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L’élite politique sénégalaise étale son complexe
Publié le samedi 3 fevrier 2018  |  Enquête Plus
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© Autre presse par DR
Le chef de l’Etat français Emmanuel Macron
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Le tollé provoqué par les préparatifs de la visite du président de la République française, Emmanuel Macron, à Dakar, met à nu tout le complexe nourri par l’élite politique sénégalaise vis-à-vis de l’Hexagone.

A Dakar depuis hier, le président français séjourne au Sénégal jusqu’à demain, samedi. Cette visite de 72 heures qui n’a pourtant rien de plus spéciale que celle déjà effectuée au pays de la Teranga par les Présidents Adama Barrow de la République sœur de la Gambie et Mouhamed VI du Maroc, a tenu en haleine tous les segments de la société sénégalaise. Depuis son annonce, elle est devenue un sujet de discussion à tous les niveaux. Mais aussi, pomme de discorde entre le pouvoir et une partie de l’opposition, ensuite, entre caciques de l’Alliance pour la République au pouvoir.

En effet, l’appel à manifester lancé par le Comité directeur du Parti démocratique sénégalais (Cd/Pds) à l’occasion de l’accueil du Président Emmanuel Macron cache bien une envie des Libéraux de se plaindre des problèmes strictement sénégalo-sénégalais auprès du président français. Les libéraux, pour exprimer, disent-ils, leurs désaccords avec la conduite de Macky Sall, notamment sur le processus électoral, demandent à l’ensemble de leurs militants et aux populations de réserver un accueil ‘’spécial‘’ au président français. Dans la déclaration de son Comité directeur rendu publique le vendredi 26 janvier 2018, ‘’le Pds appelle les Sénégalaises et les Sénégalais à sortir pour accueillir, partout où il se rendra, l’hôte du Sénégal pendant son séjour et à manifester pacifiquement leur colère et leur dégoût de Macky Sall, de son régime et de sa politique’’.

Les partisans de Me Wade demandent à ‘’tous les manifestants de porter des brassards rouges, de s’habiller en rouge, d’écrire explicitement sur des pancartes leurs revendications et de défendre la plate-forme des partis de l’opposition et des organisations démocratiques pour des élections démocratiques, libres et transparentes et de stopper Macky Sall qui compte sur la seule fraude électorale pour se faire réélire en 2019’’. Car, à leurs yeux, ‘’le peuple sénégalais doit montrer, plus que jamais, dans sa diversité, qu’il est mobilisé et qu’il veut en finir avec Macky Sall et avec lui, mettre fin notamment aux abus comme la fraude électorale, la confiscation des cartes d’électeurs, le refus d’auditer le fichier électoral par des experts de l’Union Européenne et des États-Unis, la désignation d’un responsable politique du parti au pouvoir pour le revêtir d’un manteau de ministre de l’Intérieur et ‘’organiser’’ les élections’’.

Aveu d’impuissance des Libéraux face à Macky Sall

A peine cet appel émis, la coalition Benno bokk yaakaar a aussitôt réagi. Selon les alliés du président de la République qui condamnent un acte à la fois ‘’malsain’’ et ‘’antirépublicain’’, cet appel est une première de la part d’un parti de l’opposition, depuis que notre pays a accédé à la souveraineté internationale. ‘’Quelle mouche a piqué le Pds, pourrait-on se demander ? Car, pour avoir exercé le pouvoir pendant douze (12) ans, rien, absolument rien ne pouvait laisser penser que ce parti aurait pu tomber dans un tel travers consistant à appeler à saboter la visite d’un hôte de la République du Sénégal’’, ont-ils aussitôt réagi dans une déclaration. Mais les Libéraux sont revenus à la charge trois jours plus tard, lors de leur Comité directeur du 29 janvier dernier. En appelant ‘’les Sénégalais et les Sénégalaises à sortir nombreux pour accueillir partout où se rendra Emmanuel Macron, président de la République française, et manifester dans le même temps pacifiquement leur colère et leur dégout de Macky Sall, de son régime et de sa politique…’’.

Au-delà des calculs politiques pour tenter de discréditer le président de la République auprès de l’opinion publique sénégalaise en perspective des prochaines échéances électorales, cet appel sonne comme une manière pour les ‘’Sopistes’’ de se plaindre auprès du président français de questions domestiques. Il trahit ainsi un aveu d’impuissance d’Abdoulaye Wade et de ses camarades qui, dans le bras de fer qu’ils ont engagé avec le régime, semblent être largués et isolés du jeu politique, depuis leur boycott des concertations sur le processus électoral. En dépit des points d’achoppement qui, en un moment donné, ont freiné le dialogue politique amorcé avec d’autres partis qui se réclament de l’opposition, ces concertations sur le processus électoral sont parties pour mettre le Pds devant le fait accompli. C’est ce qui peut expliquer, d’ailleurs, toute cette agitation autour de la question électorale.

Ainsi, appeler à saboter la visite officielle du Chef d’Etat français, au-delà de l’aveu d’impuissance, est puéril et tout au déshonneur du PDS qui a été au pouvoir pendant 12 ans. Car, Wade et ses affidés oublient vite que Macron est l’hôte du Sénégal et non du Président Macky Sall et de l’APR. En outre, un certain gentleman’s agreement a toujours voulu qu’on honore les hôtes du pays de la Teranga. C’est peut-être ce qu’a compris le Secrétaire général de la Fédération Pds de Saint-Louis, Ameth Fall Braya. En effet, ce dernier a décidé de passer outre les directives du comité directeur de son parti. ‘’Nous allons chaleureusement accueillir le président Macron’’, a-t-il fait savoir. Suffisant pour que certains de ses camarades de parti le soupçonnent de vouloir rallier le camp présidentiel.

Cafouillage au sein de l’APR

Pendant que les Libéraux promettent d’accueillir avec des brassards rouges le président français, à l’Alliance pour la République de Saint-Louis, Mansour Faye et Mary Teuw Niane, deux responsables locaux qui se disputent le leadership local, se crêpent le chignon. Les deux hommes sont à couteaux tirés sur les modalités de l’accueil qui doit être réservé à Emmanuel Macron à Saint-Louis, demain samedi 3 février. Si le premier nommé ne veut aucune politisation de l’évènement, le second ne l’entend pas de cette oreille. ‘’Personne ne verra ma photo sur une banderole ou sur une pancarte. Aussi, aucun responsable ne doit mettre sa photo sur une effigie. Ce sont les présidents Macron et Sall que nous devons voir. Un responsable qui mettra sa photo, je l'enlèverai personnellement. Je ne l'accepterai pas’’, a sévèrement menacé le ministre et beau-frère du chef de l'État, Mansour Faye, par ailleurs coordonnateur départemental de l'Apr à Saint-Louis.

La réaction de son camarade de parti n’a pas trop tardé. ‘’Il y aurait des gens qui auraient le pouvoir dictatorial d'interdire, au mépris de la liberté de chaque citoyen qu'autorise notre démocratie, aux militants de venir accueillir leur président de la République et son hôte, en mettant des signes distinctifs de leur leader’’, a aussitôt réagi le ministre de l’Enseignement supérieur, Mary Teuw Niane, sur sa page Facebook depuis Addis-Abeba où il se trouvait.

Espoirs démesurés des populations de la langue de Barbarie

Au moment où ça cafouille dans les rangs de l’Alliance pour la République du département de Saint-Louis, les populations, elles, nourrissent des espoirs fous avec cette visite du président français. Tels des naufragés qui attendent une quelconque bouée de sauvetage, elles attendent d’Emmanuel Macron qu’il trouve à la place du gouvernement sénégalais, qui doit s’en occuper, des solutions immédiates aux problèmes rencontrés dans la Langue de Barbarie. Avec l’avancée de la mer qui menace leur existence dans cette partie de la vieille ville, leurs inquiétudes peuvent certes se justifier. Mais de là à s’attendre à ce que le président d’un autre pays vienne faire ce travail à la place de l’Etat sénégalais relève à la fois d’un déni de la réalité et d’un échec de nos gouvernants, souvent incapables d’apporter des solutions durables aux préoccupations, même les plus élémentaires des populations désemparées.

ASSANE MBAYE
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