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Législatives : Les paradoxes d’une campagne
Publié le lundi 17 juillet 2017  |  Seneweb.com




Rarement ou même jamais dans l'histoire politique du Sénégal, campagne électorale n'aura été aussi paradoxale ! Alors que les enjeux socioéconomiques sont d'une grande acuité, l'essentiel des joutes électorales, pourrait porter sur les dysfonctionnements du processus électoral. En effet, en l'état actuel, l'incertitude plane sur la tenue du scrutin.
Des millions d'électeurs ne sont pas encore en mesure d'entrer en possession de leur sésame. Et pourtant, l'actualité fourmille de thèmes porteurs. Le délitement de l'Assemblée nationale, les politiques publiques, les mesures sociales engagées par le gouvernement, l'échec de la loi sur les locations domestiques, le houleux débat sur le pétrole, les pénuries d'eau, la crise scolaire et universitaire, le pillage du littoral de Dakar, la limitation des droits constitutionnels en matière de manifestation, l'accaparement des médias d'État et notamment de la RTS, tous ces sujets auraient pu alimenter les meetings, les débats médiatiques.
Dysfonctionnements
Il n'en sera pas ainsi, parce que tout simplement, le processus électoral est menacé et suscite beaucoup de préoccupations parmi les acteurs politiques et les électeurs. Les élections législatives étant un scrutin intermédiaire entre deux présidentielles, elles peuvent conditionner la formation du futur gouvernement, en cas de victoire de l'opposition. Et pourtant toutes ces questions seront occultées par les dysfonctionnements en cours dans le processus. La tonalité des premiers discours le montre ostensiblement.
Il est vrai, notre parcours démocratique, au cours de ces dernières années a été souvent jalonnée de graves péripéties, ayant des fois conduit à d'innommables formes de violences, jusqu'à mort d'hommes. Il faudra certainement remonter jusqu'à 1983, lors des premières élections présidentielles sous l'ère Abdou Diouf, pour trouver une situation comparable en termes de confusions et de dysfonctionnements dans le processus électoral.
Devant une production et une diffusion chaotique des cartes d'électeurs, le pouvoir qui avait à cœur de remporter cette prime bataille, a décidé que seule la carte nationale d'identité suffisait pour voter. Des centaines de milliers de cartes circulant dans des réseaux informels, des citoyens malveillants pouvaient ainsi disposer de lots de cartes d'électeurs et voter à satiété. Des jeunes étrangers à peine âgés de 15 ans étaient inscrits sur les listes et s'en donnaient à cœur joie pour mettre des dizaines de bulletins dans les urnes, après avoir été transportés gratuitement par des mécènes de circonstance, et fortement rétribués. La suite c'est plusieurs années de contentieux post-électoraux.
Contentieux
En 1988, à peine ces toxines lavées du système qu'apparaissent les fameuses procurations produites à la pelle, et utilisées à fond par le pouvoir comme le PDS, pour permettre à des bataillons d'électeurs fictifs de voter sans la moindre légitimité. De nouveau, le Sénégal est plongé dans la crise post-électorale qui ne trouvera une accalmie qu'avec la mise en place de la commission cellulaire sous la houlette du valeureux magistrat Kéba Mbaye. Un consensus est réalisé sur le respect des standards démocratiques et des normes de fonctionnement politique apaisé.
En 1993, en dépit de l'assassinat de Me Seye, Abdou Diouf dans la douleur, gagne les élections. La formidable percée des libéraux, et la systématisation de la déclaration préalable pour les manifestations politiques, permettent de conquérir de nouveaux bastions de liberté. Cinq ans plus tard, un observatoire des élections figure dans le dispositif électoral, et le ministère de l'Intérieur échoit à un militaire, le général Mamadou Niang. Les difficultés notées dans les élections législatives de 1998, permettront d'apporter de nouveaux correctifs.
En réalité les améliorations enregistrées sont d'une telle prégnance que deux ans plus tard, en 2000, le pouvoir perd les élections. Le règne de Diouf s'achève amèrement au moment où, notre système électoral garde sa valeur exemplaire. Nombre de ses partisans lui reprocheront plus tard d'avoir accordé trop de concessions à l'opposition et la libéralisation du système électoral. Le Président Kéba Mbaye et le général Niang de l'Onel seront particulièrement indexés, pour ne pas dire, accusés de complicité passive avec l'opposition.
Recul
Tous ces acquis seront passés par pertes et profits sous le régime libéral. Le limogeage du général Niang du ministère de l'Intérieur et les dizaines de retouches de la constitution (une quarantaine en douze ans), auront mis totalement défiguré notre dispositif électoral.
En 2007, le ministère de l'Intérieur prolongeait la durée des élections à Fatick, une ville où le Premier ministre de l'époque vote sans sa carte d'identité. L'instauration de la parité dans les fonctions électives n'est effective pas sur l'ensemble du territoire. Les tentatives fort heureusement avortées de supprimer le quart bloquant et d'organiser constitutionnellement une dévolution monarchique du pouvoir ont asséné de rudes coups à notre système électoral. Les consensus réalisés sur la refonte partielle du ficher électoral n'apporteront rien de substantiellement important dans le nettoyage de ce fichier.
Après 2012, les dysfonctionnements foisonnent, en dépit des promesses de rupture faites durant la campagne des présidentielle.
La refonte totale du fichier électoral a créé un incroyable charivari dans le pays. Le nombre d'inscrits est passé à 6,5 millions, mais jamais autant de cartes ne pourront être produites avant le 30 juillet, nouvelle date des élections pourtant légalement arrêtée pour le 10 juin. En plein hivernage particulièrement si précoce, un choix ne pouvait être aussi incongru et si gros de risques de dérapages.
Aujourd'hui, près d'un million et demi d'électeurs pourraient ne pas voter faute de carte. L'opération de refonte annoncée en octobre 2016, ne trouvera pas son terme avant le 20 juillet, moins de dix jours avant le vote. Et pourtant l'adoption du référendum du 20 mars 2016, avait permis de mettre en selle, pour la première fois, des listes indépendantes aux législatives. Cependant, la montagne risque d'accoucher d'une souris. Les indépendants sont non seulement la portion congrue, mais leur crédibilité est sujette à caution. De lourds soupçons de financements occultes pèsent, en effet, sur eux.
Tares graves
L'absence de capacités à gérer les processus électoraux et de planification des activités essentielles du vote, apparaissent comme des tares graves de notre démocratie, notamment, au cours de ces de ces dernières années. La dernière modification opérée sur le secret du vote (choix d'au moins cinq bulletins), sonne comme un nouveau coup de couteau porté au processus électoral.
Toutefois, la radicalisation d'une partie de l'opposition significative sur cette question paraît cependant aussi insensée que l'absurde modification à quelques encablures du vote. Le taux d'abstention anormalement bas lors des dernières législatives (35 %), devait amener l'opposition à accepter une entente sur la modification de l'article 78. Il n'est pas prouvé que le protocole additionnel de la CEDEAO, une structure supranationale, est supérieure aux lois de notre pays.
La tentative échouée de remettre au goût du jour le syndrome du M23, affaiblit l'opposition et sonne comme une tempête dans un verre d'eau. Ces élections risquent d'afficher le taux d'abstention le plus élevé dans l'histoire du Sénégal. Et pourtant, le fichier électoral enregistre le plus grand nombre d'inscrits jamais atteints dans notre histoire politique.
La campagne est lancée dans un climat d'incertitude, qui obère les vrais enjeux dans un pays, qui affiche de bons résultats macroécononiques, alors même que de nombreux projets du PSE sortent de terre et pourraient enfin contribuer à l'inclusion de la croissance que les Sénégal attendent avec une forte et compréhensible impatience.
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