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Financement des partis politiques: Ci-gît la gouvernance vertueuse !
Publié le jeudi 28 septembre 2017  |  Enquête Plus
Macky
© Présidence
Macky Sall en séance de travail avec les maires de l`APR
Dakar, le 19 Septembre 2014- Le président Macky Sall a tenu une réunion au King Fahd Palace avec les maires de l`Alliance pour la République.




Le régime du président Sall mettra du temps à s’en remettre. La sortie assassine de Mamadou Ndoye, membre de la mouvance présidentielle, enterre définitivement la gouvernance vertueuse, naguère slogan du chef de l’Etat. ‘’EnQuête’’ revient sur la nébuleuse autour du financement des partis politiques.

Mamadou Ndoye, ancien Secrétaire général de la LD/MPT, a percé, ce dimanche, une partie de la grand-voile de mystère qui couvrait jusque-là les relations entre le chef de l’Etat et ses alliés de Benno Bokk Yaakaar. Une histoire de postes ministériel, législatif, mais aussi de gros sous. Toute la face hideuse de la coalition présidentielle est enfin mise à nu par l’ancien partenaire en rupture de ban. A en croire le Jallarbiste, Benno Bokk Yaakaar, c’est bien plus que ‘’gouverner ensemble’’. C’est aussi ‘’partager ensemble’’. Ce qui, du reste, était un secret de Polichinelle. Tout le monde le savait, mais personne n’en parlait. Du moins publiquement. Aussi, l’ampleur du ‘’deal’’ était jusque-là ignorée du commun des Sénégalais.

Pourtant, déjà en 2015, Yoonu Askan Wi révélait que des enveloppes contenant des millions de nos pauvres francs pleuvaient au palais de la République. ‘’Nous avions révélé avoir reçu 1 million de franc CFA du président Macky Sall. Ce million, nous l’avions remis au ministre de la Santé en pleine crise Ebola. Le message était clair : Monsieur le Président Macky Sall, utilisez les deniers publics pour satisfaire le peuple’’, rappelle le parti dissident de la majorité dans un communiqué. Mais ce revers n’avait nullement découragé le palais qui continuait ces pratiques d’un autre âge.

En effet, explique toujours l’ancien allié, ‘’des mois plus tard, un de nos membres, Allah Kane, avait été convoqué au palais par le président de la République pour discuter avec lui de questions nationales. Arrivé à la présidence, un gendarme voulut lui remettre une enveloppe qu’il refusa de prendre. Mor Ngom (ancien directeur de cabinet du chef de l’Etat) lui conta au téléphone que le président avait décidé d’aider mensuellement un certain nombre de personnalités. Personne ne sait combien il y avait dans cette enveloppe, ni combien de personnes en ont bénéficié et continuent à en jouir’’.

Deux ans plus tard, Mamadou Ndoye livre la part de la LD dans le partage du butin. Sur les ondes de la Sud FM, il lâche la bombe : ‘’Chaque mois, quatre millions de francs CFA.’’ Ahurissant ! Indigne ! Les commentaires, depuis lors, fusent de partout. Ça tire dans tous les sens. Même l’arroseur n’a pas été épargné. ‘’Mendoza’’ a lui aussi été fusillé. Son péché : avoir accepté de se rendre complice de cette prévarication sans fondement des maigres deniers sénégalais. Même s’il s’empresse d’ajouter que le butin était reversé à la LD, sa propre formation politique.

Bien que membre de la majorité présidentielle, le néo-député Théodore Chérif Monteil trouve scandaleux ce genre de pratique qu’il condamne avec vigueur. ‘’C’est tout simplement dégoûtant’’, tonne-t-il avec plein de dépit. ‘’Comment, dans un pays comme le Sénégal, où des enfants peinent à aller à l’école, d’autres à recevoir des soins de qualité, on peut se permettre de distribuer autant d’argent à des partis, juste parce qu’ils sont dans la mouvance présidentielle ? C’est tout simplement scandaleux. C’est vraiment regrettable. Ce n’est pas comme ça qu’on développera le pays. Le plus grave, c’est que si lui (Mamadou Ndoye) en parle c’est qu’il y en a beaucoup d’autres qui reçoivent, mais qui ne disent rien. Je pense qu’il appartient au peuple sénégalais de se tenir debout et de dire non à ce genre de pratique’’.

Toutefois, le député tient à préciser que cela ne déteindra nullement sur son compagnonnage avec le président de la République. Un compagnonnage qu’il explique par son adhésion au Plan Sénégal émergent (PSE) qui est un bon plan, selon lui. ‘’Ce qui est important, c’est que l’Union citoyenne/Bunt Bi ne mangera jamais de ce pain. Aussi, jamais notre alliance ne nous empêchera de dire ce qu’on pense sur n’importe quel sujet’’, renchérit-il avec la même énergie.

Comme M. Monteil, ils sont nombreux les Sénégalais à se demander combien reçoit l’Alliance des forces de progrès (AFP) de Moustapha Niasse ? Combien pour le Parti socialiste d’Ousmane Tanor Dieng ? Combien pour le Parti de l’indépendance et du travail ? Combien pour les N partis qui composent la majorité présidentielle ? Autant de questions qui taraudent aujourd’hui des Sénégalais.

Dans les partis qui squattent le palais de la République, le malaise doit être profond. En atteste la polémique qui mine depuis lors le parti d’Abdoulaye Bathily. Les autres leaders ont-ils injecté ‘’leurs’’ sous dans leurs poches ou dans les caisses du parti ? Rien n’est moins sûr.

Le Sénégal à la queue, dans la sous-région

Une directive de l’UEMOA datant de 2000, modifiée en 2009, impose aux Etats le respect d’un certain nombre de principes en matière de gestion des finances publiques. Si certains Etats comme le Mali l’ont transposée, le Sénégal est, lui, à la traine.

Quand le vin est tiré, il faut le boire. La sortie de Mamadou Ndoye a le mérite de mettre en exergue les failles dans le système de financement des partis politiques sénégalais. Elle conforte ceux qui doutaient déjà de la gouvernance vertueuse tant vantée par le régime actuel. Maintenant que le mal est fait, que la ‘’forfaiture’’ est avouée, il reste à se demander ce qu’il faut faire pour éviter, à l’avenir, pareille situation.

La problématique abordée par le secrétaire général de la LD démissionnaire soulève la lancinante question du financement des partis politiques. Depuis des années, cette question revient sur la place publique. Avec parfois des révélations aussi bouleversantes que celles de M. Ndoye. L’on se rappelle l’affaire des 30 millions de francs CFA que versait l’ancien président Abdoulaye Wade à Landing Savané, les sacs de riz aux membres de la CAP 21... Cela avait secoué la République.

C’est dans ce contexte que Macky Sall, arrivé au pouvoir en 2012, prônait une nouvelle démarche dans la gouvernance des affaires publiques. L’on croyait alors que de telles pratiques sont enterrées en même temps que l’ancien régime. Mais la vérité est têtue. La pratique perdure. Les partis alliés, plus que jamais, reçoivent gracieusement de financements publics qui ne sont retracés dans aucune loi des finances. Pendant ce temps, les partis de l’opposition sont laissés pour compte.

Ce qui favorise la ruée vers le pouvoir, ouvre la voie à la transhumance, fausse le libre jeu de la démocratie, de la transparence et de l’Etat de droit. Aujourd’hui, aucun Sénégalais n’est en mesure de savoir où va l’argent du pays. Ce qui est en porte-à-faux avec les directives de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).

En effet, l’organisme communautaire, dans sa directive n°01/2009/CM/UEMOA édicte : ‘’La collecte et l’utilisation des fonds publics respectent les principes de l’Etat de droit : la légalité, la transparence, le contrôle démocratique et la responsabilité. Les institutions de l’Etat, gardiennes de ce bien commun, ont chacune leurs missions et responsabilités dans sa préservation et son usage pour le bien de tous.’’ Cela suppose une traçabilité de la dépense publique, gage d’un développement inclusif. Cela suppose également l’égalité de tous, en l’occurrence de tous les partis politiques, devant le pouvoir public.

L’UEMOA considère, en effet, que le choix des dépenses et des recettes par les pouvoirs publics doit être ‘’clair’’. Il doit intervenir ‘’au terme d’un débat large et ouvert’’. Aussi, précise-t-il, ‘’l’organisation et la procédure de gestion des fonds sont claires et simples tout en apportant les garanties de sécurité les plus absolues. Les citoyens, à la fois contribuables et usagers des services publics, sont clairement, régulièrement et complètement informés de tout ce qui concerne la gouvernance et la gestion des fonds publics’’. Pour l’institution, cela signifie qu’ils doivent être ‘’mis en capacité d’exercer, dans le débat public, leur droit de regard sur les finances de toutes les administrations publiques. Les acteurs publics qui pilotent et gèrent les fonds publics, élus ou fonctionnaires, acceptent des obligations d’intégrité et de rectitude particulièrement exigeantes, à la mesure de la confiance qui leur est faite. Les sanctions prévues sont effectivement mises en œuvre’’.

Cette loi qui vise à lutter contre la corruption des agents publics a été transposée par bien des Etats membres qui sont en avance sur le Sénégal par rapport à cet aspect, expliquent certains spécialistes citant le Mali, le Burkina Faso, le Niger et la Côte d’ivoire qui se sont appuyés sur cette base pour adopter des lois sur le financement des partis politiques. Comme à l’accoutumée, le Sénégal traine les pieds, quand il s’agit de mettre en œuvre les traités et autres normes communautaires et internationales.

L’exemple du Mali

Depuis 2000, le Mali a, en effet, réglé cette question qui était alors régie par la directive 02/2000 abrogée par celle de 2009 susvisée. La loi malienne 00-045 du 7 juillet 2000 portant charte des partis politiques est, en effet, claire. Elle dispose en son article 32 : ‘’Les partis politiques bénéficient d'une aide financière de l'Etat qui sera inscrite au budget de l'Etat. Le montant annuel de cette aide représente 0,25 % des recettes fiscales.’’ Ce montant est divisé en trois parties, selon le législateur qui explique : ‘’Une première fraction égale à 20 % des crédits est destinée à financer l'ensemble des partis politiques qui déposeront, avant le 31 mars, le bilan financier de leurs activités au titre du précédent exercice budgétaire. Une deuxième fraction égale à 40 % des crédits est destinée à financer les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale proportionnellement au nombre des députés obtenus. Une troisième fraction égale à 40 % des crédits est destinée à financer les partis politiques, au prorata des conseillers communaux obtenus le jour du scrutin.’’ Et comme tout droit s’accompagne nécessairement d’une responsabilité, la loi prévoit pour les partis maliens un certain nombre de charges : ‘’Tenue régulière des instances, disposer d’un siège distinct d’un domicile, disposer d’un compte ouvert auprès d’une institution financière établie au Mali, tenir un inventaire annuel des biens meubles et immeubles, et présenter des comptes annuels à la Cour des comptes au plus tard le 31 décembre de chaque année.’’

Toutefois, celui qui présentera un faux bilan perd le droit au financement public pour l'année suivante, sans préjudice de poursuite judiciaire. En Côte d’Ivoire, le site Internet news.abidjan.net nous informe, dans un article publié le samedi 14 septembre 2013, que le gouvernement avait dégagé la rondelette somme de 2 milliards de francs CFA à titre de financement des partis politiques.

Ainsi, de Bamako à Abidjan, en passant par Ouagadougou et Niamey, les Etats ont légiféré pour vaincre le mal des financements occultes et dangereux des partis par ses racines. Le Sénégal, champion en matière de réflexion, aurait pu être précurseur. ‘’On en parle depuis 1984, mais aucun régime n’est parvenu à montrer une réelle volonté de résoudre ce problème. Plusieurs projets ont été réalisés et déposés dans les tiroirs du Parlement et de l’Exécutif. Mais, jusqu’à présent, les régimes qui se sont succédé à la tête de l’Etat rechignent à matérialiser ce principe de bonne gouvernance et de transparence’’, indique ce membre du Forum civil sous le couvert de l’anonymat.

En l’absence de toute règlementation, chaque parti se débrouille pour trouver les moyens de financer ses activités : paiement du loyer pour les partis-locataires, entretien des sièges, subventions aux militants, organisation des rencontres… Telle la dépense quotidienne pour un père de famille, ces charges constituent un véritable fardeau pour les chefs de parti. Le moyen le plus simple et le plus prolifique semble être les chemins de la majorité. D’autres ont plutôt recours aux donateurs publics ou privés établis à l’étranger.

Le financement des partis sénégalais par des fonds occultes ne date pas d’aujourd’hui. Si ce n’est la France, ce sont les pays arabes dont la Libye de Khadafi, le Qatar et même la Russie. ‘’Ces financements sont effectués sous plusieurs formes. Les partis de gauche ont toujours été soutenus par la Russie. Tantôt ce sont des espèces sonnantes et trébuchantes, tantôt à travers des bourses d’études. C’est comme ça que la plupart des leaders de la gauche ont pu poursuivre leurs études à Moscou’’, informe le membre du Forum civil. Et quand on parle de Moscou, tous les esprits se tournent vers Lamine Diack empêtré dans une vaste affaire de corruption. Khalifa Sall, le Mouvement Y en a marre et tant d’autres opposants de l’ancien régime ont été cités dans cette affaire où l’ancien président de l’IAAF est considéré comme un porteur de valises, entre Moscou et Dakar.
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