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Le Sénégal développe son riz "local"... mais n’arrive pas à le vendre
Publié le lundi 4 septembre 2017  |  Ouest-france.fr
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© Autre presse par DR
programme national d’autosuffisance en riz (PNAR)




Le développement durable n’est pas affaire simple. La preuve avec la tentative de l’État sénégalais de promouvoir le riz local pour atteindre l’autosuffisance alimentaire et protéger les agriculteurs du pays. Les Sénégalais boudent leur riz et préfèrent celui importé de Thaïlande.
Loumar Sarr enfourche son tracteur neuf. « J’ai pu en acheter deux à moitié prix, et deux nouvelles moissonneuses-batteuses », se réjouit le riziculteur de 42 ans. Un plus pour labourer ses 250 ha de champs, à Ross Bethio, une petite localité du nord du Sénégal, près de la frontière mauritanienne.
La surface cultivée par Loumar a quintuplé grâce au Programme national pour l’autosuffisance en riz (PNAR). Ses terrains, achetés à des nomades, sont d’ailleurs couverts de riz. Lancé en 2010, le PNAR a permis à de nombreux agriculteurs de s’agrandir. Grâce aux subventions sur l’engrais et le matériel mais, surtout, grâce à la promesse de l’État de passer des contrats avec les rizeries.
En 2016, le Sénégal a continué à importer plus de 860 000 tonnes de riz. Soit plus de 85 % de la consommation du pays En 2016, le Sénégal a continué à importer plus de 860 000 tonnes de riz. Soit plus de 85 % de la consommation du pays | Benjamin Chabert
Omar Bouya préside l’Union de Mbagam, un groupement de riziculteurs près de Rosso, dans la même région. Il n’a aucun mal à écouler sa production. Mais il reste réservé sur l’autosuffisance prévue pour 2017 : « On y arrivera peut-être, mais dans quelques années. Encore faut-il que les Sénégalais consomment notre riz blanc ! »
Stockés dans de mauvaises conditions
Ibrahima Diallo tire un bilan mitigé du Programme. « En 2016, sur les 6 000 tonnes que nous avions promises aux boutiquiers, 2 000 étaient invendables parce que stockées dans de mauvaises conditions. Certes, le gouvernement veut redorer l’image du riz local face au riz importé, mais on ne peut pas vendre n’importe quoi… »
Khady Bousso, un commerçant de Ross Bethio, explique : « On veut nous faire vendre du riz blanc entier. Or, les Sénégalais consomment traditionnellement du riz brisé. Résultat : nos stocks de riz sénégalais ne s’écoulent pas bien… » Effectivement, chez de nombreux boutiquiers de quartier, le grain de la vallée du fleuve Sénégal est introuvable. On y vend des brisures de riz thaïlandais et parfumé, qui s’écoulent mieux, même plus cher.
Adboulaye, restaurateur à Dakar, le concède : « Mes cuisinières n’utilisent que le riz brisé. Elles trouvent parfois des grains de riz blancs de calibres différents dans le même sac. C’est ennuyeux pour le temps de cuisson. Il est mal décortiqué et on y trouve parfois des cailloux… » Cathy, habitant dans le quartier voisin, renchérit : « Le riz de la Vallée absorbe mal l’huile. Cela fait un mauvais riz au poisson. »
85 % du riz est importé
En 2016, le Sénégal a continué à importer plus de 860 000 tonnes de riz. Soit plus de 85 % de la consommation du pays. « Pourquoi on ne fait pas comme pour l’oignon ? », s’interroge le producteur de Mbagam, Omar Bouya. De février à juillet, l’État gèle les importations pour écouler la production locale. À l’heure actuelle, aucun mécanisme similaire n’est mis en place pour le riz. Quand bien même, le riz blanc serait boudé par les consommateurs. « Tant pis pour eux, tonne Omar Bouya, on ira le vendre en Mauritanie ! On n’a qu’à traverser le fleuve. »

Auteur: Benjamin CHABERT
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