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Indemnités, rappels, lenteurs...: Les ingrédients d’un cocktail explosif
Publié le mardi 24 octobre 2017  |  Enquête Plus
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© Autre presse par DR
Les élèves reprennent le chemin des classes, ce 2 octobre




Aux élèves les cahiers de leçons, aux enseignants les cahiers de doléances. Alors que le chef de l’Etat veut une année scolaire apaisée, les syndicats accusent le gouvernement de non-respect des accords. C’est donc reparti pour un dialogue de sourds.

La rentrée des classes a eu lieu lundi 9 octobre dernier sur tout le territoire national. Le chronomètre a déjà été déclenché pour les enseignements/apprentissages. Pour le climat social, par contre, ce sera un compte à rebours. Le chef de l’Etat a pourtant émis son vœu de voir l’année scolaire se dérouler sans perturbation. Mais son appel a peu de chance de trouver une oreille réceptive. Car les enseignants estiment qu’il est le premier à avoir joué au sourd face à leurs revendications.

Si l’on en croit les syndicats, Macky Sall a les clés d’une année apaisée. Il n’a qu’à prouver sa sincérité par des actes appropriés. ‘’Le président sait très bien ce qu’il doit faire pour que l’année soit apaisée’’, répète presque en chœur Saourou Sène et Abdou Faty, respectivement secrétaire général du SAEMS et du SELS/Authentique. ‘’L’appel nous laisse dubitatif. Lui et son gouvernement n’ont pris aucune disposition pour éviter la confrontation’’, renchérit Souleymane Diallo, leader du SELS.

En fait, les mots sont quasi identiques d’un SG à un autre : le gouvernement n’a presque rien respecté des engagements pris. Les deux premiers points à évoquer sont le système de rémunération des agents de la Fonction publique et les indemnités de logement. Les enseignants vivent les disparités qui existent dans le traitement des fonctionnaires comme une injustice à leur encontre. Une étude a été commanditée dans ce sens pour prendre la mesure exacte du déséquilibre. Le rapport provisoire a été partagé avec les acteurs qui l’ont amendé, le rapport final déposé sur la table du président de la République. Depuis lors, il n’y a pas eu de suite. Et les enseignants ne comprennent toujours pas pourquoi l’Etat traine le pas. ‘’Le document est entre les mains du chef de l’Etat. Qu’il décide de la suite qu’il donne aux conclusions’’, s’exclame Saourou Sène. Il est rejoint par Abdou Faty qui pense que le président est le seul à décider de cette question, puisque tous ses ministres se sont dérobés.

À propos des indemnités de logement, elles pourraient être une source majeure de conflit. Les enseignants ont pratiquement l’indemnité de logement la plus faible et celle-ci ne tient pas compte du grade. Du préscolaire à l’université, elle est de 60 000 F, alors que dans les autres corps de la Fonction publique, cette rubrique tient compte des grades et des titres. Les enseignants veulent qu’il y ait un alignement sur les autres. La frustration est d’autant plus grande que les syndicalistes affirment que l’enseignant fait 70 à 75 % de son travail à la maison. En d’autres termes, le logement est un intrant pédagogique, pour reprendre l’expression de Saourou Sène.

‘’15 applaudisseurs de plus’’

Or, le ministre de l’Education a dit récemment que cette question n’est pas prise en compte dans le budget 2018 du département de l’Education. Un casus belli ! Souleymane Diallo estime que l’Etat a rompu les négociations sur le régime indemnitaire avant de les avoir commencées. Le secrétaire général adjoint du CUSEMS, Ndongo Sarr, lui, ne veut surtout pas entendre parler de manque d’argent. De son point de vue, si l’Etat s’est permis d’ajouter ‘’15 applaudisseurs’’ (députés de la diaspora) à l’Assemblée nationale, c’est qu’il y a du liquide. Ou alors, il suffit de faire l’économie de certains chantiers coûteux et non prioritaires pour rétablir les enseignants dans leurs droits. ‘’Avec l’argent injecté dans le TER (Train express régional) on pouvait payer la dette des enseignants. Des bus peuvent valablement transporter les passagers vers l’AIBD. En France, entre Orly et Paris, ce sont des bus qui assurent le transport’’, soutient l’adjoint d’Abdoulaye Ndoye.

Outre cette revendication, il y a ce que Souleymane Diallo appelle les questions de droit. Il s’agit des rappels. Une dette que l’Etat doit aux enseignants et qui constitue justement un autre point d’achoppement. Plusieurs chiffres (25, 50, 85 milliards) sont avancés par les syndicalistes quant au montant de cet argent. L’un d’eux soutient avoir parlé à un agent du Trésor qui lui a dit que le montant s’élève à une soixantaine de milliards. En réalité, les leaders syndicaux n’ont aucun moyen de contrôler les chiffres, comme l’avouent certains d’entre eux.

Dans tous les cas, cette somme due est la conséquence d’un autre problème : les lenteurs administratives. Un enseignant qui passe d’un grade à un autre tarde à voir la matérialisation de cette évolution. Il faut, d’abord, que l’arrêté d’admission définitif sorte. Vient ensuite l’acte d’intégration. À partir de ce document, l’enseignant est mis en solde par le ministère des Finances. Or, ce processus prend des années, parfois jusqu’à plus de 10 ans, d’après les syndicalistes. Ce qui veut dire que pendant tout ce temps, il reçoit une paye mensuelle inférieure à son salaire réel. Il s’agit, en fait, d’un défaut de mise à jour qui fait que l’enseignant ne reçoit pas son vrai salaire.

Ainsi, au fil des années, une dette s’est constituée. Une situation qui concerne des milliers d’enseignants. C’est le paiement de cette argent qu’on appelle ‘’le rappel’’.

5 000 à 7 000 mises en solde au lieu de 10 000

En 2016, l’Etat s’était engagé à une mise en solde de 10 000 enseignants par an. Il avait également promis de payer 24 milliards de rappel. Si les 10 000 mises en solde ont été plus ou moins atteintes en 2016, ce ne sera probablement pas le cas en 2017. D’un leader syndical à un autre, les chiffres vont de 5 000 à 7 000 mises en solde. Mais il y a une constante, c’est-à-dire qu’à un trimestre de la fin de l’année, le données indiquent clairement que l’objectif ne sera pas atteint.

‘’Le chef de l’Etat s’est engagé, mais la Fonction publique a été incapable de produire des actes. Ce qui fait qu’on n’a pas tout consommé. C’est comme si on donne par une main pour retenir par l’autre’’, s’indigne Abdou Faty qui pointe du doigt une Fonction publique ‘’inefficace et inefficiente’’.

Pourtant, si l’on en croit Ndongo Sarr, le ministère des Finances dit être en mesure de respecter cet engagement. Mais que le blocage se situe au département de l’Education nationale. ‘’C’est le ministère de l’Education qui doit fournir les états des sommes perçues. Non seulement le ministère ne reçoit pas assez de dossiers, mais il y a beaucoup de rejets à cause de beaucoup d’erreurs’’, fait-il remarqué. Le département dirigé par Serigne Mbaye Thiam nie en être le responsable (voir interview).

Cependant, même si les 10 000 étaient atteints, le problème ne serait pas résolu pour autant. D’après Saourou Sène du SAEMS, il y avait des milliers d’actes et de projets dans le pipeline avant la dématérialisation de la procédure. Il s’y ajoute que les premiers dossiers étaient en quelque sorte des cobayes, ils sont à reprendre. Ndongo Sarr ne dit pas autre chose. Selon lui, entre la validation, l’intégration, l’avancement et le reclassement, il y a 40 000 dossiers à enrôler. Il faudrait y ajouter les élèves-maitres, puisque le décret permettant leur intégration dans le corps des instituteurs a été adopté lors du dernier Conseil des ministres et signé le jeudi 5 octobre dernier. De quoi donner raison à ceux qui soutiennent que le stock s’est reconstitué.

Par ailleurs, le même problème relevé dans la mise en solde se retrouve dans le paiement des rappels. À titre illustratif, explique Abdou Faty, 4,8 milliards ont été réservés à l’alignement de grades. À l’arrivée, seuls 2 milliards ont été consommés du fait des lenteurs. Le gouvernement a organisé récemment un séminaire pour voir comment éponger la dette. Mais les résultats n’ont pas été partagés. Ce qui fait qu’à l’absence de nouveaux engagements chiffrés sur la dette, comme ce fut le cas en 2016 (24 milliards), les syndicats sont dans le flou et dans l’expectative.

‘’Nous ne garantissons à personne que l’année sera apaisée’’

Aujourd’hui, ils estiment qu’il n’y a pas eu d’avancée, alors que l’année dernière, ils se sont gardés d’aller en mouvement pour donner du temps aux gouvernants. Ainsi, sont-ils déjà sur le pied de guerre et n’entendent surtout pas se contenter d’écouter le gouvernement. ‘’Il faut que les autorités prennent la mesure de l’injustice. Sinon on ne nous laisse pas le choix. On sera obligé d’aller en mouvement. Nous n’accepterons pas d’être les parents pauvres de la Fonction publique’’, prévient Ndongo Sarr. Abdou Faty, lui, estime que l’appel du chef de l’Etat est un vœu pieux, dans la mesure où il a toutes les cartes en main et il n’agit pas dans le sens d’apaiser le climat social à l’école. Il en veut pour preuve l’étude réalisée depuis deux ans et qui dort dans ses tiroirs. ‘’Ils font de la politique politicienne. L’école n’est pas leur priorité’’, tranche-t-il.

Quant à Souleymane Diallo, il peut comprendre qu’il y ait retard ou tergiversation sur des questions comme les indemnités. Par contre, en ce qui concerne les actes et les mises en solde, il estime qu’ils sont incontournables. En d’autres termes, ce sont des points auxquels il faut nécessairement apporter une réponse. ‘’Si tel n’est pas le cas, nous ne garantissons à personne que l’année sera apaisée. Avoir une année apaisée, c’est respecter ses engagements’’, prévient le patron du SELS.

Du côté du SAEMS, on accorde à l’Etat un délai de deux mois pour montrer sa bonne volonté. À défaut, le préavis de grève pourrait intervenir courant décembre.

C’est dire donc qu’on est encore loin d’une année sans heurts.

ZAC, GESTION DU PERSONNEL, RECRUTEMENT…

Les autres points non résolus

Dans la plateforme revendicative des enseignants, il y a les points majeurs, mais pas que ça. Parmi les autres questions les moins évoquées, il y a l’accès au logement. En 2015, lors de la rencontre présidée par le Premier ministre le 30 avril, le gouvernement s’était engagé à livrer les zones d’aménagements communautaires (ZAC) des régions. Il était dit, dans le procès-verbal ayant sanctionné la rencontre, que ‘’l’enveloppe de 800 millions nécessaire à l’aménagement desdites ZAC sera inscrite dans la prochaine LFR (loi de finance rectificative) de juin 2015.

Les travaux d’aménagement dureront, en principe, 8 mois à l’issue des procédures d’appels d’offres’’. Plus de deux ans après, Abdou Faty affirme que les terrains ne sont toujours pas disponibles. ‘’A la ZAC de Ziguinchor, le gouvernement nous dit qu’il faut abattre les arbres ; à Thiès, le périmètre est squatté par un berger et pour la ZAC de Kaolack, il y a un marabout qui en revendique la propriété. Vous voyez donc que presque rien n’a été fait’’, s’offusque-t-il.

Outre le logement, il y a aussi la gestion démocratique des enseignants. En 2015, lors de la rencontre susmentionnée et qui a abouti à la levée du mot d’ordre de grève des enseignants, la gestion démocratique du personnel a été soulevée. Il était prévu de réactiver la commission gestion démocratique des enseignants, afin de prendre en charge le mouvement national de 2015. Deux ans après, les enseignants réclament encore la mise sur pied de cette instance. ‘’C’est là où nous avons plus de difficulté. Le gouvernement nous avait présenté un arrêté. Mais on s’est rendu compte qu’il n’avait ni entête ni numéro. En quelque sorte, c’est du faux’’, dénonce Saourou Sène, selon qui ce sont les anciennes pratiques qui se perpétuent dans le mouvement national. Ce qui fait que des enseignants gagnent des postes et sont ensuite éconduits, parce que, dit-on, le besoin n’existe pas.

Ndongo Sarr, quant à lui, dénonce la régression des effectifs. Selon lui, depuis quelques années, l’Etat ne recrute plus d’enseignants, il fait également recours à des classes multigrades. Ce qui n’est pas sans conséquence pour les pédagogues. ‘’Ils disent que c’est la rationalisation de la gestion des ressources humaines. Ce qui n’est rien d’autre qu’un euphémisme pour dire : surcharger les professeurs. Cela pose un problème de santé’’, s’inquiète-t-il.

Par ailleurs, il y a aussi le retard des salaires. Selon l’adjoint d’Abdoulaye Ndoye, cette question du non paiement des mensualités à date, a mis des enseignants dans une situation très délicate. ‘’Beaucoup de collègues se sont fait piéger par les usuriers. Certains perçoivent 20 000 ou 30 000 F CFA à la fin du mois’’, affirme-t-il.
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