Une ‘’concurrence-phobie’’ qui frise la xénophobie, voilà le spectacle auquel nous assistons depuis quelques jours au Sénégal.
Les commerçants, réunis autour de l’Unacois-Jappo, n’ont aucune envie de laisser les magasins Auchan continuer à les concurrencer sur le terrain commercial. Ils l’ont fait savoir de plusieurs manières et entendent maintenir la pression.
Ils avancent nombre d’arguments, comme la préférence nationale, la concurrence déloyale, etc.
Résultat, depuis quelques temps, les Sénégalais assistent à un combat mené par des hommes d’affaires qui espèrent les faire rallier à une cause où, selon eux, les enjeux ne sont pas seulement économiques, mais aussi sociaux, nationalistes, etc.
Le ton monte et il est grand temps que tout un chacun s’y intéresse pour voir, de près, ce qui se passe vraiment.
Auchan a eu, au Sénégal, les autorisations nécessaires à son installation, conformément au Code des investissements. A notre sens, il n’y a eu, pour le moment, aucune violation de ce Code. Côté légalité, il n’y a alors rien à dire.
Le Sénégal a toujours plaidé pour attirer les investissements étrangers en revoyant son arsenal juridique et en l’adaptant même aux nouvelles réalités des affaires avec notamment le Droit communautaire dans l’espace Ohada.
Les commerçants qui s’agitent ainsi savent qu’ils sont dans un domaine de haute compétition qui est l’achat pour la revente. On ne peut en effet interdire à un Sénégalais ou à un étranger établi sur notre sol, de se livrer à des activités commerciales au sens de l’Acte uniforme de Yaoundé, sous réserve du respect de certaines conditions comme la majorité, la non-existence d’interdictions judiciaires, les autorisations légales, l’inscription au registre de commerce et du crédit mobilier (Rccm), etc.
Comment, dans ces conditions, des commerçants qui connaissent leurs droits, mais aussi leurs obligations spécifiques liées à leur statut, peuvent-ils demander à l’Etat de violer ses propres lois en retirant des autorisations d’exercer à une entreprise parce qu’elle est simplement d’origine étrangère ?
La concurrence à laquelle ils font allusion est l’essence même de l’activité commerciale. Les consommateurs, très mal représentés par des consuméristes aux associations timorées, ont le droit de choisir le magasin qu’ils veulent pour se ravitailler. Si Auchan offre de meilleurs services, tant mieux pour ceux qui vivent aux alentours. C’est tout ce que souhaite le consommateur : produits de qualité et à un prix abordable.
Nos commerçants n’ont qu’à s’y mettre dès maintenant. En améliorant l’offre de marchandise, le cadre d’exercice et en abaissant les prix.
D’ailleurs, tous les Sénégalais ne vont pas dans les magasins Auchan. Les boutiques et autres, bien achalandés, ont aussi leurs clientèles. Parce qu’il y a aussi, à ce niveau, d’autres types de relations commerçants-clients qui vont au-delà du simple assez économique. De nombreux Sénégalais empruntent de l’argent au boutiquier du coin en cas de difficultés ou tout simplement pour arrondir les fins de mois.
Comme quoi, nos boutiques ne sont pas menacées de disparition. Mais, viendra un moment où il leur faudra s’adapter en offrant un meilleur service d’accueil, de stockage, etc.
Pis, la plupart de ces boutiques et magasins sont aujourd’hui entre les mains d’étrangers, notamment originaires de la Guinée qui, depuis 1989, ont pris la place de Mauritaniens moins nombreux.
La même mobilisation contre des commerçants chinois avait été observée sans que ces derniers n’aient été chassés. Ce qu’il faut savoir, c’est que la préférence nationale ne signifie pas protectionnisme. Finis les super bénéfices dans un environnement de quasi-monopole. Le monde évolue.
L’Etat ne saurait être le complice de ces pratiques d’un autre siècle. La concurrence déloyale est interdite, mais elle obéit à des conditions précises.
Et dans quel cas, il appartiendra aux tribunaux et non à l’Etat de trancher les litiges.