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Sommet Union Européenne-Union Africaine: Pour une gouvernance des migrations
Publié le jeudi 30 novembre 2017  |  Enquête Plus
5ème
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5ème Sommet UA-UE: Cérémonie d’ouverture
Mercredi 29 novembre 2017. Abidjan. Ouverture du 5ème sommet UE-Afrique en présence de plusieurs chefs d`Etats dont le Président Français Emmanuel Macron.




Excellences, Messieurs les Chefs d’Etat d’Afrique,

Chaque année, des personnes cherchent à se rendre en Europe dans l’espoir d’une vie meilleure. Parmi elles, des migrants et autres candidats à l’exil, fuyant les guerres, la pauvreté́ et les crises politiques, voyagent souvent au péril de leur vie. Depuis 25 ans, près de 40 000 migrants sont morts ou ont disparu, par noyade ou épuisement, aux frontières européennes, dont plus de 6 000 pour la seule année 2016, la plus meurtrière jamais enregistrée.

L’augmentation des arrivées depuis 2015 a fait souffler un vent de panique au sein des Etats de l’Union européenne en proie à̀ un véritable ‘’sauve-qui-peut’’ devant des hommes, des femmes et des enfants : multiplication des murs et barrières pour ‘’réguler les flux’’ , ouverture de nouveaux camps, externalisation de l’accueil, militarisation accrue des frontières... la difficile gestion de la ‘’crise des migrants’’ vient interroger tout le système européen des frontières, des politiques d’accueil et d’immigration. Ainsi, il ne se passe guère de jour sans que la question des migrations ne soit évoquée en lettre plus ou moins grasses.

Excellences, Messieurs les Chefs d’Etat d’Afrique,

Face à cette situation, l’Europe adopte de plus en plus une allure militaire tentant de contrôler de différentes manières la migration des personnes.

L’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures FRONTEX est un instrument européen qui existe depuis 2005. Son rôle consiste à surveiller et à contrôler les frontières extérieures de l’UE avec l’aide des unités de polices européennes.

Lesdites mesures ne semblent plus suffire aux exigences de contrôle. Des clôtures visant à repousser des êtres humains sont dès lors dressées aux frontières, comme c’est le cas avec la clôture high-tech en Espagne. En outre, la Bulgarie, la Grèce, la Hongrie, la Croatie, la Slovénie, la France (au tunnel de Calais) et l’Autriche ont érigé de nouvelles clôtures et, simultanément, fermé leurs frontières à plusieurs reprises.

Les images de migrants repêchés ou interceptés par les garde-côtes européens avant de pouvoir débarquer à l’île de Lampedusa et celles des centaines de migrants enjambant, au péril de leur vie, les barbelés de Ceuta et Melilla ne cessent d’être des images-chocs, révélateurs des drames et des tragédies mais surtout de l’ampleur des migrations irrégulières.

Ces images rythment et nourrissent des négociations politiques entre les pays d’Afrique subsaharienne, le Maghreb et l’Europe. La progression rapide des migrations irrégulières est sans doute l’une des caractéristiques majeures de ces dernières années qui symbolisent les bouleversements politiques et la porosité des frontières qu’ils soient les Etats du Sud ou du Nord.

Au niveau de certains États d’Afrique et d’Europe, des mesures drastiques ont été prises comme le dispositif FRONTEX pour contrecarrer en amont les migrations irrégulières vers l’Europe. Avec le naufrage au large de Lampedusa, l’Opération TRITON, mise en route depuis le 1er novembre 2014 sous l’égide de l’agence européenne FRONTEX pour surveiller et tenter de sécuriser les routes migratoires vers l’Italie en provenance de Libye et d’Egypte, connaît un réel dysfonctionnement d’où d’ailleurs l’intérêt de se demander si les mesures sécuritaires sont réellement efficientes ?

Le phénomène est beaucoup plus complexe pour être géré que par des politiques. L’envie de se réaliser, le besoin d’échapper aux incessantes formes d’injustice, la quête d’un emploi réconfortant, une gouvernance angélique et un avenir alléchant sont, entre autres, autant de raisons qui justifient la recrudescence du phénomène des embarcations.

Les embarcations de fortune, les grillages de Ceuta ou les barrages des Canaries ou d’ailleurs ne décourageront pas tous ceux pour qui la galère d’un clandestin en Europe vaut mieux que de croupir dans un village sans espoir du Sahel ou la banlieue oubliée d’une mégalopole africaine. Les politiques de codéveloppement tant vantées ces dernières années, et qui devaient fixer les candidats au départ chez eux, semblent être piteusement échouées. La logique sécuritaire est-elle une priorité pour les politiques d'ici ou d'ailleurs ?

Excellences, Messieurs les Chefs d’Etat d’Afrique,

A plus d’un titre, il est devenu urgent aujourd’hui de promouvoir un autre regard sur le fait migratoire et de construire un nouveau référentiel des politiques publiques, nationales et internationales, surtout celui des migrations.

Je vous suggère les vertus d’un modèle gagnant-gagnant-gagnant. Une approche qui a pour ambition à partager les bénéfices de la migration entre pays de départ, pays d’installation et migrants. Son objectif immédiat est de réunir l’ensemble des parties prenantes autour d’intérêts communs. Plusieurs éléments concrets plaisent en sa faveur.

La capacité de la migration à générer de la richesse. Longtemps considérés comme peu productifs, les transferts de fonds, de biens, d’expériences et d’innovations sont devenus un facteur essentiel du développement des pays d’origine. Au Sénégal et dans bien d’autres pays africains, ces transferts permettent à de nombreuses populations d’avoir accès à l’eau, à l’électricité, à l’éducation et d’acquérir les biens de consommation vitaux.

Dans le même temps, les migrants contribuent au progrès et au bien-être des pays développés. Ils font souvent preuve d’esprit d’entreprise et sont à l’origine de la création de nombreuses entreprises. Les moins qualifiés jouent aussi un rôle crucial, en remplaçant des populations vieillissantes et en pourvoyant aux emplois créés par ce vieillissement. Ce faisant, les migrations peuvent être à la fois le signe et le vecteur d’un dynamisme économique.

Excellences, Messieurs les Chefs d’Etat d’Afrique,

La migration est partie de la mondialisation du savoir. Elle tisse des réseaux internationaux assurant la circulation des idées et des connaissances d’un pays à l’autre. Elle alimente une trame humaine, dense et dynamique, reliant les cultures, les sociétés et les économies. Hautement qualifiés, ces entrepreneurs sont à la pointe de la recherche au service de l’innovation. Faut-il rappeler ici combien d’excellents lauréats de distinctions internationales dans leurs nouvelles patries comme immigrés ou réfugiés ?

Le nouveau dispositif de gouvernance devra répondre aux incohérences et limites du système actuel en poursuivant au moins trois (3) objectifs. Premièrement, l’articulation entre les niveaux de gouvernance existants devra prendre en compte les organisations existantes dont les capacités institutionnelles restent fortement dispersées. Deuxièmement, la réunion de toutes les parties prenantes des politiques migratoires, à chacun des niveaux d’intervention concernés et quel que soit le statut des acteurs (collectivités locales, ONGs locales, entreprises, syndicats, associations des droits de l’Hommes, universitaires, pouvoirs publics nationaux ou internationaux, etc.). Enfin, la promotion d’un dispositif pluraliste et original de concertation et de délibération, qui tirerait profit de l’essor récent d’un multilatéralisme souple et ouvert, mieux adapté au traitement des enjeux mondiaux.

Prof. Aly Tandian

Université Gaston Berger de Saint-Louis

Directeur du GERM
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