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Enquête Plus N° 847 du 9/4/2014

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Spéculation sur le prix de l’oignon local: Les producteurs dictent leur loi
Publié le jeudi 10 avril 2014   |  Enquête Plus


Des
© Autre presse par DR
Des oignons rosés.


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Après avoir obtenu de l’État le gel des importations sur l'oignon, les producteurs locaux n'ont pas tardé à faire dans la spéculation sur le prix de vente de cette denrée alimentaire très prisée par les ménagères. Une randonnée dans quelques marchés de la capitale a permis de constater que le kilogramme de l'oignon local est vendu entre 450 et 500 francs. Une situation dénoncée par l'Unacois qui parle d'une mauvaise organisation de la filière, au moment où le directeur du Commerce intérieur réitère la volonté de l’État de protéger la production locale.


Une ambiance électrique règne dans les structures de vente. Les détaillants étalent les légumes sur l'asphalte. Nous sommes au marché Tilène. Dans ce lieu comme un peu partout à Dakar, les ruelles et trottoirs n’existent plus. Entre les allées, les marchands disputent la place aux acheteurs. Certains commerçants vendent leurs produits à la criée.

La rue est couverte de sachets, de papiers, d'écailles de poisson, de restes de légumes... Le bruit est infernal. En cette matinée (aux environs de 10 heures), le poisson sec encense tout le marché. Flotte dans l'air un odeur âcre. Des commerçants interpellent les passants. Choux-pommé, carottes, et autres légumes ... meublent les étals.

Amadou Diallo est un vendeur de denrées alimentaires dans ce marché niché au centre de Dakar. La taille moyenne, le teint clair, cet adolescent est occupé par ses clients. ''Je veux deux kilogrammes d'oignon, un demi-litre d'huile et un pot de tomate'', commande Sophie Dieng, une cliente.

Après avoir fait le total, la dame lui donne 2000 F CFA et Amadou lui rend de la monnaie. 150 F CFA. ''Tu es fou ou quoi ? Regarde ce que tu me rends comme monnaie. L'oignon, c'est à 400 F le kilogramme, n'est-ce pas ?'', lance Sophie. ''Cela montre que tu ne viens pas au marché. Le kilogramme d'oignon est à 500 F.

Les deux kilogrammes c'est à 1000 F plus les autres denrées que tu as prises'', rétorque Amadou, un peu surpris par la réaction de sa cliente.

Du coup, tous les clients qui assistaient à la scène crient leur indignation. ''Vous êtes des voleurs. Comment pouvez-vous vendre le kilogramme d'oignon local à 500 F comme si c'était importé ? Ce n'est pas sérieux'', fulmine une autre dame, écœurée elle aussi par cette spéculation sur le prix de l'oignon. A l'instar des autres clientes, elle condamne cette situation.

Mais pour le commerçant, le problème se trouve chez les producteurs. ''Ils nous vendent le kilogramme à 350 voire 375. Donc nous sommes obligés de le revendre à 450 ou 500 F pour gagner quelque chose'', justifie-t-il.
Non loin de lui, Adama Bâ guette tranquillement l'arrivée des clients. Foulard à la tête, ce trentenaire ne compte pas baisser son prix. Il vend le kilogramme à 450 francs.

''Nous ne pouvons pas vendre le kilogramme à un prix inférieur à 400 F. C'est vrai que c'est de l'oignon local, mais nous dépensons beaucoup dans l'achat et le transport. Le prix de revient est presque à 400 F. On est obligé donc de céder le kilogramme entre 450 et 500 F pour ne pas vendre à perte'', explique Adama Bâ.

Des clients se rabattent sur l'oignon en phase de décomposition
Au marché Castors, le décor est le même. Tidiane Sylla est un grossiste. Il écoule le sac d'oignon local à 11.000 F. ''Je ne m'occupe pas des détails. Le sac de 50 kg est vendu à 11.000 F. Je ne peux pas acheter le sac à 9500 francs et le revendre au même prix. Ce n'est même pas logique'', dit le commerçant Sylla.

A cause de la cherté du prix du kilogramme d'oignon, les clients sont obligés d'acheter les oignons en phase de décomposition qui sont triés avant d'être étalés par certains détaillants à même le sol. Au prix de 50 francs, le tas peut comprendre entre 5 à 6 oignons. Sauf que la qualité laisse naturellement à désirer. ''Je préfère acheter l'oignon détaillé. Avec 200 francs, j'ai 4 tas avec beaucoup d'oignons. Je ne peux pas acheter le kilogramme d'oignon local à 450 ou 500 F. C'est exagéré'', peste Ma Amy Ndiaye.

Embouchant la même trompette, Sylvie Ndiaye venue faire son marché quotidien estime que c'est à l’État de prendre ses responsabilités pour arrêter cette spéculation. Selon elle, on ne peut pas acheter le kilogramme d'oignon importé et le local au même prix. ''Ce n'est pas normal de vendre l'oignon local à 450 ou 500 francs. Il y a trop de laisser-aller dans ce pays'', regrette-t-elle.

Elle a déjà fini de faire ses achats chez les détaillants. ''Même si l’oignon étalé à même le sol n'est pas de bonne qualité. Une fois à la maison je saurais quoi faire avant la préparation. Il faut que les commerçant arrêtent d'arnaquer les clients''.
Mais à qui la faute ?

OUSMANE SY NDIAYE (UNACOIS)

''La spéculation s'explique par la mauvaise organisation de la filière''

Le Secrétaire général de l’Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal (Unacois) Ousmane Sy Ndiaye, n'est pas allé par quatre chemins pour déplorer la spéculation qui existe sur le prix de l'oignon local. Selon lui, cela est dû à la mauvaise organisation de la filière. Mais surtout de la décision prise par l'autorité d’interrompre les importations pour une période donnée.

L’enjeu était d'organiser une filière de manière à rattacher les distributeurs aux producteurs et d'organiser la mise en marché. Mais rien n'a été fait pour que les importateurs qui ont délibérément accepté de suspendre leurs activités d’importation, soient impliqués dans la distribution de l'oignon locale.

''Le segment de la distribution est organisé par des 'bana-bana' en suspendant définitivement les importations sans aucun stock de régulation, c'est à dire un stock constitué d'oignon importé, le ministre du Commerce a failli dans sa mission de réguler le prix de l'oignon local. L’absence d'un tel dispositif de régulation crée une situation de monopole de fait'', a expliqué Ousmane Sy Ndiaye.

A l'en croire, les seuls acteurs qui ont de l'oignon en ce moment sont les producteurs et les ''bana-bana'' et c'est de l'oignon local, il n'y a pas d'oignon importé. ''Donc il n'y a pas de possibilité de concurrence, ni de régulation. Alors les commerçants vendent l'oignon qu'à partir du prix d'acquisition en gros'', a-t-il dit.

Pour lui, il urge de mettre de l'ordre dans cette filière, en contrôlant le marché. ''Il faut une intervention d'urgence des services techniques du ministère du Commerce, pour rappeler à l'ordre ceux qui sont à l'origine de cette spéculation, mais aussi une approche structurelle pour arriver à asseoir une solution durable.

''Il faudra toujours constituer un stock de régulation, c'est à dire avoir au minimum un stock d'oignon importé qui ne menace pas la commercialisation de l'oignon local, mais qui peut aider à réguler le prix de l'oignon local chaque fois qu'il y a une tentative de spéculation'', a conseillé Ousmane Sy Ndiaye de l'Unacois

OUSMANE MBAYE DIRECTEUR DU COMMERCE INTERIEUR

''L'oignon est un produit dont le prix est libre''

Pour le directeur du Commerce intérieur Ousmane Mbaye, 300 francs est un prix habituel. Mais l'oignon est un produit dont le prix est libre. ''Ce n'est pas un produit qui fait l'objet de fixation d'un prix. Nous jouons sur l'offre pour faire de sorte que si l'offre est assez importante, les prix vont baisser. Il faut un équilibre pour avoir un prix assez rémunérateur pour le producteur mais aussi qui ne soit pas très exorbitant pour le consommateur'', dit M. Mbaye.

Selon le directeur du Commerce, le prix de l'oignon était beaucoup plus cher il y a de cela deux à trois semaines. Il est allé jusqu'à 600 francs le kilogramme. ''Le prix au niveau du pont bascule était entre 325 et 375 francs, aujourd'hui, c'est entre 250 et 300 francs. Mais il y a une répercussion qui est assez faible au niveau du marché parce que nous constatons que les prix varient entre 450 et 500 francs. Avec la production qui arrive à un rythme très important, nous pensons que d'ici deux à trois semaines, les prix vont se stabiliser et vont tourner autour de 300 francs'', a-t-il rassuré.

Toutefois, il a soutenu qu'il faut un équilibre parce que la marchandise risque de pourrir entre les mains des paysans, s'il y en a trop. ''La politique de l’État, c'est d'encourager la production locale d'oignon. C'est ce qui explique que à chaque fois que cette production arrive sur le marché, on gèle les importations'' a expliqué M. Mbaye.

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