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Yavuz Selim - Accès interdit aux élèves: L’exaspération des parents
Publié le mardi 3 octobre 2017  |  Enquête Plus
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© aDakar.com par DR
La police bloque l`entrée des établissements Yavuz Selim
Dakar, le 2 septembre 2017 - La police s`est déployée en nombre devant les établissements Yavuz Selim pour empêcher l`ouverture des locaux aux élèves. Le gouvernement du Sénégal a interdit officiellement les établissements Yavuz Selim.




Les forces de l’ordre ont refusé hier l’accès du collège Bosphore aux élèves et au personnel de l’établissement. Alors que les parents criaient leur indignation et maudissaient les tenants du pouvoir, les plus jeunes eux, étaient effrayés par cette forte mobilisation policière. Des larmes ont coulé sur les lieux.

Un mini-campement militaire à la place d’une école. Le collège Bosphore de Yavuz Sélim situé sur les deux voies de Liberté 6 était envahi hier matin par la police, dès les premières heures.

Il est 7 heures. Les portes de l’école sont surveillées par les hommes en tenue de couleur bleue. L’accès sur les lieux est refusé aux élèves, au personnel sénégalais et à l’administration. Les va-et-vient commencent. Des élèves surpris par cette présence des forces de l’Ordre se posent de multiples questions. Des parents venus déposer leurs enfants rebroussent chemin. Les plus curieux se renseignent. Les voitures font des détours. Les riverains sortent pour voir ce qui se passe.

Certains élèves refusent de rentrer chez eux. Ils préfèrent soutenir l’administration. L’ambiance devient de plus en plus électrique. Les commentaires vont bon train. Certains parents, dépassés par la situation, n’hésitent pas à proférer des injures contre le ministre de l’Education nationale, Serigne Mbaye Thiam. D’autres déversent leur bille sur l’Etat. C’est le cas d’El Hadji Mbaye. Vêtu d’un boubou de couleur bleue, ce parent d’élève n’arrive pas à exprimer sa déception du gouvernement. Selon lui, il vaut mieux retourner à la colonisation parce que l’Etat ne prend jamais de décision. ‘’On lui dicte toujours ce qu’il doit faire. Soit nous avons une république, soit nous ne l’avons pas. . Un pays doit être démocratique. On ferme l’école pour plaire à Erdogan. C’est du n’importe quoi !’’ peste M. Mbaye.

La colère des parents d’élèves

Mansour Guèye vient de garer sa voiture. Son fils sort du véhicule le sac au dos. Il court rejoindre ses amis. Il ne se soucie de rien. Contrairement au gamin, son papa descend pour s’enquérir de la situation. Il se dirige vers la porte principale. Il est vite intercepté par un policier qui lui demande ce qu’il cherche. ‘’Je veux savoir ce qui se passe ici’’, lui répond-il. ‘’Vous ne pouvez pas entrer’’, rétorque l’homme de tenue. ‘’Je ne cherche pas à entrer. Je veux juste me renseigner. Si vous pouvez me donner d’amples informations, c’est bon.

Au cas contraire, laissez-moi m’adresser à l’administration’’, insiste M. Guèye. Au moment de la discussion, un autre policier s’approche. ‘’Qu’est-ce qu’il veut ?’’ lance-t-il à son camarade. Ce dernier lui répond qu’il cherche des renseignements. ‘’D’accord, laisse-le se renseigner’’. Après s’être informé sur la présence des forces de l’ordre sur les lieux, Mansour Guèye est dans tous ses états. Il n’en revient pas. ‘’Un pays comme le Sénégal, celui de Léopold Sedar Senghor, qui vient de vendre sa dignité, c’est incroyable ! C’est une honte ! Je ne comprends pas ce que Macky Sall est en train de faire, mais il va le regretter toute sa vie !’’ fulmine-t-il. En costume gris assorti d’une chemise de couleur noire, il est tout en sueur. Il cherche son fils partout. ‘’Un président né après les indépendances qui ferme des écoles et prive les enfants de son pays d’une éducation, c’est une catastrophe (...)’’.

Adji Gassama est venue sans ses enfants. Elle a été informée de la situation depuis le week-end. Pour en être sûr, elle a fait le déplacement toute seule. ‘’Je ne vais pas amener mes enfants devant ce pléthore de policiers pour les traumatiser. Je pensais qu’on était au Pakistan. Macky Sall n’a pas réfléchi en demandant à la police de venir interdire à des enfants l’accès à l’école. C’est vraiment ignoble !’’ charge Mme Gassama. La dame regrette déjà d’avoir mis le bulletin du candidat Macky dans l’urne en 2012. ‘’Si c’était hier, je n’allais jamais voter pour cette personne. Cette affaire ne l’honore pas. S’il a sacrifié l’avenir de nos enfants à cause de l’argent du président turc, qu’il sache que cet argent ne va jamais lui servir !’’ tonne-t-elle.

Comme une maman poule, Maty Seck, en larmes, conduit sa fille jusque dans la voiture. Elle se précipite également pour monter. Ce parent d’élève ne trouve pas les mots pour qualifier cet acte. Les yeux rougis par les larmes, la voix tremblante, elle se mord les lèvres comme si les mots y étaient coincés. ‘’Elle décrète : ‘’Je vous le jure sur le Saint Coran, Macky Sall et Serigne Mbaye Thiam vont regretter cet acte. Tôt ou tard, ils le verront. Même quand ils ne seront plus dans un gouvernement.’’ Elle ferme la porte du véhicule et s’en va.

Quand les forces de l’ordre effrayent les petits

De l’autre côté de l’établissement, au préscolaire, c’est le traumatisme chez les enfants. Ils ont peur des policiers. Les plus petits crient, courent et pleurent. ‘’Je ne comprends pas pourquoi les policiers sont venus se positionner au préscolaire. Ils font peur aux enfants. Ce n’est pas normal. Ce sont des bambins qui ne savent rien du tout’’, s’offusque Alice Diaw, une mère de famille. Sa fille se cache derrière elle. Elle ne veut même pas laisser le temps à sa maman de parler à la presse. Tout ce qu’elle veut, c’est quitter les lieux.

La même scène se répète avec le fils de Coumba Diakité. Il n’a que 4 ans. Quand il a vu les policiers, il a commencé à crier : ‘’Maman on part ! On part !’’ Sa maman essaye de le calmer en lui tendant sa gourde, mais il n’en veut pas. Il sautille pour qu’elle le prenne dans ses bras. Ce qui sera fait finalement. ‘’Les enfants ont peur des policiers. Ma fille de 5 ans m’a demandé, quand on est arrivé, s’il y avait une guerre ici. Elle n’a même pas voulu descendre de la voiture. Comment peut-on en arriver à ce stade ? Je me demande si Serigne Mbaye Thiam aime ses enfants ! C’est écœurant !’’ déplore Sidy Diaw. En voyant sa fille courir vers elle à la vue des policiers, Habibatou Sy n’a pu retenir ses larmes. ‘’Nous sommes dans quel pays ? Pourquoi tant d’injustice ! Macky ameel nañu axx ! Bilaay lii dina ko layoo ak sunu boroom (Macky nous a fait du tort. Il en rendra compte à Dieu)’’, dit-elle, les larmes sur les joues.

Le cri du cœur des élèves

Au moment où l’administration et les élèves s’y attendaient le moins, deux pick-up remplis de policiers arrivent sur les lieux en sirène. C’est comme s’ils étaient à la recherche d’un délinquant. Tous les enfants sont effrayés. D’aucuns commencent à rentrer. Ils ne veulent pas être blessés. ‘’C’est la première fois que nous voyons cela. Nous voulons étudier comme nos camardes !’’ a dit Mansour Niang, élève en classe de 3ème. Non loin de lui, son ami Habib Guèye ne comprend rien à la situation. ‘’Mais pourquoi l’Etat ne veut pas qu’on étudie ? Il nous sacrifie alors qu’au même moment, leurs enfants sont en train d’étudier à l’extérieur.

Macky Sall n’a qu’à nous laisser avec notre école. C’est tout ce que nous lui demandons !’’ supplie-t-il. Si eux se soucient de leur avenir, Elimane Kane pense à son ami qui a quitté son village natal pour étudier à Yavuz Selim. Même s’il n’a pas voulu donner le nom, il soutient que celui-ci a été pris dans le cadre de la politique sociale de l’école qui aide les meilleurs élèves dépourvus de moyens financiers. ‘’Il est de Fatick, et est issu d’une famille démunie. Il a été meilleur élève de sa classe et l’école l’a amené ici depuis la classe de Seconde. Nous sommes dans la même classe en Terminale. C’est mon meilleur ami’’, raconte Elimane, les yeux couverts de larmes. Tout ce que veulent ces élèves est que l’Etat les laisse étudier. ‘’Nous avons droit à l’éducation. Il ne faut pas qu’on nous prive de cela !’’ rajoute le jeune Kane.

MOUSSA SARR (AVOCAT ET CONSEILLER JURIDIQUE DE YAVUZ SELIM SA)

‘’Personne ne peut spolier ni confisquer les biens de notre client’’

C’était promis et ça a été fait ! L’Etat du Sénégal a envoyé hier des forces de l’ordre dans tous les établissements Yavuz Selim. Une situation que déplore le conseiller juridique du groupe scolaire, Me Moussa Sarr. ‘’Personne ne peut spolier ni confisquer les biens de notre client. C’est une situation déplorable qui est scandaleuse. Dans un état de droit comme le prétend l’Etat du Sénégal, il est inadmissible qu’on vienne devant la propriété d’autrui pour bloquer l’accès, surtout dans une école qui est chargée de former l’élite de demain de ce pays‘’, peste l’avocat. Avant de poursuivre :

‘’Nous avons déjà saisi l’ambassade de France. Le droit à l’éducation est sacré. L’Etat doit comprendre qu’il ne peut pas impunément violer le droit ; donc nous allons nous y opposer. Et nous sommes au regret de constater que ces concertations devraient commencer bien avant, au lieu d’amener des policiers bloquer l’école.’’

Réactions

Malick Fall (SG du Syndicat Autonome de l’Enseignement Supérieur)

‘’Cette situation est incompréhensible’’

‘’Notre présence se justifie par un soutien au groupe Yavuz Selim qui nous a contactés. Cette situation est incompréhensible parce qu’on ne peut pas comprendre qu’une école qui est là depuis plus de 20 ans, qui a eu à former beaucoup de cadres de ce pays, que l’on puisse un jour dire qu’elle manque de légitimité. C’est incompréhensible. Moi-même j’ai participé, il y a de cela deux ans, ici même en tant que membre du jury, à des olympiades scientifiques organisées par le groupe Bosphore. Je vous rappelle que cette manifestation était présidée par le ministre Serigne Mbaye Thiam. Nous avons visité les stands qui étaient là avec des élèves qui ont fait des présentations de leurs travaux pratiques sur les enseignements scientifiques. C’est incompréhensif qu’au bout de deux ans, trois ans, qu’on dise que cette école manque de légitimité. Il y a de quoi avoir des cheveux blancs. Ce jour-là, j’étais ici avec feu Cheikh Mbengue qui était le directeur de la Cmu. Nous allons voir quelle forme de soutien nous pouvons apporter au groupe.’’

Abdoulaye Ndoye SG (du Cusems)

‘’Que l’Etat nous dise pourquoi il veut subitement fermer ce groupe scolaire…’’

‘’C’est une grande tristesse pour la communauté éducative du Sénégal. L’Etat nous a toujours parlé de la centralité de l’élève lorsque les syndicats d’enseignants sont en grève. Il nous demande toujours de ne pas sacrifier les élèves. Au nom de cette centralité des élèves, on n’a pas le droit de fermer cet établissement qui nous a valu beaucoup de satisfaction. Après 20 ans d’existence, avec les performances scolaires réalisées par Yavuz Selim au Concours général, au bac, au Bfem, je crois que les raisons avancées ne sont pas convaincantes.

Il faut qu’on dise au peuple sénégalais pourquoi l’Etat veut subitement fermer ce groupe scolaire. Des milliers d’élèves sont dans la rue aujourd’hui, des parents inquiets, des élèves angoissés, alors qu’on a toujours défendu la centralité de l’élève. C’est pourquoi le Cusems est toujours là. Nous avons participé à toutes leurs manifestations. Notre combat est que tous les élèves puissent accéder à l’éducation. Au nom de la souveraineté, on ne doit pas nous imposer une conduite à tenir. Le Sénégal est un Etat indépendant, ne serait-ce que pour ça, on doit garder ce bijou-là. On n’a pas le droit de le liquider !’’
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