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Khalifa Sall écrit à la Cour : « Ma colère est grande »
Publié le samedi 24 fevrier 2018  |  Seneweb.com
Khalifa
© Autre presse par DR
Khalifa Sall indigné
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Après 22 jours de jugement, Khalifa Sall sera fixé sur son sort le 30 mars prochain. Ce 23 février qui marque la fin du procès, le maire de Dakar a écrit une longue lettre adressée au Président du Tribunal, au Procureur de la république, membres de la Cour et simples citoyens, pour dire sa colère. Sa frustration de voir son nom et son honorabilité trainés dans une machination de distorsion et d’altération de la vérité. Nous reproduisons in extenso la correspondance.

Monsieur le Président du Tribunal

Messieurs les membres du Tribunal,

Monsieur le Procureur de la république,

Mesdames, messieurs les avocats de tous bords

Mesdames, messieurs,

Voici presque une année, que moi Khalifa Ababacar SALL, député et maire de la Ville de Dakar, et cinq de mes collaborateurs, sommes attraits devant cette juridiction.

Fort heureusement, mes excellents conseils ont eu, avec beaucoup de brio et d’expertise, à apporter au tribunal les arguments juridiques pertinents aux fins de prouver le caractère insoutenable et non fondé des poursuites. Ils ont tous eu à demander à votre tribunal la fin des poursuites et une relaxe pure et simple pour mes co-prévenus et moi-même. J’adhère à leurs brillantes plaidoiries et fais miens tous les arguments juridiques ici développés pour nous décharger des griefs et charges qui nous ont valu notre présence devant ce tribunal. Je voudrais, à cet égard, témoigner notre gratitude à tous nos avocats pour leurs brillantes prestations.

Je voudrais également exprimer ma profonde gratitude aux femmes et aux hommes, jeunes et moins jeunes, qui, du premier jour de notre détention au dernier jour de ce procès, nous ont manifesté leur soutien par leur présence et leurs prières. Mes remerciements s’adressent enfin à tous ceux, femmes et hommes, au Sénégal ou à l’étranger, qui nous témoignent leur solidarité et continuent à formuler des prières à notre endroit.

M. le Président,

Comme je n’ai eu de cesse de le dire tout au long de ces 11 derniers mois : je réfute chacune des accusations sans fondement qui me prennent pour cible. De ma vie, jamais, je dis bien jamais, je n’ai eu le besoin de détourner des deniers publics. Il a été démontré ici qu’il n’y a jamais eu de détournement de deniers publics ni au préjudice de l’Etat ni au préjudice de la ville qui m’a honoré en m’accordant sa confiance par deux fois.

A l’endroit de tous mes concitoyens, je voudrais, qu’il me soit permis de réaffirmer que jamais je n’ai eu ni de près ni de loin, seul ou en association, à comploter contre les intérêts de ma ville ou encore à porter atteinte à l’honneur et à l’honorabilité de l’institution qu’ils m’ont permis de diriger depuis 2009.

Jamais je ne trahirai le lien de service et de confiance qui nous unit. Toute ma vie, j’ai appris auprès de mes parents, la vertu du travail, de l’honneur et du mérite. Très jeune, je me suis astreint à leur donner corps par mon comportement. Jeune élève socialiste, j’ai appris à la dure à me faire respecter par la rectitude de mon comportement et la force de mes convictions.

Déjà au lycée en des périodes où très peu de ma génération osait affirmer leur appartenance au MJUPS, je défendais mes choix politiques loin des lambris du pouvoir, dans nos foyers à travers des débats houleux, durs mais démocratiques avec des cellules communistes, marxistes léninistes qui avaient les faveurs de la majorité des jeunes de ma génération. Ce même combat, je l’ai poursuivi à l’Université de Dakar dans un environnement encore plus révolutionnaire et plus conflictuel. Jamais je ne me suis dérobé. Jamais je n’ai eu à différer un combat ou à me réfugier derrière des artifices juridictionnels ou à utiliser les armes du pouvoir pour triompher de mes adversaires politiques. L’honnêteté, la constance, la loyauté et la fidélité en amitié ont été mes seules viatiques dans ma formation d’homme et dans mes actions comme père de famille et comme responsable politique.

Monsieur le Président,

Messieurs du tribunal,

Mes chers compatriotes,

Pour moi qui suis entré en politique pour servir notre pays, la colère est grande aujourd’hui de voir mon nom, mon honneur et ma dignité engagés dans une machination de distorsion et d’altération de la vérité.

Des actes innommables ont été posés de manière récurrente dont le seul fondement est de m’amener à renoncer à mon engagement politique au service de mon pays. Mais je n’abdiquerai jamais face à cette grande injustice qui a fini de mettre à nu la fragilité de notre système politique, sa trop grande dépendance au « desiderata » du chef de l’exécutif et l’urgence d’y apporter les réformes nécessaires afin que plus jamais dans notre pays un citoyen ne soit inquiété pour ses opinions et dans l’exercice de sa liberté de choisir librement sa voie.

Je ne suis pas une exception. Malheureusement, l’histoire de notre pays, celle du continent et du monde est remplie d’exemples de personnalités irréprochables qu’un pouvoir aux abois a voulu anéantir. Ces histoires portent toutes la même signature en bas de page : « A l’épreuve du temps, la vérité a toujours fini par triompher du mensonge et de la méchanceté »

M. le président, messieurs du tribunal,

J’ai été député plusieurs fois, ministre, responsable politique de premier rang des années avant mon élection à la ville de Dakar. Durant toute cette période où j’ai eu à servir mon pays, notre pays, pas une seule fois je n’ai été pris en défaut, pas une seule fois, je n’ai failli à mes devoirs ou été mêlé à des problèmes de corruption, de détournement de deniers publics ou de blanchiment d’argent. Durant ces périodes où toutes les protections étaient à ma disposition, j’ai toujours su, par devoir et par rectitude morale, garder une distance irréprochable avec le bien public. J’ai pu, à travers mes différentes déclarations de patrimoine, justifier l’origine licite du moindre sou obtenu, du moindre bien en ma possession. Ce que je me suis refusé de faire sous le président Abdou Diouf dont j’ai été le ministre et un des plus proches, sous le Président Abdoulaye Wade avec un statut d’opposant affiché et

assumé, pourquoi attendrai-je maintenant d’être à la ville de Dakar pour m’adonner à des pratiques qui sont en porte-à- faux avec mes valeurs d’homme et mon parcours d’homme public. Depuis mon plus jeune âge, je me suis toujours astreint à gagner ma vie à la sueur de mon front et « à force de peine en tirer substance ». Voilà pourquoi, après mon élection en 2009, j’ai continué à exercer ma profession de consultant international pour en vivre et en faire vivre ma famille.

Jamais dans ma vie politique et professionnelle, je ne me suis autorisé la liberté de prendre possession du bien d’autrui. Le décès de mon jeune ami Pape Babacar Mbaye qui, malgré une vie éphémère a mené une existence exceptionnelle faite de patriotisme et d’engagement au service de ses semblables, un être cher avec qui j’ai partagé un après-midi avant d’être obligé, le cœur meurtri, de lui fermer les yeux le soir même

sur son lit de mort, a conforté ma détermination de ne jamais laisser le pouvoir, l’appât du gain et la jouissance de biens gouverner mon existence. Je m’évertue chaque jour à consolider mon humanité en vivant simplement avec la certitude que tout est précaire et révocable dans ce monde. Devant l’inéluctabilité de notre condition humaine, j’allais dire de notre destin, ma seule préoccupation est de vivre en homme

libre, en citoyen engagé pour qu’au soir de ma vie, j’ai le sentiment d’avoir été utile à mon pays, à mes compatriotes et à mes semblables.

M. le Président,

Messieurs du Tribunal,

La politique est le tout de cette affaire. C’est à cause de mon engagement politique et militant que je suis devant vous. Je suis devant votre juridiction à cause de mon refus de laisser la maison du père être diluée dans une autre entité politique certainement pas plus crédible, ni plus légitime que mon parti dont l’histoire, le présent et le futur se conjuguent avec le passé, le présent et l’avenir du Sénégal. C’est la politique, celle-là politicienne, ni élégante dans sa démarche, ni honorable dans l’adversité qui m’a conduit devant votre juridiction.

C’est ici au Sénégal, dans mon pays qu’il m’a été privé de faire campagne alors que je dirigeais la liste de la coalition Manko Taxawu Senegaal lors des élections législatives de 2017.

C’est encore ici au Sénégal, dans mon pays qu’il m’a été refusé d’exercer mon droit de vote alors que j’étais candidat aux élections législatives de 2017.

C’est encore ici au Sénégal, dans mon pays en violation de mes droits de député et de mes droits constitutionnels que la justice a violé mon immunité parlementaire.

Etant un justiciable comme tous mes compatriotes, peut-on m’expliquer pourquoi aucun de mes droits n’est respecté ?

Je croyais qu’au Sénégal, même au pire des criminels, ce que je ne suis pas, ce que je suis loin d’être, la Constitution et les lois de la République garantissaient le respect de tous leurs droits : le droit d’être assisté, le droit de se défendre à toutes les étapes de la procédure et le droit à un procès juste et équitable.

Pourquoi a-t- on toujours violé nos droits en nous refusant une assistance à l’enquête de police ?

Pourquoi le magistrat instructeur a instruit uniquement à charge ?

Pourquoi essaie-t- on de salir mon honneur malgré le manque de consistance et l’indigence de l’accusation comme l’attestent du reste les plaidoiries en tout point remarquables de nos avocats ?

En vérité, le Président de la république du Sénégal pour des raisons qui lui sont propres m’a taillé un destin présidentiel. Cette peur qui ne le quitte plus a déclenché dans son microcosme une hystérie collective qui fait de ma liquidation politique une priorité.

Est-ce une faute punissable de plusieurs années de prison d’être crédible, honnête et au service de ses concitoyens ?

Est-ce un délit que d’être élu deux fois maire de Dakar malgré toutes les tentatives pour m’éjecter de la ville ?

Devrais-je aller en prison uniquement parce que le Président de la république du Sénégal le veut ?

Devrais-je être déchu de mon droit d’être candidat parce que Macky SALL ne veut pas que Khalifa Ababacar SALL devienne son adversaire en 2019 ?

Sans préjuger de la décision que votre tribunal va prendre, je voudrais ici réaffirmer mon engagement à servir notre pays non pas pour transformer sa peur en terreur mais plutôt pour permettre à notre peuple de reprendre sa marche résolue vers la paix, la démocratie, la prospérité et d’installer notre Nation dans une trajectoire qui rassemble et élève ses filles et ses fils dans un destin commun. Oui je le réaffirme : rien ne me détournera de mes ambitions pour notre pays. Je continuerai, avec chacun et avec tous, à servir le peuple sénégalais pour qu’enfin la République tienne sa promesse d’égalité, de liberté, de justice, de progrès et de solidarité à l’endroit de tous ses citoyens.

Si pour cela, je devrais subir sa colère, ses foudres et la violence indélicate et non justifiée de ses prétentions à travers les actions de tous ceux qui lui apportent leur soutien, alors oui, en reconnaissance de tout ce que les populations de notre magnifique pays m’ont si généreusement offert, je suis prêt à endurer tout cela et bien plus encore. Quelle que soit la décision du tribunal, je ferai face avec sérénité et dignité et avec la conviction que Dieu, en qui ma confiance est totale, est seul maître de mon destin.

Vive le Sénégal

Khalifa Ababacar SALL

Député et Maire de la Ville de Dakar
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