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Malaise au sein du parti présidentielle à moins de 10 mois de la présidentielle de 2019: Macky Sall, à l’épreuve de l’Apr
Publié le mardi 8 mai 2018  |  Sud Quotidien
Université
© Autre presse par DR
Université républicaine de la COJER
Saly, le 5 décembre 2016 - Le chef de l`État Macky Sall a présidé l`Université républicaine de la Convergence des jeunesses républicaines de l`Alliance pour la République (Apr).
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A moins de 10 mois de la présidentielle de 2019, le parti au pouvoir, l’Alliance pour la République (Apr), semble traverser une zone de turbulence, avec les grincements de dents de certains responsables de ladite formation, suivies de réponses parfois «musclées» de leurs camarades de parti. Une situation complexe qui installe le parti du président Macky Sall dans un malaise indescriptible, dans un contexte très particulier. Sud quotidien donne la parole aux analystes politiques, à savoir Maurice Soudieck Dione, Docteur en Science politique et Momar Thiam, Docteur en communication et marketing politique. Dans cette interview croisée, les deux analystes décortiquent la situation qui prévaut au sein de l’Apr, non sans se projeter sur les conséquences en perspective de la présidentielle de 2019.

GRINCEMENTS RECURRENTS DE DENTS AU SEIN DE L’APR

MOMAR THIAM : «On peut constater qu’il y a un malaise très profond»

«On est dans une bataille de positionnement au sein de l’appareil de l’Apr. Même s’il est vrai que le président de la République qui est le président de l’Apr donne l’impression de maitriser le bateau, c’est un bateau qui tangue un tout petit peu. Parce que ceux qui sont sortis dans la presse ou ont eu des sorties jugées malencontreuses par leurs camarades ne sont pas des moindres. Je veux parler, par exemple de Moustapha Cissé Lo qui est quand même un membre éminent et qui fait partie de ceux qui l’ont mis en place le parti. S’il observe une sortie virulente vis-à-vis de ses camarades et en premier le président de la République, on peut constater qu’il y a un malaise très profond. Si on s’en tient aux propos d’Alioune Badara Cissé, ce n’est pas une nouveauté parce que tout le monde connait sa liberté de ton, qu’il puise aussi dans sa carrière d’avocat. Alioune Badara Cissé, au même titre que Moustapha Cissé Lo, font partie de ce que j’appelle les «quatre mousquetaires» de l’Apr, avec Macky Sall et Mbaye Ndiaye. Ils ont été à l’origine de l’Apr. Mais, on reproche à Abc sa liberté de ton qui, semble-t-il, ne correspond pas à sa position de Médiateur de la République, qui devrait observer un droit de réserve. Macky Sall sait pertinemment que Alioune Badara Cissé a une liberté de ton qui est une seconde nature chez lui et qu’en tant que médiateur même de la République, qui intervient pour trouver des compromis entre l’Etat et certains secteurs sociaux, il use aussi de sa sincérité, mais aussi de sa liberté de ton, pour s’exprimer sur la conduite du pays. Forcément, il a des positions qu’il exprime et qui peuvent quelques fois froisser le président de la République.
Après Alioune Badara Cissé, vous avez Youssou Touré. On va dire pour lui aussi, qu’on est habitué à ce type de sortie. Son argument, c’est de dire qu’on lui a récupéré ses véhicules, qu’il n’a pas de bureau et qu’il n’est pas outillé en fait pour faire de la politique. Et, il a l’impression, comme il le dit, que le président de la République n’écoute que les transhumants et que le dernier en date est Souleymane Ndéné Ndiaye à qui on a donné le poste de Pca d’Air Sénégal international».

MAURICE SOUDIECK DIONE : «Cela ne donne pas une bonne image du régime»
«Du point de vue symbolique, cela ne donne pas une bonne image du régime. Car tant que c’est l’opposition qui critique, on peut comprendre qu’elle est dans son rôle, mais lorsque des responsables d’envergure du parti présidentiel le font, cela donne encore plus de crédit aux critiques. Mais il faut dire le plus souvent que ces sorties cachent des ressentiments qui s’expriment ainsi relativement à la gestion des contradictions au sein de l’Apr».

IMPACT DU RECYCLAGE POLITIQUE SUR LE MALAISE INTERNE A L’APR

MOMAR THIAM : «C’est d’abord une bataille de positionnement au sein de l’appareil de l’Apr»

«Je pense que ce ne serait pas un malaise qui est d’abord dû, comme Moustapha Cissé Lo le dit dans ses propos, au fait que «le président semble écouter les transhumants mais n’écoute pas les compagnons de la première heure». A mon avis, c’est un malaise par rapport à la manière d’administrer le parti et, au-delà, de conduire les choses de la République. Parce que, tout le monde sait que Moustapha Cissé Lo, comme le dit tout le monde, «n’a pas sa langue dans sa poche», pour ne pas dire, «ne fait dans la langue de bois». C’est un tonitruant homme politique qui, à la limite, au-delà du fait qu’il soit un bon client des médias, a du mal à cacher ses émotions. Il les livre au grand public.
Donc, je dis que ce n’est pas uniquement le fait qu’il y ait cette transhumance tout azimuts, à mon sens, qui fait qu’il y ait cette liberté de ton. C’est d’abord des personnes qui ont une liberté de ton, qu’il s’agisse d’Alioune Badara Cissé et Moustapha Cissé Lo, tout le monde le sait, et dans une moindre mesure, de Youssou Touré. Il y a eu des précédents. Donc, cela n’étonne personne. Mais, je dis que c’est d’abord une bataille de positionnement au sein de l’appareil de l’Apr. Cet appareil n’est pas assez structuré pour juguler ce type de position là».

MAURICE SOUDIECK DIONE : «En cherchant à augmenter ses soutiens, cela a eu pour conséquence de créer des frustrations chez…»

«Le recyclage politique ne lui (Macky-ndlr) est pas électoralement bénéfique, même si cela peut servir à renforcer une illusion de puissance, ou un sentiment d’apaisement d’un pouvoir qui cherche à se rassurer à quelques mois de la présidentielle de 2019. En effet, les personnalités de l’opposition ou du régime libéral déchu qui rejoignent le nouveau pouvoir sont discréditées aux yeux des Sénégalais, et donc n’ont pas la capacité d’engranger au profit du Président Sall des suffrages conséquents.

Le malaise au sein de l’Apr et des premiers souteneurs du Président Sall, à travers la coalition Macky 2012, est compréhensible, car en rétribuant ses alliés de Benno Bokk Yaakaar et en cherchant à augmenter ses soutiens, cela a eu pour conséquence de créer des frustrations chez ceux-là qui ont cru au Président Sall au tout début. De plus, cette logique de rétribution éloigne naturellement le Président de ses slogans, car l’on est dans une perspective de partage du pouvoir et des ressources organisé autour d’un chef obnubilé par l’ambition du second mandat. En étant l’otage des appareils partisans et des réseaux clientélistes qu’il faut alimenter, la gestion ne peut être par conséquent ni sobre ni vertueuse, et la patrie ne peut pas être mise en avant et au-dessus du parti et des partis. C’est une évidence».

CONSEQUENCES DU MALAISE SUR L’APR ET SUR LE PRESIDENT MACKY SALL

MAURICE SOUDIECK DIONE : «Cela peut provoquer une cacophonie au sein de l’Apr mais… »

«Les conséquences, me semble-t-il, peuvent être analysées à plusieurs niveaux. Cela peut provoquer une cacophonie au sein de l’Apr en incitant d’autres responsables à s’attaquer à leur propre camp. Au demeurant, par rapport à ses intérêts personnels, le Président Sall a su bien gérer jusque-là l’Apr, et a pu maîtriser pour l’essentiel Benno Bokk Yaakaar. Car les multiples dissensions qui existent sont surtout liées à des querelles de positionnement entre responsables de l’Apr ou à des frustrations réelles ou supposées subies par certains. Mais on remarquera qu’il n’y a aucune contestation au sein de Benno Bokk Yaakaar ou de l’Apr allant dans le sens de remettre en cause le leadership du Président Sall. Pour le moment, il est donc le seul et unique candidat de la mouvance présidentielle pour 2019. Les voies qui s’élèvent dans son parti ne semblent pas constituer une menace pour plusieurs raisons. Concernant Moustapha Cissé Lô, il a annoncé qu’il soutient le Président Sall pour 2019, à travers un mouvement politique, même s’il a démissionné de ses postes de responsabilité dans l’Apr. Donc, il ne semble pas qu’il y ait un problème de fond entre les deux hommes, même si…on peut avancer l’hypothèse d’une frustration personnelle par rapport à un éventuel redéploiement refusé de Cissé Lô à Touba, parce qu’il y a connu beaucoup de difficultés.

Quant au médiateur de la République, il a certes été écarté et éloigné du pouvoir par le Président Sall qui a voulu éviter tout risque de dualité au sein de l’Apr, et il a su le faire avec succès, car aucun leader susceptible de le concurrencer n’a pu émerger aussi bien au sein de l’Apr qu’au sein de Benno Bokk Yaakaar. Mais le médiateur de la République est une autorité indépendante et les garanties d’indépendance qui lui sont octroyées visent à le hisser au-dessus de la mêlée, pour jouer une fonction de régulation dans la discrétion et l’efficacité…On peut cependant comprendre la situation d’Alioune Badara Cissé, en tant que responsable de la première heure qui a soutenu le Président Sall au moment le plus dur du combat qui l’a opposé au régime du Président Wade, et qui a ensuite été destitué du gouvernement et évincé de sa base politique à Saint-Louis au profit du beau-frère du Président Sall, Mansour Faye...

MOMAR THIAM :«les attaques constituent un nuage de fumée devant les réalisations du Président»

«Le chef de l’Etat, en tant que candidat, avait dit qu’il ne serait pas le président de parti. Malheureusement, il l’est encore. Quand on l’attaque, on le fait comme président du parti. Mais, dans l’opinion, on l’attaque aussi comme président de la République, puisqu’il cumule les deux fonctions, pour ne pas dire les deux stations, pour utiliser la terminologie d’Idrissa Seck. Cette confusion-là lui est préjudiciable. Parce que, au fond, Moustapha Cissé Lo l’attaque comme le président de l’Apr. Mais, quand on l’écoute, on est en train de faire la confusion entre le président de l’Apr et de la République. Les griefs qu’il met sur la table, ce sont les mêmes griefs qui vont impacter sur la gestion du président Macky Sall en tant que président de la République. En l’attaquant en tant que président de l’Apr, ils font d’une pierre deux coups. Ce qui est dangereux dans ces types d’attaques, c’est qu’ils constituent un nuage de fumée devant les réalisations du président de la République. Parce que, vous avez d’un côté les « flibustiers » que sont Mame Mbaye Niang, Seydou Guèye, le Premier ministre et autres qui parlent des réalisations et d’un autre côté, vous avez les compagnons de la première heure qui parlent de transhumants, de portes toutes ouvertes aux transhumants, des oreilles attentives à l’égard de ces derniers alors qu’eux, ils sont relégués au second plan. Face à ces deux débats qui sont contradictoires, l’opinion ne sait pas où donner de la tête. Parce qu’on ne peut pas dire qu’il n’a pas de bilan. Il a un bilan à défendre. Le seul souci de son bilan, c’est qu’il est défendu de manière éparse, désordonnée. Il n’y a pas un fil conducteur qui est commun à l’ensemble des personnes à qui est confiée cette communication.

MAURICE SOUDIECK DIONE SUR MACKY SALL :«La grande équation reste de savoir ce que pèse Bby actuellement»

Le vrai problème du Président Sall n’est pas de gérer l’Apr et Benno Bokk Yaakaar, il a encore une fois bien réussi dans ce domaine, en tout cas à travers l’objectif de se poser comme la seule constante dans cette coalition et dans son parti. Mais la grande équation reste de savoir ce que pèse Benno Bokk Yaakaar actuellement ! Car la stratégie que le Président Sall a initiée pour rester le seul maître à bord a créé également des frustrations dans son parti et des scissions dans les partis alliés comme le Ps, l’Afp, la Ld/Mpt. Donc, la mouvance présidentielle s’est beaucoup affaiblie. A preuve, malgré les multiples et inacceptables dysfonctionnements constatés, lors des Législatives du 30 juillet 2017, Benno Bokk Yaakaar n’a obtenu que 49,48% des voix avec 125 sièges sur 165, en raison du scrutin majoritaire au niveau départemental ! Or pour l’élection présidentielle, le régime ne peut pas compter sur le mode de scrutin qui a largement biaisé en sa faveur les résultats, lors des dernières législatives, car chaque candidat présidentiable sera strictement évalué par rapport aux suffrages effectivement obtenus, si et seulement si les élections sont organisées de manière libre, démocratique et transparente»
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