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Osiwa - Armp: Du contrôle à la procédure d’urgence: Quand l’entente directe s’érige en règle !
Publié le lundi 18 juin 2018  |  Sud Quotidien
L`ARPM
© aDakar.com par DF
L`ARPM tient un atelier de partage avec les autorités contractantes
Dakar, le 27 Novembre 2015 - L’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) a organisé un atelier de partage avec les autorités contractantes. Cette rencontre s`est tenue à l’issue de la revue a posteriori de marchés publics des gestions 2013 et 2014,
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L’attribution des marchés de gré à gré ou par entente directe est une démarche qui est souvent source de corruption. Même si les bailleurs de fonds et le secteur privé ont toujours mis en garde l’Etat du Sénégal sur sa propension à passer à l’entente directe, ces procédures de passation de marchés dans lesquels l’administration discute et traite le marché directement avec un fournisseur ou un entrepreneur, ont pris des proportions inquiétantes au Sénégal. Et pourtant, l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) a été créée en juin 2006 pour assurer la régulation du système de passation des marchés et des conventions de délégation de service public. Dans ce dossier réalisé en collaboration avec Osiwa, Sud Quotidien revient sur la mission de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp), sur certains marchés de gré à gré qui ont eu cours au Sénégal, de 2000 à nos jours, en somme sous les présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall, et sur l’impact que cela pourrait avoir sur notre économie .

Des grands marchés d’infrastructures routières aux petits marchés de fourniture pour les collectivités locales, en passant par la construction de bâtiments administratifs, les pratiques corruptives sont devenues la norme. Les marchés par entente directe ou gré à gré, dans lesquels l’administration discute et traite le marché directement avec un fournisseur ou un entrepreneur, ont pris des proportions inquiétantes au Sénégal. Toutefois, les textes prévoient que les marchés passés, selon la procédure de gré à gré, devront être préalablement autorisés par la Commission nationale des contrats de l’administration au vu d’un rapport particulier établi par le ministre ou l’autorité. Et pourtant, l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) a été créée en juin 2006. Elle a pour mission d’assurer la régulation du système de passation des marchés et des conventions de délégation de service public. Cette mission de régulation a pour objet d’émettre des avis, propositions ou recommandations dans le cadre de la définition des politiques et de l’assistance à l’élaboration de la réglementation en matière de marchés publics, d’exécuter des enquêtes, de mettre en œuvre des procédures d’audits indépendants, de sanctionner les irrégularités constatées. Ces marchés par entente directe ont toujours existé au Sénégal même si le pays dispose d’un code de passation des marchés publics. Sous le régime du Président Abdoulaye Wade, la décision du chef de l’Etat de sortir les marchés de carburant de la Senelec du champ de contrôle de l’Autorité de régulation des marchés publics avait suscité la colère du régulateur. En effet, l’Armp avait dénoncé en son temps la violation d’un consensus et un vice de procédure.

De la dérogation à la norme

Sous le magistère de Macky Sall, la prolifération des marchés de gré à gré a atteint un niveau inégalé. Le rapport de l’Armp au titre de l’année 2014 donnait déjà le ton sur les nombreuses dérives du régime, notamment les libertés prises par les autorités contractantes avec le code des marchés publics, les pratiques collusives et anti concurrentielles, l’usage abusif et systématique des demandes de renseignement de prix (DRP) pour contourner les règles de mise en concurrence, augmentation exponentielle des pratiques corruptrices, détournement des deniers publics à des fins d’enrichissement personnel, etc… la liste est loin d’être exhaustive. L’année 2016 marque une accélération et une amplification du phénomène. Prévu pour être une exception, un régime dérogatoire au principe de l’appel d’offres ouvert, le recours au marché de gré à gré est désormais devenu la norme. Rien que pour le 1er trimestre 2016, les marchés de gré à gré représentent plus de 60% du volume des marchés passés, faisant désormais de l’entente directe le mode privilégié de passation des marchés publics. Une situation extrêmement inquiétante pour les finances publiques et en total déphasage avec les principes fondamentaux qui régissent la commande publique : liberté d’accès, égalité de traitement des candidats et transparence des procédures.

L’Etat du Sénégal aurait cédé le marché de la construction de l’autoroute Thiès-Touba à une entreprise chinoise, selon Birahim Seck du Forum civil. Le hic dans cette histoire, c’est que ce marché d’un montant de 400 milliards a été cédé par entente directe. Pis encore, selon toujours Birahim Seck, ce marché aurait fait l’objet d’une surfacturation de 100 milliards de francs Cfa. En 2016, Birahime Seck, membre du Forum Civil, était aussi monté au créneau pour dénoncer l’octroi d’un marché de gré à gré de 50 milliards de f Cfa à la société Malaisienne Iris. Il s’agit de celui relatif à la confection des Cartes nationales d’identité (Cni) biométriques.

Rôle de la DCMP

La DCMP est chargée entre autres, d’assurer le contrôle a priori des procédures de passation et d’attribution des marchés publics ; d’émettre des avis sur les décisions d’attribution des marchés et d’accorder à la demande des autorités contractantes les autorisations et dérogations nécessaires, dans le cadre de la réglementation en vigueur. Son rôle est fondamental, puisqu’aucun marché ne peut être passé par entente directe sans qu’elle ait émis un avis.

DAOUDA DIOUF, MEMBRE DU FORUM CIVIL : «Beaucoup de conditions fixées par le code ne sont pas respectées»

« Dans la dernière modification du code des marchés publics, le terme de gré à gré a été remplacé par l’appellation entente directe qui est une modalité de passation de marchés au même titre que les autres ». Cette précision est de Daouda Diouf, membre du Forum Civil, interrogé par Sud Quotidien. Toutefois, il précise que l’entente directe est bien réglementée dans le code de passation des marchés publics. Selon Daouda Diouf, il ya beaucoup de conditions fixées par ce code qui ne sont pas respectées par les autorités contractantes.

« Dans la dernière modification du code des marchés publics, on a remplacé le terme de gré à gré par l’appellation entente directe. C’est une modalité de passation des marchés au même titre que les autres. Sauf que l’entende directe est bien réglementée dans le code. On voit qu’il y a beaucoup de marchés qui sont passés sous cette modalité. L’idée c’est de voir s’ils ont respecté les conditions requises pour pouvoir passer un marché par entente directe. Le fait d’avoir passé un marché par entente directe n’est pas illégale, mais il faut que les conditions posées par la loi soient réunies pour pouvoir passer ce marché selon cette modalité. C’est là où il y a le problème. Dans certains marchés le critère d’urgence est mis en avant, alors que l’urgence ne devrait pas provenir du laxisme de l’autorité contractante qui a passé le marché. A partir du moment où ça devient un laxisme de l’autorité, c’est elle l’autorité qui a fait de sorte que la passation de marché est arrivé à un délai très restreint pour dire qu’il ya urgence, ce qui est contraire au code. Selon le code, l’urgence ne devrait pas provenir de l’autorité contractante. La réglementation exige un certain nombre de conditions pour encadrer ce marché. L’idée, c’est de voir si ces conditions d’encadrement sont respectées par les autorités contractantes ou pas. Si c’est également des marchés qui sont souvent passés par d’autres autorités contractantes. Selon les critères de l’Uemoa, le taux de passation de marchés par entente directe ne devrait pas dépasser les 20%. Malheureusement, il y a beaucoup de conditions et de critères fixés par le code qui ne sont pas respectés par les autorités contractantes dans la procédure de passation de marché par entente directe ».

MEISSA BABOU, ECONOMISTE : «Beaucoup de pertes qui auraient pu être rationalisées»

« Sans appel d’offres, on ne connaîtra pas les grands fournisseurs, ni les différentes qualités offertes dans ce domaine, ni les prix pratiqués. Cette procédure fournit des informations pouvant permettre de faire le bon choix et de contenir les risques de corruption. En cela elle se différencie du gré à gré qui fait souvent l’objet de copinages politiques si ce ne sont tout simplement des étrangers qui viennent tordre le bras à l’Etat. Ce qui nous retombe sur la tête. Si on prend l’exemple de l’autoroute Thiès-Touba, à la place de 400 milliards de francs Cfa on aurait pu le faire à 200 milliards de francs Cfa. Economiquement parlant, c’est dire que les finances publiques du Sénégal ont perdu 200 milliards qui auraient dû être réinjectés dans un autre secteur de développement comme l’agriculture. Ce sont beaucoup de pertes qui auraient pu être rationalisées. L’attribution des marchés de gré à gré est d’ailleurs, pour ces nouveaux acteurs de la politique, une façon de s’enrichir. On a même facilité ce gré à gré. Dans le code des investissements, il est mentionné ce que l’on appelle offre spontanée. Ce qui veut dire que vous pouvez venir de n’importe où, faire une proposition et on vous attribue le marché en disant que c’est une offre spontanée. A quel prix ? Est-ce que ce que l’on propose est bon pour notre pays ? Je pense qu’il y a beaucoup de trous à combler. Parce qu’à la longue ces pertes cumulées nous enfoncent uniquement dans la pauvreté et le sous-développement. Des structures comme l’Ofnac, l’Armp ont leur place dans la bonne marche des choses surtout en matière d’investissement. En Afrique les dirigeants sont irresponsables. Ils ne se soucient pas vraiment du développement de leurs terroirs. Une entreprise doit faire un appel d’offres, avoir une idée de tous les fournisseurs sur le marché. Je crois que c’est la seule façon de garantir un investissement sécurisé sans corruption ».
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