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Hausse du prix du fer : L’Etat invité à réduire les taxes
Publié le mardi 10 juillet 2018  |  Enquête Plus
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Le secteur du bâtiment et travaux publics (Btp) est pleinement affecté par la hausse des prix du fer et du ciment. Commerçants et ouvriers, marqués par cette conjoncture, plaident pour une réduction des taxes, notamment douanières.


Le fer se fait actuellement rare sur le marché sénégalais. La tension notée sur cette matière, depuis février 2018, est imputable à l'affaiblissement de l'offre du produit. Il suffit de se référer à la note de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) sur l’indice des prix des matériaux de construction publiée le jeudi 21 juin. Selon l’Ansd, les prix des matériaux de base de construction ont progressé de 3,5 % en mai 2018, en raison de l'augmentation des prix du fer de 6,1 % et du ciment de 5,1 %.

Gérant d’un dépôt de fer à Mermoz, Jean en sait quelque chose. ‘’C’est vraiment cher. Je peux dire que les prix n’ont jamais atteint un tel niveau au Sénégal’’, regrette-t-il. Selon cet interlocuteur dans le secteur depuis plus d’une décennie, la hausse des prix notée depuis le début de l’année, s’est faite de manière progressive. ‘’Il est allé à 10, 20, 30 %, ainsi de suite. Jusqu’à présent, le prix n’est pas stable. Ce n’est pas le problème des importateurs, parce qu’ils n’y peuvent rien. Ils ne fixent pas les prix. Ils ne font qu’acheter au coût du marché. Et pour vendre sur le marché local, ils sont obligés de payer les taxes douanières, les autres formalités, entre autres. Ces dépenses ont aussi un impact sur le coût final’’, soutient-il.

Ainsi, le fer importé, qui coûtait entre 425 mille et 430 mille francs Cfa la tonne, est aujourd’hui vendu à 570 mille ou 580 mille francs Cfa. Pour le local, il était vendu entre 360 mille et 375 mille francs Cfa. Actuellement, il coûte entre 525 mille et 530 mille francs Cfa. ‘’Les prix sont vraiment élevés et ça nous préoccupe. Les distributeurs de fer en souffrent. Les commandes ont beaucoup baissé, parce que les gens qui avaient déjà fait leur devis pour 6 mois avant la hausse, sont obligés de le réduire’’, ajoute notre interlocuteur.

Cité Keur Gorgui

Cette baisse des commandes se répercute également sur les ouvriers par un arrêt ou un ralentissement des travaux. A la cité Keur Gorgui, un quartier en pleine construction, des immeubles poussent de partout. A quelques pas du rond-point de la cité, un groupe d’ouvriers est assis sous un immeuble R+5. L’un d’eux surveille des jeunes qui font entrer des barres de fer dans un bâtiment de deux niveaux en construction. Interpellé sur l’augmentation du prix du fer, il hésite pendant un moment avant de répondre.

‘’Cette hausse des prix du fer et du ciment est trop compliquée pour nous. Nous sommes là, prêts à travailler. Mais sans ce matériel, nous ne pouvons rien faire. Le fer est très cher, actuellement. Il nous arrive souvent d’avoir des ruptures. Ce qui fait qu’on peut rester deux semaines sans travailler’’, se désole-t-il. Libasse Sarr, puisque c’est de lui qu’il s’agit, la cinquantaine, maçon de profession, pratique ce métier depuis tout petit, aux côtés de son père. Ce monsieur a même la nostalgie des temps anciens. ‘’Il fut un temps où le sac de ciment coûtait 250 F Cfa. Mais aujourd’hui, les coûts sont exorbitants. Ce sont les commerçants qui sont à l’origine de cette augmentation. L’Etat aussi doit jouer sa partition. Ce qu’ils font n’est pas normal’’, s’insurge-t-il.

Assis à côté de lui, son collègue renchérit : ‘’L’Etat doit aussi aider les acteurs de notre secteur. Si le matériel est accessible, aussi bien les clients que les ouvriers vont en bénéficier. Ceci va participer à l’émergence du pays. C’est le Bpt qui développe un pays.’’ Sous couvert de l’anonymat, cet homme rappelle que l’une des priorités d’un individu est de construire une maison. L’activité économique également en a besoin, ajoute-t-il. ‘’Tous les secteurs d’activité ont besoin d’un bâtiment. Donc, l’Etat doit aider les populations en réduisant les coûts au maximum, en agissant sur les taxes, par exemple. Si ce renchérissement émane aussi des commerçants, ces derniers doivent avoir pitié des clients. Ils doivent mettre en avant l’intérêt public plutôt que le leur’’, ajoute-t-il, l’air fatigué.

Si les temps sont durs, comme on le dit souvent, certains estiment que les autorités en ont une grande part de responsabilité. ‘’On est tout le temps sur le terrain, on achète généralement du matériel pour nos chantiers. Mais, parfois, on se rend compte que s’il y a une forte demande, certains commerçants stockent leurs marchandises pour créer une tension afin d’augmenter les prix, alors qu’il n’y a jamais eu de rupture. Entre 2017 et 2018, on a presque ajouté 100 000 F Cfa sur la tonne du fer importé. Ce qui est inadmissible’’, peste-t-il.

Si les ouvriers accusent les commerçants, ce gérant de dépôt de quincaillerie sis à Sacré-Cœur 3 explique que ceci est indépendant de leur volonté. ‘’Il faut reconnaître aussi que ce renchérissement des coûts est lié à des facteurs extérieurs. Au niveau mondial, l’acier a connu une hausse. Entre l’année dernière et maintenant, on a enregistré une augmentation des prix de l’ordre de 60 à 70 %. Donc, c’est tout à fait normal que cela se répercute sur le prix du fer’’, se défend Modou derrière son comptoir, lui qui s’active dans ce business depuis plus d’une décennie.

Ce dernier rappelle que, d’habitude, le coût du fer baisse durant la saison des pluies. Mais actuellement, vu que ce sont des facteurs qui ne dépendent pas du gouvernement sénégalais, cet homme pense qu’il sera difficile pour une quelconque autorité de dire s’il y aura baisse ou pas. ‘’L’Etat ne peut pas maîtriser les cours mondiaux de l’acier. Tout ce qu’il peut faire, c’est jouer sur les valeurs de la douane. Qu’il baisse les taxes pour que la population puisse acheter le fer ! Tant qu’il ne le fait pas, les prix ne vont pas chuter. Il y a beaucoup de ruptures. L’Etat doit prendre des mesures pour alléger les choses’’, lance-t-il.

En réalité, cette augmentation du prix n’est pas uniquement ressentie par les bâtiments et travaux publics (Btp). Certains corps de métier aussi en payent le prix. Trouvé dans une quincaillerie au rond-point Jvc, Abdoulaye Thiam, menuisier métallique, confie sa surprise. ‘’Il n’y a pas longtemps, j’achetais le tube rectangle 50/30 à 5 000 F Cfa, mais maintenant, il est vendu à 6 500 F. C’est une hausse subite en plus. Le fer cornière, qui coûtait 5 500 F, a connu un renchérissement de 1 000 F.

Ils ont tout augmenté, même les tôles, les ferrons, etc. La tôle de 8, je l’achetais à 7 500 ou 8 000 F Cfa. Or, hier, on me l’a vendue à 10 000 F Cfa. Ce n’est pas normal’’, s’offusque cet interlocuteur. Ce qui l’étonne, c’est qu’il a l’impression que cette hausse, c’est ‘’uniquement à Dakar’’. ‘’A la veille de la fête de Korité, j’ai acheté à Kaolack un tube rectangle à 6 000 F Cfa, vendu ici à 6 500 F. Or, ça devait être le contraire, vu que la marchandise quitte Dakar pour être acheminée dans les régions. Malheureusement, nous ne pouvons pas ne pas acheter. Même s’ils vendent ce tube à 10 000 F Cfa, on va le prendre, parce que la survie de notre métier en dépend’’, se résigne-t-il.

Vu que l’Etat n'a pas de maîtrise sur les circonstances, les Sénégalais vont devoir faire avec, jusqu’à ce que les cours mondiaux de l’acier reviennent à la normale. Sauf si le gouvernement décide d’agir sur les leviers à sa portée : les taxes, par exemple !


MARIAMA DIEME
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