pas de statistiques. Les services des unités de soins oculaires relèvent les patients, mais quand on prend des données dans un hôpital, elles ne peuvent pas avoir d’intérêt en santé publique. A l’hôpital, il y a un biais de sélection, c’est les malades qui viennent. Par exemple, le glaucomateux que je vois aujourd’hui, surtout s’il est au stade terminal, je suis absolument sûr que cinq ophtalmos l’ont déjà vu.

C’est-à-dire que les gens n’arrivent pas à comprendre, et quand ils viennent, ils ne te diront pas qu’ils étaient chez un autre ophtalmologiste. Donc, cela peut fausser l’estimation du nombre de patients porteurs de glaucome. Un document de l’Organisation mondiale de la santé estimait entre 1 et 2 pour 1000 le nombre de glaucomateux dans une communauté. Si vous le prenez dans un pays comme le Sénégal, cela fait 140 000 glaucomateux. On n’a pas d’enquête à proprement parler ; il n’y a pas de statistiques. En Afrique, il n’y en a pas, non plus. Le Nigeria a une fois essayé, mais cela n’a pas marché. Les enquêtes en ophtalmo sont extrêmement difficiles, parce qu’il y a ce qu’on appelle la définition de cas. Aujourd’hui, si vous dites que quelqu’un a le glaucome, il faut le prouver et pour le faire, il faut avoir les appareils et ceux-ci ne courent pas les rues.

Il y a combien de types de glaucomes ?

Il y en a plusieurs. D’ailleurs, on refuse de dire le glaucome, mais plutôt les glaucomes. Il y a des glaucomes à angle ouvert à côté ; il y a des glaucomes qui sont dus à des fermetures de l’angle. Il y a une dynamique de l’œil et il y a un fluide qui doit circuler. C’est cette circulation qui détermine la pression de l’œil. Il y a des zones où cette eau doit être éliminée, quand cette zone est bouchée d’une manière ou d’une autre ; ça déclenche ce qu’on appelle un glaucome aigu. Mais pour celui-ci, les signes sont très différents, c’est des douleurs atroces. Le sujet peut même se mettre à vomir, on va croire qu’il a un syndrome abdominal ou une méningite, alors qu’en réalité, c’est un glaucome aigu. Ils (glaucomes aigus) sont relativement rares voire exceptionnels dans nos pays. Ils sont beaucoup plus fréquents chez les Asiatiques.

Ces types de glaucomes se traitent très souvent par la libération. Il faut mettre une continuité entre la zone d’élimination et celle de production de ce liquide. Il y a également d’autres formes qu’on retrouve chez les enfants : ce sont des glaucomes congénitaux. Quand l’enfant vient de naître et qu’il a un glaucome, la constitution de ce nouveau-né fait que ses tissus ne sont pas mûrs à la naissance. A ce moment, la tension fait gonfler le bloc et il y a des buphtalmies, c’est-à-dire l’œil qui devient très gros. La partie noire prend une bonne partie de l’œil.

Les causes de ce glaucome congénital sont très nombreuses, c’est des malformations. Il y a aussi des formes qui apparaissent chez les adolescents et qu’on appelle des glaucomes juvéniles. Malheureusement, ce sont des jeunes de 16 à 20 ans qui se présentent avec tous les signes de glaucome. En général, les manifestations cliniques, c’est-à-dire les signes, sont très discrets ou n’existent même pas. Mais ce n’est pas dans la forme aigue ou congénitale. C’est pourquoi il faut se méfier des yeux très beaux des enfants, parce que souvent, ça cache de la catastrophe. Mais le plus gros problème, c’est les glaucomes à angle ouvert.

Comment se fait la prise en charge de ces glaucomes ?

La prise en charge est très difficile. On ne peut pas guérir le glaucome, mais on peut l’empêcher de s’aggraver en réduisant la pression intraoculaire. On a beau dire que c’est des problèmes vasculaires, de nerfs, le traitement est un et indivisible, on essaie de baisser la tension. Maintenant, il y a plusieurs façons de baisser cette tension. La première chose, c’est de donner des médicaments, des collyres. Il faut savoir que c’est un traitement à vie. Quand on commence le traitement, on ne peut pas dire après qu’on est guéri. Cela n’existe pas. Vous êtes avec, vous allez vivre les collyres toute la vie. La deuxième chose à faire, c’est l’opération. La chirurgie aussi, c’est pour mettre juste une petite solution de continuité afin de favoriser l’évacuation de cette eau qui est sur l’œil. La chirurgie n’est pas faite pour récupérer la vision, c’est juste pour baisser la tension. Ce qui fait que son acceptation par les malades pose problème. Quand vous dites à un patient que vous l’opérez pour baisser la tension de l’œil et non pour qu’il retrouve la vue, c’est vraiment dur. A côté de la chirurgie, il y a les traitements physiques où on peut utiliser le laser. Donc, le glaucome est une maladie insidieuse, grave, parce qu’elle entraîne la cécité. Ces conditions font que la stratégie fondamentale doit être le dépistage précoce.

En quoi faisant ?

A ce niveau aussi se posent d’autres problèmes. On sait que le glaucome est une maladie familiale. Quand vous avez un parent glaucomateux ascendant ou descendant, ça serait bien pour les autres de consulter un ophtalmologiste. On ne peut pas dire que c’est génétique, parce qu’on n’a pas encore identifié les gênes. Dans sa forme grave, il se déclenche en général à partir de 40 ans et la prise en charge se fait à vie. Donc, le dépistage précoce est fondamental. Et tout le monde sait qu’à partir de 40 ans, naturellement, on doit porter des lunettes pour lire. Maintenant, au lieu d’aller à l’hôpital, vous passez par la rue et achetez des lunettes, vous ratez une belle occasion de vous faire dépister. Ce n’est pas le fait d’acheter les lunettes de la rue qui est dangereux, mais le fait d’ignorer la prévention. Alors qu’en ce moment, si la personne avait un glaucome qui débutait, on aurait pu l’éviter. Il n’y a pas possibilité de stopper l’évolution de la maladie, on peut juste la stabiliser. Dans le cadre du glaucome, trois questions sont posées : quel est l’élément de l’œil qui est touché ? Quelle est la fonction ? Comment ça progresse ? Cette dernière est la grande équation. En général, on sait que si on fait un bon traitement, on peut stabiliser ou ralentir la progression.

Est-ce que le traitement est coûteux ?

Trois catégories de traitements sont généralement associées. Il s’agit des médicaments (collyre, comprimés), le laser et la chirurgie. On commence par le traitement médical. Il y a des produits qui sont accessibles. Tout ce qui est bêtabloquants. Il faut compter deux flacons par mois à 3000 francs Cfa, les inhibiteurs sont autour de 3000 à 5000 francs Cfa, ce qui fait 10 000 francs le mois les deux flacons. Si on prend les prostanils, c’est 18 000 francs le flacon. S’il vous en faut au minimum deux par mois, cela peut causer d’énormes problèmes aux patients. Heureusement, maintenant la molécule est tombée dans la dénomination commune internationale (Dci) et beaucoup de laboratoires fabriquent ce type de produits, il y a des coûts moindres. Il y a des prostanils autour de 9 000 voire 10 000 francs Cfa. Mais quand on arrive à ce stade, c’est qu’on a déjà pris des bêtabloquants et autres. C’est en moyenne 15 000 francs deux fois par mois.

Quand on compare au revenu moyen du Sénégalais, c’est vraiment coûteux. Nous avons essayé de faire des efforts en les introduisant sur la liste des médicaments essentiels. Ce qui permettrait à la Pharmacie nationale d’approvisionnement (Pna) de les mettre sur le marché à moindre coût. Le processus a été lancé, on va voir ce que ça donne. Pour le traitement chirurgical, dans les pays comme le nôtre, ce n’est pas tellement cher. Si vous investissez 100 à 300 000 francs pour une chirurgie, cela pourrait aller. Le traitement physique, n’en parlons pas. C’est un peu plus cher, parce qu’il faut faire des séances, des techniques ainsi de suite. Le traitement est coûteux pour le patient. Aucun de ces traitements, chirurgicaux et physiques, n’exclut le traitement médical. Cela veut dire que même si on fait une opération, on va continuer à suivre le traitement.

A partir du moment où il y a cécité irréversible, est-ce utile de continuer le traitement ?

Avec le glaucome, le problème est que même quand on ne voit plus, il faut continuer à traiter. Parce que la tension est tellement élevée, l’œil ne fonctionne pas, les vaisseaux qui conduisent le sang qui sont à l’intérieur de l’œil peuvent se boucher. La première cause des thromboses veineuses rétiniennes, c’est les glaucomes. Quand les vaisseaux se bouchent, il y aura d’énormes problèmes qui vont aboutir à un glaucome néo-vasculaire. Et ce type de glaucome, c’est vraiment la catastrophe, parce qu’il entraîne des douleurs permanentes intenses.

L’utilisation des appareils est très fréquente chez les populations. Est-ce qu’ils constituent une cause de glaucome ?

L’utilisation des appareils ne cause pas le glaucome. On ne connaît pas les causes du glaucome. On identifie juste les facteurs de risques. Si vous avez certaines maladies vasculaires, cardiaques, le diabète, si vous avez plus de 40 ans, vous avez plus de risque de contracter la maladie. Mais les ordinateurs, les téléphones portables, c’est extrêmement important aujourd’hui du fait de leur utilisation massive et du fait de leur impact au niveau des yeux. Il y a des règles d’utilisation de ces appareils. Il faut que les gens les respectent pour ne pas avoir de problèmes. Il y a énormément de déficience que l’individu et le corps humain peuvent compenser. Ces déficiences peuvent être décompensées avec l’utilisation abusive. Le problème, ce n’est pas l’appareil, ce sont les gens qui ont des problèmes.

Que faut-il faire précisément ?

Quand on utilise un appareil, il y a des normes de distance, d’éclairage, d’éclairage d’ambiance. On ne peut être dans le noir et utiliser son portable. C’est déconseillé. Le portable doit être situé à une certaine distance à une certaine hauteur. Parce que le processus de vision est très complexe, surtout quand il s’agit de regarder de près, comme on fait quand on utilise les ordinateurs. Quand vous lisez, vos deux yeux convergents, c’est un pouvoir des muscles qui fait tout ce travail. Sur un œil, il y a six muscles et tout cela doit être ordonné. Cette convergence doit s’accompagner d’autres mécanismes beaucoup plus compliqués. Par exemple, l’accommodation ; si vous convergez, il faut qu’à un certain moment, le cristallin change sa pourvue pour que l’image se fasse très bien sur la régie. Quand vous êtes porteurs de certaines amétropies, si vous le faites, vous avez des maux de tête. C’est un processus très complexe qui peut décompenser l’appareil. Donc, l’utilisation abusive devrait s’accompagner d’un petit bilan de l’ophtalmo d’abord et celui de l’orthoptie, tous ceux qui gèrent les mouvements du bloc, parce qu’il fait énormément de mouvement.

V. DIATTA
Commentaires