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Interview - Ousmane Sonko dit tout : son livre, la prétendue censure, le pétrole, les législatives..…
Publié le vendredi 26 mai 2017  |  Walf Fadjri L’Aurore
L`inspecteur
© aDakar.com par DF
L`inspecteur des impôts Ousmane Sonko fait face à la presse
Dakar, le 24 août 2916 - L`inspecteur des impôts et domaines Ousmane Sonko, patron du parti "Pastef, les patriotes", a tenu une conférence de presse pour se prononcer sur son audition avortée par le Conseil de discipline de la fonction publique.




Récemment, son livre, avant même sa parution, a fait du bruit sur la toile. Parce qu’une supposée mesure administrative l’aurait interdit de circulation au Sénégal. Ousmane Sonko qui fait porter le chapeau aux journalistes qui ont dansé plus vite que la musique s’est aussi, sur le plateau de l’émission Opinion, diffusée ce soir sur Walf Tv, exprimé sur les questions liées au pétrole dont il a fait son cheval de bataille. Il distribue les responsabilités, d’une part, entre les régimes Wade et Sall, et, d’autre part, au sein du même régime Sall à qui il attribue la plus lourde responsabilité.

Wal Fadjri : Un brûlot, Pétrole et gaz au Sénégal : chronique d’une spoliation dans les rayons. Est-il disponible au Sénégal ?
Ousmane SONKO : Il n’est pas encore tout à fait disponible au Sénégal. Evidemment, nous avons fait ce travail de production et de publication d’un livre. Mais, qui n’est pas encore disponible au niveau des rayons ici au Sénégal.
Qu’est ce qui explique cette absence ?
C’est que le livre a été édité hors du Sénégal comme vous le savez. Il semblerait qu’il y ait une législation qui impose, dans ce genre de situation, que le livre fasse l’objet d’une autorisation de publication de la part de la Direction de la surveillance du territoire (Dst) qui est une division de la Police nationale. Nous avons, évidemment, accompli cette formalité depuis le jeudi passé. On nous avait donné rendez-vous pour le lundi. Je me suis rendu le lundi dans les locaux de la Dst, le commissaire m’a dit de leur donner encore 48 heures parce qu’ils sont en train de lire l’ouvrage pour voir si, éventuellement, il n’y avait pas des éléments subversifs capables de troubler l’ordre public. C’est comme ça qu’on nous l’a dit. Vraiment, nous n’avons pas pu voir la législation en tant que telle. Nous avons contacté quelques éditeurs pour savoir pour, au moins, avoir les références de la loi. Aucun d’entre eux n’en disposait apparemment. Nous avons eu, également, dans la lettre que nous avons déposée au niveau de cette direction, à demander si elle voulait bien nous faire mention des références. Au moins, nous pouvons faire nos recherches pour voir la loi. Est-ce que c’est une loi qui impose qu’on demande une autorisation ou bien c’est une formalité simplement déclarative ? Dans les deux cas, est-ce que c’est enfermé dans des délais ? Mais, nous n’avons pas aujourd’hui, cette loi.
Pourquoi, a-t-on parlé d’une interdiction sur le territoire national ?
Je crois qu’il faudrait peut-être poser la question à ceux qui en ont parlé. Parce que, nous n’avons jamais -j’insiste- jamais parlé d’interdiction de l’ouvrage. D’ailleurs, c’est lorsque je suis allé à Paris pour la sortie officielle du livre et son lancement que j’ai lu, à travers les médias, qu’on a parlé d’interdiction. Certains médias sont allés jusqu’à faire même des reportages sur la question, interrogeant des éditeurs, des ministres, etc. Alors que nous, qui sommes les principaux concernés, moi-même qui ai écrit le livre ou alors mes collaborateurs qui étaient là, et la Dst qui est compétente pour ce genre de question, aucun n’a été officiellement saisi par les médias qui en ont parlé. C’est pourquoi la Dst et les Relations publiques de la Police nationale ont fait un démenti et ont insisté pour dire que, à l’avenir, il serait bon que les journalistes vérifient ces informations avant de les porter à l’attention du public. Je crois qu’il y a un organe qui a même appelé un de mes collaborateurs qui lui a formellement dit qu’on n’en est pas encore là. Parce que nous devons faire la formalité du dépôt. Malgré tout, ils ont publié cette information comme quoi le livre serait interdit de publication au Sénégal.
(…)
Certains confrères vous accusent de vouloir créer le bzz autour de la sortie du livre…
Non. Je pense que, ce terme de buzz ou je ne sais quoi… Est-ce que quelqu’un peut sortir un seul élément où Ousmane Sonko a parlé d’interdiction du livre ? Je crois que je viens de donner des explications. C’est peut-être certains de vos confrères qui sont allés plus vite que la musique pour dire que le livre serait interdit. Je n’en ai jamais parlé et de Paris, d’ailleurs, j’ai démenti. Parce que, je crois que c’est la radio Rfm qui m’a joint la nuit même et j’ai expliqué que nous n’en étions pas là. Donc, s’il y a des gens qui ont créé des rumeurs, ce n’est pas nous. Je n’essaie pas d’être dans des formules de buzz ou je ne sais quoi ; nous essayons de nous inscrire dans une action sérieuse, pérenne, constante, étalée dans le temps.
«Certains de vos confrères sont allés plus vite que la musique pour dire que le livre serait interdit. Je n’en ai jamais parlé et de Paris, d’ailleurs, j’ai démenti»
Avec qui voulez-vous avoir un débat public ?
Avec ceux qui ont été au cœur de cette affaire. D’abord, les responsables que nous avons cités dans cet ouvrage. Le Premier ministre d’abord qui s’est livré à un exercice pour donner des informations totalement erronées sur ce qui s’est passé dans le pétrole. C’est pourquoi, je dis qu’il a gravement fauté non pas administrativement puisque le débat qu’il y a eu sur le contreseing est un faux débat. Je l’ai démontré. Mais, politiquement, il a fauté. Parce que, on a vu un Premier ministre qui vient se mettre devant son peuple pour donner des informations erronées, et de surcroit menacer tous ceux qui auront le courage de parler de cette affaire. Nous, nous faisons plus que parler, nous écrivons et nous attendons toujours. Je crois que c’est une faute politique grave. Et, dans certains pays, il n’aurait pas fait 24 heures de plus à la Primature.
Il a eu l’aval de son chef, le président de la République…
Ce n’est pas cela le problème. Il s’est mis devant son peuple, il a donné des informations qui ne sont pas conformes. C’est une faute politique. S’il a voulu jouer au fusible (…), il devait en tirer toutes les conséquences. Ensuite, il y a le ministre, Aly Ngouille Ndiaye, qui, quand même, a fait des choses particulièrement graves sur le pétrole sénégalais. Je l’ai démontré d’ailleurs. Ce, en inscrivant des informations tout à fait infondées dans le rapport de présentation des décrets. Favorisant ainsi la signature d’un décret notant toutes les irrégularités qu’il y avait dans la procédure d’attribution à Petro-Tim. Et, beaucoup d’autres choses.
Mais, qui a le plus fauté entre le régime du Président Macky Sall et celui du Président Wade…
La faute est partagée. Mais, elle est beaucoup plus importante, plus grave pour le régime de Macky Sall que pour celui de Me Abdoulaye Wade. Parce que, la faute qu’on peut imputer au régime de Wade, c’est d’avoir fait venir Petro-Tim dans les conditions que nous connaissons, de lui avoir signé un contrat alors qu’il ne remplissait pas les conditions. Même si c’était en un mois, le seul fait d’avoir fait cela, c’est une faute. Parce que le code pétrolier est très clair et a défini les critères que doit remplir un prétendant pour être titulaire d’un contrat pétrolier, notamment l’article 8. Petro-Tim ne remplissant pas ces conditions, il ne méritait pas qu’on lui signe un contrat. Mais, c’était une forfaiture qu’ils n’ont pas pu parfaire, parachever. Parce que la législation en matière de pétrole dit que ce n’est pas le contrat qui confère des droits, c’est le décret d’approbation. Donc, Abdoulaye Wade et son régime ont pu signer un contrat avec Petro-Tim et n’ont pas eu le temps de parfaire ce contrat par la signature d’un décret. Mais, c’est là où se situe le péché originel
C’est pourquoi, je dis que la responsabilité est partagée. Je dis que c’est là où ils ont fauté. Ils n’ont pas eu le temps de parfaire le décret d’approbation. Et, l’alternance est intervenue. Le président Macky Sall qui était arrivé avec tous ces slogans qu’on a vendus aux sénégalais, «Gestion sobre et vertueuse», «La patrie avant le parti», etc. qui avait même promis s’il était élu de revenir, de renégocier ou d’annuler tous les contrats miniers et pétroliers qui ne respectent pas les normes, était bien informé en tant qu’ingénieur-géologue. Il est venu dans ces conditions. Il a trouvé un acte imparfait que lui seul pouvait parfaire pour conférer des droits définitifs. C’est pourquoi, je dis que sa responsabilité est plus importante. Parce que, s’il n’avait pas signé le décret, Petro-Tim n’aurait jamais eu des droits sur notre pétrole encore moins pouvoir aller vendre ses droits à quelqu’un d’autre.
C’est la continuité de l’Etat, non ?
Oui. Facteur aggravant ! Il est arrivé, il a trouvé quelques mois plus tard sur sa table une plainte d’une entreprise qui s’appelle Toulo-Oil qui, elle, négociait avec Petrosen depuis plus de trois ans sur les mêmes blocs et qui s’est réveillée un bon matin et on lui dit qu’on l’a remis à Petro-Tim. Elle a écrit pour se plaindre. Cette plainte a été transmise à l’Inspection générale d’Etat (Ige) qui a fait un rapport à l’attention du président et qui a dit au Président : «Attention, Petro-Tim n’a pas droit à ces blocs pétroliers. Le contrat a violé énormément de dispositions du code pétrolier.» Donc, il n’a pas d’excuses. L’Etat, c’est la continuité dans la légalité. L’Etat ne peut pas être continu dans l’illégalité. Pourquoi, malgré toutes ces illégalités qui jalonnaient un peu le processus d’attribution des blocs à Petro-Tim, le Président Macky Sall est allé signer le décret d’approbation ? Alors, la bonne question, c’est toujours de se demander : qu’est ce qui est intervenu entre temps pour que le Président change d’avis. Si vous regardez bien, vous verrez que c’est que, entre-temps, il y a eu l’entrée en scène d’Aliou Sall, nommé administrateur général avec mandat de créer Petro-Tim Sénégal.
Pour la forme, c’est un ouvrage de 250 pages et dans le fond, le titre. Pourquoi, vous parlez d’une spoliation ?
D’abord, pourquoi chronique ? J’ai voulu avoir une démarche chronologique qui commence par rétablir la vérité des faits sur l’histoire de la prospection pétrolière au Sénégal. Parce que, Monsieur Boune Abdallah Dionne qui est devenu un très grand expert pétrolier dit que tous les autres ne doivent pas en parler d’ailleurs. Dans sa déclaration de politique générale, l’année dernière….
(…)
Récemment, le Président Sall a dit que beaucoup d’hommes politiques en parlent mais ne maitrisent pas le dossier
Vous savez, moi, j’ai écrit un livre de 250 pages. D’ailleurs, j’attends pour voir est ce qu’ils vont l’autoriser ou l’interdire. Je crois que sur 250 pages si on raconte des histoires, cela saute à l’œil. Et, demain des gens vont écrire pour dire que tout ce que Sonko a raconté n’est pas vrai. Le pétrole, c’est plusieurs métiers. Il y a plus de 500 métiers qui tournent autour du pétrole. Personne ne peut dire que je connais tous les métiers du pétrole. Moi, je ne suis pas un ingénieur-géologue, je n’essaie pas de savoir quelle est la qualité du pétrole et la quantité, comment on a foré ou est-ce qu’on a fait les analyses. Ce n’est pas mon problème. Pour moi, le segment le plus important, c’est le cadre légal et institutionnel. Découvrir du pétrole, cela ne veut rien dire si on n’a pas un bon cadre légal et institutionnel pour le gérer de manière optimale pour qu’il profite au peuple sénégalais. Ce cadre légal, règlementaire et institutionnel est régi par le code pétrolier. Le code pétrolier, c’est du droit. C’est avec des dispositions fiscales même si on les a retirées maintenant pour créer le droit commun incitatif. Des dispositions juridiques, des prévisions financières, techniques etc. c’est sur ce tronçon…il y a d’autres métiers du pétrole. Des traders pour voir comment on commercialise jusqu’au métier de pompiste. Mais, le segment qui m’intéressait, c’est comment on doit administrer le pétrole. Est-ce qu’on a respecté le code ou est ce qu’on ne l’a pas respecté ? C’est pourquoi, j’ai également rappelé cette législation. Ce qu’elle permet et ce qu’elle interdit en phase de recherche, de prospection, de développement et en phase de production. A partir de ce moment, il était facile de démontrer en quoi je considère qu’il y a spoliation. Parce que le cadre, il est là, les actes qui ont été posés sont là. Chaque acte que j’ai rappelé tirant les sources des décrets d’approbation, des contrats et même des accords d’association, des documents tels que les réclamations, des informations importantes contenues dans les rapports de l’Itie. Chaque élément que j’ai pu sortir, je l’ai rattaché directement à la disposition légale qui doit l’encadrer pour montrer en quoi tel acte posé par le gouvernement du Président Macky Sall a violé ce code pétrolier et quelles sont les conséquences en termes de manquement, de manque à gagner et de perte en terme de recette. C’est pourquoi, j’ai dit qu’il y a eu spoliation. Rappelez-vous ce que dit la Constitution des ressources naturelles comme le pétrole, le gaz, l’or, le phosphate. L’article 27.2 qu’on a voté récemment dit que les ressources naturelles appartiennent au peuple sénégalais. Elles n’appartiennent ni au Président Macky Sall ni à son frère, ni à son Premier ministre, ni à personne. Elles appartiennent à 14 millions de Sénégalais qui y ont tous les mêmes droits. Le code pétrolier revient pour dire : «L’Etat a un pouvoir d’administration.»

Mais, il ne dispose que de 10 % ?
C’est une autre phase que je pourrai développer après. Mais, pour ne pas perdre le fil, je voudrais simplement dire que, à chaque fois qu’on pose des actes qui ont pu faire perdre à l’Etat sénégalais, donc, au peuple sénégalais soit en terme de fiscalité, soit en terme de droit sur les produits pétroliers soit en terme de part de production, évidemment, c’est une spoliation contre le peuple sénégalais.
Mais, le chef de l’Etat considère que c’est manquer de respect au gouvernement que de dire que le Sénégal a perdu dans cette gestion du pétrole
Donc, je leur manque de respect parce que le Sénégal a beaucoup perdu. C’est difficile à estimer. Sur le plan fiscal, il y a le débat de fond et les conséquences après. Le débat de fond, c’est de dire est ce que lorsque, nous donnons un titre minier, des droits miniers à une entreprise qui se retourne pour vendre ses droits, est ce que cette opération de cession est «fiscalisable» ou pas ? Là, je vous mets au défi puisque le gouvernement se cache derrière son petit doigt en invoquant l’article 48 du code pétrolier qui ne dit absolument pas cela. Allez interroger n’importe quel spécialiste de la fiscalité, ne prenez même pas Ousmane Sonko qui est un acteur politique. Les gens peuvent dire que c’est partisan. Il y a des cabinets d’expertise fiscale en pagaille. Allez voir les cabinets d’experts fiscaux, posez leur cette question : est-ce que la transaction des titres est imposable ou pas ? Parce que l’article 48 dit que les «opérations pétrolières en phase d’exploration et de recherche sont exonérées». Mais, déjà, au début du code, lorsqu’on fait les définitions, on a défini ce que c’est une opération pétrolière. Les opérations de spéculation sur les titres ne sont pas des opérations pétrolières. Les opérations pétrolières, c’est tout ce qui concourt directement à la recherche, au forage, à l’exploitation ainsi de suite. Le code dit que même le raffinage n’est pas une opération pétrolière à fortiori la spéculation des titres.
Le Premier ministre assure que l’Etat n’a collecté aucun franc sur la transaction entre Timis et Petro-Tim et Cosmos…
C’est là une faute grave. Parce que, une fois qu’on pose le débat de fond, c’est «fiscalisable» ; pourquoi ? Il faut que la transaction soit connue. Ce qui est le cas. Que les actes qui portent la transaction, l’acte de cession soit déclarés au niveau de l’administration fiscale ou alors que l’administration fiscale les réclame. Puisque, la transaction est soumise à l’autorisation préalable du ministre en charge de l’Energie. Si vous voulez vendre des titres miniers, vos droits sur des titres miniers, vous êtes obligé d’aller voir le ministre de l’Energie qui doit vérifier avant d’accorder, est-ce que toutes les conditions sont remplies ? Est-ce que les engagements que vous avez pris en amont sont respectés ? C’est-à-dire de dire je vais investir tant si c’est dans le cadre Petro-Tim, c’est 96 millions de dollars en raison de 48 millions de dollars par bloc. Les engagements que vous avez pris pour dire mes références techniques, je peux faire deux forages ou trois forages. Je peux faire tant de millions de sismique, ainsi de suite. Est-ce que vous les avez respectés ? Si vous ne les avez pas respectés, on ne doit pas vous signer un arrêté pour vous autorisez à vendre. On doit même annuler le contrat et récupérer les blocs pétroliers pour le peuple sénégalais. Dans le cadre de Petro-Tim, cela n’a pas été le cas. Pourtant, Petro-Tim n’a pas respecté ses engagements. Rien que ça, s’ils avaient saisi officiellement le ministre de l’Energie, ce ministre, puisqu’on est dans un seul Etat, aurait pu transmettre les informations au ministère de l’Economie, des Finances et du Plan et aux Impôts et Domaines. A partir de ce moment, ce qu’on va contrôler, c’est de voir dans quel terme on a fait la transaction. Dans ce dossier, la difficulté est qu’eux, ils fuient les débats. Chacun fait ses déclarations.
Il y a le ministre de l’Economie, Amadou Bâ, qui est venu à la rescousse…
Je crois qu’il a dû oublier ses cours de fiscalité ou bien il le fait sciemment pour justifier son poste. Mais, vous savez, mon intime conviction, que ce soit le directeur des impôts ou Amadou Bâ, ils savent très bien que cette opération est «fiscalisable» et qu’on a perdu beaucoup d’argent. D’ailleurs, cela se répercute. J’aurai même appris qu’il y a des projets de transaction sur lesquels la même administration a émis un avis en disant cela doit être soumis à l’impôt. Mais, dans ce dossier, vu un peu la teneur politique, et la présence du prince dans le dossier, on continue à nous dire que ce n’est pas «fiscalisable». Je dis que ce sont des fautes graves qui ont été commises.
(…)
Parlant des décrets approuvant les contrats de recherche, vous nous informez que Me Wade en a signé cinq en douze ans et Macky Sall en a signé 12 en quatre ans. Qu’est-ce qu’il faut comprendre ?
Le gouvernement de Macky Sall a beaucoup signé en termes de décrets d’approbation. Nous ne savons pas pourquoi, il y a toute cette précipitation. Nous pensons que, du moment où on a dit qu’on a découvert du pétrole, nous devons être beaucoup plus posés et plus prudents. En profiter pour faire les réformes. D’abord, reformer le code pétrolier. Le premier qui était simplement une ordonnance n’était pas encore codifié. Il date de 1962. Ce qui veut dire que le Sénégal, très tôt, a senti la nécessité de se doter d’une législation jusqu’à celui de 1998 qui a remplacé l’autre code de 1986. Tous ces codes ont été votés sous le sceau de l’incitation à l’investissement, de l’attractivité. Quand vous voulez attirer des investisseurs, vous êtes obligé de créer un système incitatif en leur disant vous aurez des exonérations fiscales, telle facilité administrative, d’implantation, l’accès au foncier et. Mais, à partir du moment où on a découvert du pétrole, un gouvernement responsable aurait dû dire : «Je bloque les choses en attendant. Je réforme d’abord mon code pour qu’il soit maintenant beaucoup plus favorable au Sénégal.» Dans les propositions que j’ai faites dans la troisième partie du livre, j’ai donné des pistes très concrètes pour dire que ce code doit être réformé en profondeur. Ensuite, recommencer les processus d’attribution des permis mais en tenant compte d’un certain nombre de paramètres. Et, pourquoi pas dire on ne va pas tout attribuer. Parce que, aujourd’hui, on a attribué presque 16 ou 17 blocs sur les 20 qu’il y a au Sénégal. Mais, c’est de dire, il y a les générations futures. Il n’y a aucune raison pour aller dans la précipitation d’autant que la conjoncture mondiale est défavorable. Le prix du baril est complètement par terre. Parce que, les Etats-Unis exploitent le gaz. Ils peuvent manipuler les dollars, et à partir de ce moment, casser le prix. Ce qui fait que le Venezuela souffre, l’Arabie Saoudite a souffert. Tout le monde souffre à fortiori le Sénégal qui veut entrer et qui va être confronté à ces difficultés. Pourquoi s’empresser de signer de gauche à droite des contrats avec un code qui ne nous est pas tout à fait favorable ? C’était le moment de s’arrêter, de s’inspirer de l’exemple norvégien, ghanéen, péruvien pour dire : réformons notre code avant de continuer l’exploitation.
Pourquoi doutez-vous des sociétés détentrices des permis ?
Parce que, ce sont des sociétés qui ne sont pas crédibles pour la plupart. Je l’ai démontré ici. Si vous examinez les profils de ces sociétés, il y a trois choses qui vont vous frapper. Premièrement, la majorité des sociétés sont domiciliées dans des paradis fiscaux. Je ne sais pas si tout le monde sait ce que c’est. Mais, un paradis fiscal c’est un espace géographique à fiscalité nulle ou très faible. Les gens se déplacent vers ces espaces pour pouvoir contourner les administrations fiscales. Ensuite, par le biais du transfert, ils vont contourner la législation locale sénégalaise pour ne pas payer correctement leurs impôts.
La deuxième chose, ce sont des sociétés qui, la plupart du temps, étaient épinglées ou ceux qui ont créé ces sociétés ; toute la presse a rapporté la péripétie de Franck Timis qui a été épinglé un peu partout, qui est coutumier de ces faits. Il l’a fait avec le pétrole grec. Il a fait des manipulations avant de s’empresser de vendre. Il y a des plaintes pour le poursuivre. Il a créé pas mal de sociétés qui ont été épinglées un peu partout. Et, même pour que African Petroleum, l’une de ses sociétés, soit côté en bourse, la bourse de Oslo a demandé à ce qu’on sorte Franck Timis de l’administration, sinon ils ne vont pas accepter. Vous prenez Tender, aujourd’hui, il est condamné à 12 ans et huit mois de prison là où il habite en Roumanie pour corruption. Souvent, on retrouve ce genre de profil jusqu’à des cas de trafic de drogue si vous voulez. Ce sont ces gens qu’on a amenés chez nous pour leur signer des contrats.
Le troisième élément, c’est que ce sont des sociétés qui ne remplissaient pas les conditions prévues par l’article 8. Ce sont des sociétés qui n’avaient pas de référence technique. Petro-Tim n’existait même pas au moment où on lui donnait le pétrole sénégalais. C’est deux jours plus tard qu’il a créé la société. Comment, il a pu présenter des références solides pour dire : «Moi, j’ai fait des forages dans tel pays, j’ai fait de l’exploration dans tel pays, etc.» Il n’avait pas, non plus, la capacité financière. C’était des véhicules qui ont été créé pour la circonstance. Et, la preuve, Petro-Asia qui est la société mère de Petro-Tim a été dissoute en 2016 pour une société qu’on nous disait être une multinationale extrêmement puissante qui fait des activités un peu partout. C’est à ce genre de sociétés qu’on a donné des droits pétroliers au Sénégal.
En se basant sur l’article 679 du code général des impôts, la fraude fiscale décelée dans l’affaire Petro-Tim est passible de poursuite judiciaire. Est-ce à dire qu’Aliou Sall et Cie peuvent être traduits en justice ?
Mais, bien sûr. Vous savez, la fraude fiscale peut revêtir une dimension pénale. Lorsque la faute est suffisamment caractérisée, lorsqu’il y a une volonté manifeste de contourner la loi et de frauder, la loi a prévu un certain nombre de dispositions pénales complétées, d’ailleurs, par le code pénal que je viens de citer pour dire que ces types d’infractions sont passibles de poursuites pénales. Maintenant, qui doit engager les poursuites ? C’est l’administration fiscale qui ne le fera pas pour des raisons que nous connaissons tous. Mais, cette même administration fiscale, si elle ne le fait, peut être poursuivie pour concussion. La concussion étant définie comme une attitude d’application ou de refus d’application de la loi de laquelle découle un avantage indus pour quelqu’un. C’est-à-dire l’avantage indu pour Franck Timis et le refus de l’administration. Toutes ces définitions en droit interne ont un prolongement en droit international. C’est pourquoi, je dis que si on ne peut pas avoir gain de cause aujourd’hui, parce qu’il n’est pas question de laisser passer sans réagir, on va se battre. On a mis en place un collectif qui s’appelle le collectif citoyen pour le recouvrement des avoirs pétroliers. Nous en faisons partie et beaucoup d’autres, coordonnée par M. Alioune Guèye qui est expert-comptable aux Etats-Unis et qui fait partie des onze personnes qui seraient sous le coup d’une plainte de Franck Timis. On a fait un bon travail. Des plaintes ont été déposées ici au niveau de l’Ofnac et dès que Nafi Ngom Keïta a commencé à traiter ces plaintes, on a coupé sa tête. On dit que puisque l’on ne peut pas avoir gain de cause ici, on a saisi le Département de la justice américaine.
Que nous vaut la comparaison entre cette affaire et celle de Dilma Roussef (Présidente brésilienne, déchue de son mandat) et l’implication du Président Macky Sall dans l’affaire Petro-Tim ?
Je veux que les Sénégalais comprennent que c’est un combat qu’il faut mener et gagner. Et, qu’un groupe de Sénégalais a considéré que nous ne pouvions pas laisser Franck Timis et son groupe se payer des milliards sur le dos des Sénégalais et disparaître avec nos droits pétroliers. C’est trop facile. Des demandes d’ouverture d’enquête ont été déposées au niveau du département de la justice américaine, au niveau du secrétaire au commerce des Usa et au niveau de la Sfo, en Grande-Bretagne. Toutes ces organisations ont accusé réception et ont demandé des compléments de documents qu’on leur a donnés. Moi-même, j’ai été reçu ici à l’ambassade des Etats-Unis. Il y avait un procureur, un agent du Fbi, il y avait l’attaché politique. Parce que nous allons nous battre pour qu’on nous restitue nos droits. Nous irons jusqu’à la lune s’il le faut. C’est important qu’on le fasse comprendre aux Sénégalais. Il ne faut pas abdiquer et penser que c’est définitif. Parce que des processus comme ça aboutissent le plus clair du temps. Chaque année, des condamnations qui sont assez lourdes sont prononcées contre des entreprises et contre des autorités. Le pétrole, les entreprises concernées, il y en a qui sont américaines et dans le cadre du Spa américain, qui est très sévère contre les actes de corruption transfrontalière, il est prévu que la justice américaine soit compétente. Nous avons considéré qu’il y a des entreprises britanniques, américaines sur le pétrole sénégalais. Si on ne peut avoir ce qu’on veut ici, on dépose plainte ailleurs. Et, on va suivre une pétition avec l’objectif d’avoir 1 million de signatures en ligne. Actuellement, ça va très bien. On va commencer à la faire circuler.

Cette comparaison de Macky Sall a Dilma Roussef ?
Dans le livre, j’ai voulu montrer qu’il y a des implications administratives institutionnelles par rapport aux actes qui ont été posés. Les actes qui ont été posés par le Président Macky Sall, ce sont des fautes politiques. Dans un pays normal, où la législation a force de loi, les fautes politiques peuvent faire l’objet de destitution. Notre Constitution ne le prévoit pas. Parce qu’il y a deux types de fautes pour un acteur politique de ce niveau. Faute politique et faute pénale. Notre constitution prévoit la faute pénale du président de la République. Mais, il l’a tellement encadrée qu’il est difficile de la mettre en branle. Il faut une Haute cour de justice ; il faut des maîtres de saisine, la composition. Mais à côté, il faut prévoir la faute politique. C’est-à-dire si un président de la République pose des actes graves, le peuple peut se lever, manifester et dire on n’est pas d’accord et le Parlement va enclencher une procédure de destitution. C’est ce qui est arrivé au Brésil et en Corée du Sud récemment pour permettre de destituer ces présidents. La France que nous copions, a réformé sa Constitution depuis 2007 pour introduire la faute politique. On peut enclencher une procédure de destitution contre le président de la République. Et, c’est ce rapprochement que j’ai voulu faire pour dire que, un président peut se permettre tout ce qu’il veut, après on va dire immunité juridictionnelle. Celui qui termine son mandat, tu vas te coucher à Paris ou aux Usa. Et, on recommence comme si de rien n’était. Il faut que nous arrivions à des situations où les acteurs politiques comprennent que la souveraineté appartient au peuple qui la délègue. Ils ne sont que délégataires. Certains abus ne sont pas acceptables. Quand on arrivera à cela, vous verrez nos acteurs politiques marcher droit dans leurs bottes.
(…)
Venons-en aux responsabilités des premiers ministres Abdoul Mbaye et Boun Abdallah Dionne, jusqu’aux ministres Aly Ngouille Ndiaye et Amadou Bâ. Jusqu’à quel niveau mesurez-vous leur faute ?
Ce qui est cocasse dans ce débat, c’est que nos amis du pouvoir, à un moment donné, n’ont eu d’arguments que de dire : «Voilà, c’est Abdoul Mbaye qui a signé le décret.» C’est inquiétant. C’est un aveu. Cela revient à dire : «Oui, même si on a fauté, on n’a pas fauté seul. C’est l’autre qui a signé.» C’est un aveu et c’est grave pour des gouvernants de se focaliser sur le partage d’une responsabilité dans la commission d’une faute. Deuxièmement, la faute du Premier ministre, je l’ai développé. Vous savez le contreseing ne crée pas de coresponsabilité dans un acte. C’est une signature qu’on appose pour authentifier la signature du titulaire et qui engage la responsabilité de celui qui a contresigné et quant à l’application de l’acte. Par contre, un acte, un décret, les responsables, c’est le président de la République qui a signé, qui a le pouvoir de signature et le ministre qui a fait le rapport de présentation. Parce que le rapport de présentation est extrêmement important dans un décret. C’est lui qui dit au Président les raisons de signer un décret. A partir de ce moment, Aly Ngouille Ndiaye qui a fait le rapport de présentation en y inscrivant des informations particulièrement fausses a la plus grande responsabilité par rapport au décret en plus du président de la République qui a signé.
Il est dans la même situation que l’ancien directeur de Petrosen qui avait suivi les instructions du ministre Karim Wade ?
Le Sénégal est un pays particulier. L’ancien Dg de Petrosen, si vous regardez les rapports de l’Ige parce que nous en avons, des extraits assez importants… Si vous voyez la position que beaucoup d’autorités techniques de Petrosen avaient développée en disant qu’on n’aurait pas dû donner à Petro-Tim, ces mêmes personnes, regardez la déclaration qu’ils font aujourd’hui. Vous vous dites, on est dans quel pays. C’est cela malheureusement le Sénégal. Maintenant, la responsabilité, évidemment du Premier ministre surtout, Mahammad Boun Abdallah Dionne, c’est au moins d’avoir contresigné et c’est valable jusqu’à présent s’il continue à contresigner. Mais, c’est le fait d’aller devant le public en conférence de presse et dire des choses qui ne sont pas conformes aux réalités et qui ont été même démenties deux jours plus tard par la déclaration de Franck Timis. Par exemple, il a dit qu’il n’y a jamais eu d’échange d’argent dans les transactions. Alors que Franck Timis a dit qu’il a racheté, versé 10 millions d’euros à Petro-Tim dont 8 % en actions et le reste en argent. Qui est ce qu’il faut croire entre celui qui a acheté et le Premier ministre qui nous fait ces déclarations.
(…)
Rassemblés par Adama COULIBALY
(Avec Walf Tv)
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