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Gambie - Fatou Jagne Senghor (Directrice Article 19 - Afrique de l’Ouest): “Le pays reste divisé et des soubassements ethniques et régionalistes sapent la confiance et les efforts de la réconciliation annoncée“
Publié le mercredi 21 fevrier 2018  |  Enquête Plus
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© aDakar.com par DF
Atelier sur "l’accès à l’information et la transparence dans le financement des partis politiques au Sénégal"
Dakar, le 29 juin 2016 - L`Ong "Article 19" a organisé un atelier de restitution sur une étude axée sur "l’accès à l’information et la transparence dans le financement des partis politiques au Sénégal". Des parlementaires étaient présents à la rencontre. Photo: Fatou Jagne Senghor, directrice régionale de l’ONG "Article 19"
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L’évocation de son nom suffit à raviver le flambeau de la résistance durant les années de la dictature de Yahya Jammeh. Fatou Jagne Senghor, directrice du bureau Afrique de l’ouest d’Article 19, préfère rester encore vigilante face au nouveau régime. Dans cet entretien, elle pose un regard sans complaisance sur le régime d’Adama Barrow.

Une année après la chute de Yahya Jammeh, quelles appréciations faites-vous de la situation politique en Gambie ?

Une situation encore complexe et encore fragile. Une volonté politique affirmée par le gouvernement de mettre la question des droits humains au centre des priorités avec un programme de réforme ambitieuse : l’adoption d’une loi pour mettre en place une Commission vérité, réparation et réconciliation, d’une loi autorisant les réformes constitutionnelles, la mise en place de comités multi acteurs pour les réformes des lois sur les medias.

Mais au-delà de ces aspects positifs, des incertitudes et frustrations liées à la gestion du passif laissé par Jammeh, beaucoup de ses proches et collaborateurs sont recyclés dans le système sans qu’aucune information sur le pourquoi soit donnée. Par ailleurs, l’économie et la question de l’emploi des jeunes, surtout la réintégration des jeunes rapatriés de l’immigration clandestine, constituent des défis importants et les orientations pour répondre aux attentes restent incertaines.

Un plan national de développement vient d’être adopté, mais son financement dépendra beaucoup de la communauté internationale, de la relance de l’économie et l’encouragement d’investissements de la Diaspora. Des garanties de transparence et des ressources humaines capables de suivre ces dossiers sont autant de sujets qui vont dominer l’évolution des discussions sur le processus dans les mois qui suivent. La dislocation de la coalition qui a porté ce gouvernement au pouvoir, les frictions avec une certaine partie de sa diaspora qui a contribué au changement et qui s’est sentie délaissée, surtout avec la non-priorisation des réformes électorales pour faciliter sa participation, les questions ethniques et la transparence dans la réforme du secteur sécurité et dans l’octroi des marchés publics, constituent des obstacles à la cohésion.

Des violences politiques ont été notées dans certaines localités du pays comme à Busumballah, occasionnant des échauffourées entre les militants de l’ancien parti au pouvoir APRC et des éléments supposés appartenir au parti UDP. Quelle lecture faites-vous de ces incidents qui avaient poussé l’Etat gambien à suspendre les activités politiques dans le pays ?

Ces violences montrent encore combien la situation politique est fragile. Malgré les appels à l’apaisement, le pays reste divisé et des soubassements ethniques et régionalistes sapent la confiance et les efforts de la réconciliation annoncée. Il faut mettre en place des cadres de concertations intercommunautaires pour sensibiliser les populations sur l’importance de la cohésion pacifique et le respect des divergences politiques.

Il est beaucoup question du mandat du président Adama Barrow dans les débats au pays. Quelle serait selon vous la meilleure formule pour la Gambie entre le respect de la promesse de 3 ans faite par la coalition et les souteneurs du quinquennat ?

La coalition a été formée en octobre 2016 après un accord des partis d’opposition qui a impliqué non seulement les politiques, mais aussi la société civile sur un agenda non partisan de réforme et de transition de trois ans. Changer cet accord unilatéralement risque de fissurer et de diviser davantage le pays et creuser les désaccords entre les différents partis politiques. Il faut aussi noter que si le gouvernement ne priorise pas le bon déroulement de la transition et le respect des engagements pris et la recherche de consensus, il risque d’éroder la confiance des populations et d’encourager les différents partis à privilégier l’agenda politique politicienne au lieu d’œuvrer ensemble pour réconcilier et stabiliser le pays et faire les réformes urgentes nécessaires.

Une année après la fin de la dictature, quel bilan dressez-vous de l’état de la liberté d’expression en Gambie ?

Il faut accélérer les réformes et faire en sorte que les menaces et pratiques qui consistent à cibler les journalistes et les dissidents pour leurs opinions ou positions critiques soient éradiquées définitivement. La liberté d’expression est en progression, mais il faut une vigilance pour éviter de perdre les acquis. Après plus de 22 ans, c’est difficile pour les uns et les autres de se réhabituer aux respects et à la responsabilité.

Il est toujours constaté la présence de dispositifs juridiques répressifs sur la liberté d’expression datant du temps de Yahya Jammeh. Des démarches sont-elles entreprises par votre organisation pour éliminer ces textes ?

Nous avons aidé le gouvernement avec une assistance technique pour piloter les réformes. Un comité de pilotage est mis en place pour faciliter les consultations et la rédaction de nouvelles lois y compris sur l’accès à l’information et la révisions des lois draconiennes utilisées par l’ancien régime pour museler l’expression et la presse. Notre bureau a aussi ouvert une antenne pour faire le suivi de la réforme et aider les partenaires locaux.
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