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Revendications portées par les syndicats: La faillite des centrales !
Publié le mardi 1 mai 2018  |  Enquête Plus
Célébration
© aDakar.com par DF
Célébration de la fête du 1er mai par les centrales syndicales
Dakar, le 1er mai 207 - Les centrales syndicales du Sénégal ont commémoré la fête du travail du 1er mai. Plusiuers rassemblements ont été organisés à Dakar et dans les régions du Sénégal. Les différentes délégations syndicales ont été ensuite reçues par le chef de l`État.
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Défiler le matin et déposer des cahiers de doléances l’après-midi. Voilà ce à quoi semble se résumer la nouvelle mission des centrales syndicales au Sénégal. Absentes du terrain depuis des années, les organisations faîtières se sont fait supplanter par les syndicats de base dans la défense des intérêts des travailleurs.

Demain 1er Mai, à la salle des banquets du Palais présidentiel, les secrétaires généraux des centrales syndicales vont rivaliser d’ardeur devant le président de la République. En un après-midi, Mody Guiro, Mademba Sock et compagnie seront les porte-étendards de la revendication sociale. Mais à partir du 2 mai, retour à la case départ, en attendant la prochaine Fête du Travail, pour répéter le même rituel.

En effet, depuis quelques années, particulièrement depuis l’arrivée du président Macky Sall au pouvoir, le sentiment le plus partagé chez les travailleurs est que les centrales syndicales ne sont plus que l’ombre d’elles-mêmes. ‘’Il faut être sur le terrain, au lieu de défiler le 1er Mai et se séparer. Un lutteur, on l’attend dans l’arène et non sur les gradins’’, assène Mbalo Dia Thiam, Coordonnateur d’And Guëssëm.

En fait, au lieu d’être le catalyseur du mouvement social, ces organisations faîtières sont plutôt parmi les derniers wagons de la contestation. Le contexte actuel, marqué par des grèves dans tous les secteurs (éducation, santé, justice, collectivité locale, hydraulique et tout récemment nettoiement) indique clairement que ce sont les syndicats de base qui sont devenus la nouvelle locomotive sociale. Les acquis du monde du travail sont essentiellement à mettre sur le compte des entités sectorielles. ‘’Les centrales sont toujours en marge de la lutte des travailleurs’’, renchérit Mamadou Lamine Dianté. Aujourd’hui encore, dans l’éducation comme dans la santé, les organisations sectorielles ne peuvent compter que sur elles-mêmes.

Si les enseignants ont finalement eu 100 000 F Cfa d’indemnité de logement au lieu des 85 000 proposés et malgré les menaces du gouvernement, ils le doivent à la détermination de la base et non à un quelconque appui de grosses pointures. ‘’Très sincèrement, nous n’avons reçu aucun soutient des centrales syndicales. Parfois même, on a un problème de compréhension de leur rôle. On se demande si les centrales sont là pour les travailleurs. Ça fait longtemps, pour ne pas dire une éternité, qu’on ne les entend plus sur les préoccupations des travailleurs’’, se désole Saourou Sène. Le secrétaire général du Saemss se demande d’ailleurs si les centrales partagent avec les syndicats les mêmes valeurs de défense de la masse laborieuse.

Cette absence des fédérations est durement ressentie par les petites entités, reconnait Mballo Dia Thiam. Cet interlocuteur trouve que les combats sont difficiles et durent longtemps, parce que les centrales ne s’impliquent pas. ‘’Ils ne doivent pas regarder sans encadrer et fédérer les luttes. Si les gens sont dans des centrales, ce n’est pas pour se regarder les uns les autres’’, rappelle M. Thiam. Un point de vue partagé par Mamadou Lamine Dianté qui pense que si le chef de l’Etat a trouvé une solution à la crise scolaire en 48 heures, c’est parce qu’il ne veut pas faire face aux leaders des centrales dans un contexte de tension. Ce qui l’amène à dire que les têtes de file ne comprennent pas les enjeux, ils ne connaissent pas leur poids et la conséquence de leur implication dans les rapports de forces. ‘’S’ils s’étaient impliqués dès le début, on aurait eu de meilleurs résultats dans les meilleurs délais’’, souligne-t-il.

Cependant, bien que reconnaissant la nécessité pour les centrales de se faire sentir davantage, Mamadou Diouf (voir Itv), ancien Sg du Sudes et de la Confédération des syndicats autonomes du Sénégal (Csa), souligne la tradition d’indépendance d’action des syndicats qui fait que les leaders des centrales sont souvent informés de certaines initiatives en même temps que le grand public. Et à partir de ce moment, pense-t-il, il est difficile de leur demander de s’impliquer une fois que la situation se complique.

Justement, tous les syndicats n’ont pas été seuls dans leur combat. Le Saes, par exemple, s’est fait accompagner par Mademba Sock. Le Sames également a reçu l’appui de Mody Guiro. ‘’Quand on était en mouvement, la Cnts nous a accompagné en lobbying et conseils. Ce n’est pas visible peut-être, mais il y a un travail qui se fait derrière’’, témoigne Boly Diop. Le Sg du Sames invite les syndicats à identifier les stratégies, en rapport avec les centrales, et à leur indiquer les points sur lesquels ils ont besoin de soutien, afin de bénéficier de leur influence.

Toutefois, au-delà de cette absence de communication, il y a lieu de s’interroger de l’attitude des centrales face à certaines préoccupations transversales. Par exemple, tout le problème actuel de la Fonction publique sénégalaise est lié aux dysfonctionnements notés dans le système de rémunération des agents de l’Etat. Des fonctionnaires de même diplôme et de même catégorie se retrouvent avec des indemnités incomparables. D’où la frustration d’une partie des employés du public. La correction de cette injustice, reconnue par le président de la République lui-même, figure dans presque toutes les plateformes revendicatives.

Le gouvernement a fait comprendre aux différents syndicats qu’il ne peut pas s’engager avant d’avoir fait l’état des lieux. Une étude dans ce sens a été faite depuis deux ans. Le document est sur la table du chef de l’Exécutif il y a bien longtemps, mais Macky Sall tarde toujours à réagir. Les responsables syndicaux pensent que leurs ‘’grands frères’’ devaient s’en saisir pour plus d’efficacité. ‘’Le système de rémunération ne peut être porté ni par un syndicat ni par une centrale sectorielle. Les 5 centrales les plus représentatives déclarent travailler ensemble. C’est à ce niveau que le combat doit être mené’’, déclare Mballo Dia Thiam.

Seulement, dans les centrales, on est encore à la phase des intensions. ‘’La Csa, dans la dernière résolution du Congrès, a pris comme revendication d’appeler le gouvernement à négocier sur un système de rémunération qui prend en compte l’ensemble des corps des fonctionnaires’’, déclarait Elimane Diouf, le secrétaire général de la Csa, dans une interview accordée à ‘’EnQuête’’ en avril 2017, à la veille des élections de représentativité des centrales.

Outre cette revendication, il y a d’autres points peu abordés par les syndicats, mais qui pouvaient être une question essentielle pour les centrales. On peut en citer le salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig) qui n’a pas bougé depuis les indépendances. On peut y ajouter le niveau des salaires jugé bas, pas en conformité du moins avec l’évolution des prix. La convention collective est obsolète. Il y a également le régime de retraite, dans le public comme dans le privé, sans compter la violation flagrante et continue des droits des travailleurs. ‘’Dans la grande majorité des entreprises du secteur privé, il n’y a pas de délégué, il n’y a pas d’organisation syndicale’’, reconnaissait Elimane Diouf dans la même interview. Une situation qui s’explique, selon lui, par le fait que beaucoup de patrons ne veulent pas entendre parler de syndicat. Ce qui veut dire qu’il y a là un immense chantier pour les fédérations.

Mais en lieu et place d’une prise en charge de toutes ces questions, les centrales ont préféré signer un accord de 3 ans (2014-2017) dénommé Pacte de stabilité sociale et d’émergence économique. Déjà, Mballo Dia Thiam estime que les leaders des organisations faîtières étaient allés trop vite en besogne. ‘’Leur pacte avait été signé avant qu’on ne solde le passif social. Normalement, on devait évaluer les engagements avant de signer’’, se désole-t-il. En plus, en contrepartie à cette signature, l’Etat s’était engagé à accompagner les centrales représentatives avec une subvention annuelle de 600 millions, même si tout ne s’est pas passé comme prévu.

Dans tous les cas, cette manne financière est parfois interprétée comme une anesthésie, tant les organisations sont ‘’aphones et apathiques’’. ‘’Avec les subventions, on a l’impression que, pour les centrales, tout est au mieux dans le meilleur des mondes possibles’’, ironise Saourou Sène. Le patron du Saemss se croit même plus légitime que beaucoup de secrétaires généraux de centrale qui bénéficient de l’argent public. ‘’En termes de suffrage, quand j’ai vu les résultats des élections des centrales, j’ai constaté que le Saemss compte plus de votes que certaines centrales. Et pourtant, elles sont plus nanties que nous’’, souligne-t-il. En réalité, les centrales sont confrontées au même problème que les syndicats d’enseignants : une poignée de militants contre une foultitude d’organisations. ‘’Une vingtaine de centrales syndicales revendiquent la gestion de 300 000 travailleurs. Quand on sait que beaucoup parmi eux ne sont pas syndiqués, il se pose valablement le problème de crédibilité’’, concède Elimane Diouf. Dianté se rappelle d’ailleurs qu’en mai 2017, lors des élections de représentativité des centrales, il a été difficile de convaincre les travailleurs à aller voter, puisque ces derniers pensent que les candidats sont là pour d’autres préoccupations. Il y a même eu recours, ajoute-t-il, à des méthodes des politiciens, pour déplacer les électeurs.

Mais il n’y a pas que la crédibilité. Il y a aussi un décalage par rapport au quotidien des travailleurs, selon Dianté. ‘’Il faut voir ceux qui dirigent ces organisations ; ils sont d’un certain âge’’, fait-il remarqué. A tout cela s’ajoute un problème d’efficacité dû à l’émiettement. Dans les années 2008-2009, les centrales ont tenté d’imposer le rapport de force à l’Etat afin de l’amener à répondre favorablement aux revendications. Mais c’était presque un fiasco, à la suite de division interne. Depuis lors, les centrales sont quasi inexistantes, en dehors du 1er Mai.

Pourtant, les centrales savent se faire entendre, quand leurs intérêts sont en jeu. L’année dernière, lorsqu’il fallait organiser pour la deuxième fois les élections de représentativité, après celles de 2011, les leaders se sont fait entendre sous tous les cieux, avec des visites et déclarations tous azimuts. Mody Guiro de la Cnts a presque fait le tour du Sénégal, se faisant même accuser par Mademba Sock d’avoir bénéficié d’un appui financier de l’Etat pour écraser ses adversaires.

Maintenant que tous les protagonistes ont atteint le seuil de la représentativité, comme ce fut le cas 5 ans plus tôt, la rivalité semble loin derrière. Et le silence est encore de mise, au grand dam de la masse laborieuse !
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