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L’Asp qui avait violenté des mendiantes relaxé: Tout ça pour ça !
Publié le lundi 25 juin 2018  |  Enquête Plus
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© Autre presse par DR
Le palais de justice de Dakar
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Hier, le tribunal départemental de Dakar a renvoyé des fins de la poursuite l’agent de sécurité de proximité (Asp) pour violences et voies de fait au préjudice de Rougui Thiam. Ce, au moment où les victimes qui sont sur la vidéo incriminée n’ont pas obtenu gain de cause, pour vice de procédures.

La vidéo est choquante. Sur les images, on voit l’agent de sécurité de proximité (Asp), Nguer Mamadou Mbow, brutalisant les mendiantes Awa Gaye et Adama Ndour en chaises roulantes. Les dames sont projetées à terre. Leur bourreau les frappe à l’aide de son ceinturon. Il se met à leur donner des coups de pied, comme possédé. L’arrestation de l’Asp, réclamée à cor et à cri, avait été un soulagement au sein de l’opinion publique nationale. Mais il faut croire qu’il ne fallait pas se réjouir trop vite, vu le coup de théâtre auquel on a assisté, hier, au tribunal départemental de Dakar. Puisque l’affaire jugée est loin d’être celle de la vidéo incriminée.

A qui la faute ?

A la place des vraies victimes Awa Gaye et Adama Ndour, c’est la dame Rougui Thiam qui a été présentée comme partie civile. Cette dernière a été arrêtée, ce fameux jour, par les éléments du Commissariat central de Dakar pour refus d’obtempérer. Elle se trouvait dans le panier à salades, lorsque ses deux consœurs étaient violentées par l’Asp. Toutefois, à l’enquête, elle a soutenu avoir été brutalisée par des policiers. Mais que l’Asp Nguer Mamadou Mbow est étranger aux faits. ‘’Il ne m’a pas battue’’, a déclaré Rougui Thiam devant les enquêteurs, avant de réitérer ses propos face au juge.

Donc, pourquoi l’Asp a été arrêté pour violences et voies de fait et placé sous mandat de dépôt ? Sur quelle base ? Pourquoi les véritables victimes, Awa Gaye et Adama Ndour, qui ont en leur possession des certificats médicaux, ne sont pas dans la procédure, elles qui ont subi des coups et blessures volontaires ? Ce n’est qu’à l’ouverture du procès que ces failles du dossier ont été relevées. Les débats d’audience ont poussé à croire que l’enquête n’a pas été bien menée. Qu’il y aurait des non-dits dans le dossier.

Tout a commencé lorsque l’avocat d’Awa Gaye et Adama Ndour a voulu faire noter sa constitution de partie civile dans cette affaire pour coups et blessures volontaires sur des personnes vulnérables, et violences et voies de fait. ‘’Une personne a été arrêtée et on a souffert d’un préjudice dont il est auteur. On est venu nous prévaloir du droit que la loi nous donne’’, a déclaré Me Serigne Diongue. Mais le parquet s’est levé pour requérir l’irrecevabilité de ces constitutions. ‘’C’est Rougui Thiam qui a attrait le prévenu à la barre. Donc, les deux autres dames n’ont pas le droit de demander des dommages et intérêts. Si c’était les enfants de Rougui, on pourrait comprendre, car ils peuvent dire que ces faits leur ont causé un préjudice. Si on sait qu’ils vivent des recettes de la mendicité de leur maman et que, depuis ce jour, ils peinent à se nourrir’’, a-t-il soutenu.

Avant de faire un aveu qui laisse perplexe : ‘’C’est aujourd’hui que j’ai su que la dame qui est sur la vidéo n’est pas Rougui Thiam.’’ Malgré cela, le substitut du procureur a indiqué qu’on ne peut pas greffer les délits de coups et blessures volontaires dans les infractions déjà retenues contre Nguer Mamadou Mbow, puisque cette juridiction n’est pas compétente pour en prendre connaissance.

Du coup, les avocats de la défense ont demandé que ces documents soient écartés du dossier. Ce que le président du tribunal a fait. Même s’il a fait noter les constitutions de partie civile d’Awa Gaye et Adama Ndour, il a démarré le procès en ces termes : ‘’Nous allons seulement juger les violences et voies de fait.’’ Les coups et blessures volontaires sont ainsi rangés aux oubliettes. Une ‘’lourde’’charge de moins pour l’Asp.

Les victimes Awa Gaye et Adama Ndour : ‘’L’Asp nous a insultées et battues’’

Bien assise sur sa chaise roulante, Rougui Thiam a livré sa part de ‘’vérité’’. ‘’C’est au moment où on me jetait dans la fourgonnette de la police, à hauteur de l’immeuble Kébé, que je me suis blessée au cou. Mamadou Mbow ne fait pas partie des gens qui m’ont violentée. Je ne voulais pas monter dans le véhicule, car je croyais que je n’allais plus revoir mes enfants. Je mendie pour subvenir aux besoins de ma famille. Je ne suis pas la dame qui est sur la vidéo’’, a-t-elle éclairé. Là, Awa Gaye lance : ‘’C’est moi qu’on voit sur la vidéo en train d’être tabassée. L’Asp m’a insultée avant de me frapper.’’ Adama Ndour de confirmer : ‘’Il nous a insultées et battues. Nous, on n’avait pas de bâton. Il m’a frappée avec son ceinturon en me blessant à l’oreille gauche. En partant, il faisait des grimaces pour se moquer de nous.’’

L’air nerveux, le prévenu a battu en brèche les allégations de ses accusatrices. ‘’C’est faux !’’, tonne l’Asp. Le célibataire né en 1993 a d’emblée avancé que c’est Rougui Thiam qui a été à l’origine de cette affaire, en défiant l’autorité. ‘’Sur ces entrefaites, les autres mendiants, au nombre de 15, sont venus m’agresser. Certains voulaient m’étrangler pour ensuite s’agripper à mes parties intimes, tandis que d’autres ont enlevé mon ceinturon. C’est un collègue qui m’a sauvé, en usant de sa matraque. Mais j’ai été gravement blessé au pied’’, a-t-il narré.

Appelé à la barre, le chef du peloton de cette opération de désencombrement a déchargé son ‘’élément’’. ‘’Les handicapés avaient refusé de quitter les lieux. Rougui Thiam s’est rebellée et je l’ai embarquée dans la voiture. Aussitôt, j’ai entendu des cris et j’ai vu Mamadou avec son ceinturon. Il m’a dit qu’il a été frappé avec un bâton par les dames. On lui a même jeté du lait chaud, mais on ne l’a pas mentionné dans le procès-verbal pour éviter d’aggraver la situation’’, a-t-il renseigné.

La défense : ‘’Ces femmes devraient se retrouver en prison pour désobéissance’’

Plaidant, Me Serigne Diongue a réclamé le franc symbolique. Selon lui, ses clientes ne sont pas là pour battre monnaie, mais pour des questions de principe. Avant de s’offusquer : ‘’Nguer Mamadou Mbow n’a reçu aucun ordre pour ses agissements. De plus, pour une affaire qui implique des Asp qui sont à la police, pourquoi on a confié l’enquête à des policiers ? Donc, la transparence reste à voir dans ce dossier. Alors que c’est le procès d’un Asp qui a mal agi. Il rompt avec le comportement normal d’un homme de tenue. C’est un excès de zèle.’’ L’avocat de soutenir que les faits sont suffisamment établis à l’encontre du prévenu et que tout le monde a été scandalisé par ses actes. Son confrère de la partie civile et non moins représentant de Me Assane Dioma Ndiaye a souligné que le prévenu a servi des réponses sèches. ‘’C’est quelqu’un de dur. Ça se sent à la barre. Cependant, je le mets sur le compte de la jeunesse. Adama et Awa ont été violentées. Être une personne vulnérable peut arriver à tout le monde. Il faut être compréhensif avec cette dernière’’.

Pour son réquisitoire, le parquet a rappelé ‘’l’irrecevabilité’’de la constitution de partie civile d’Awa et d’Adama. ‘’Elles devaient être prises en compte dans la prévention. La faute à qui ? Je ne sais pas. Donc, ce que ces dernières ont dit ne m’intéressent pas. Rougui Thiam a dit qu’elle a subi une violence’’, dit-il. D’après lui, les faits sont constants, nonobstant les dénégations du prévenu. ‘’Mamadou Mbow n’a pas d’expérience, c’est pourquoi il a commis un acte abject. Mais on ne juge pas un Asp et une personne vulnérable, mais des citoyens’’, a soutenu le ministère public pour ainsi requérir un mois de prison contre le prévenu.

L’un des avocats de la défense, Me Aboubakry Barro, a déclaré que ce sont ces femmes qui devraient se retrouver en prison pour désobéissance. ‘’Il ne faut pas qu’on tire sur les cordes de la victimisation. On ne peut pas se fier à la fameuse vidéo qui n’a pas été communiquée au tribunal’’, lance-il. Pour sa part, Me Ousseynou Faye a fait remarquer que Rougui Thiam n’a pas été battue par l’Asp. ‘’Il n’y a jamais eu de partie civile dans ce dossier. Là où notre client était en mission commandée par un agent de la sécurité publique du commissariat central’’, argue la robe noire.

Rendant sa décision, le juge a relaxé Nguer Mamadou Mbow pour violences et voies de fait. Toutefois, il a soutenu que, dans la forme, la constitution de partie civile d’Awa Gaye et d’Adama Ndour est recevable. Mais, dans le fond, elle n’a aucune base légale.

Pour finir, le président du tribunal a prodigué des conseils aux mendiantes afin qu’elles n’enfreignent plus la loi. Aussi, leur a-t-il signalé : ‘’Nul n’est censé ignorer la loi. La mendicité est interdite au Sénégal. Vous, les personnes vulnérables, vous êtes bien plus protégées par la loi que quiconque. Cependant, chaque personne doit du respect aux forces de l’ordre.’’

La montagne a accouché d’une souris.
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