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Art et Culture

Conférence publique de Felwine Sarr: Ou l’art de se "réinventer"
Publié le jeudi 18 mai 2017  |  Sud Quotidien




«Culture et imaginaires du renouveau», intitulé de la conférence publique de Felwine Sarr, moins l’économiste que l’homme de Culture, c’était ce lundi 15 mai, dans le cadre du programme d’études (Raw Academy) du Raw Material Company. Le Politique est important, dit l’auteur d’ «Afrotopia», mais pas au point de «négliger» la psychologie collective, nos comportements, notre rapport au monde, «structurés (qu’ils sont) par la Culture», qui devrait pouvoir servir de «cure».

Elles sont toujours très courues les conférences publiques de ce monsieur que l’on écoute, et vous y trouverez souvent quelques-uns des visages familiers de ce Dakar culturel où l’on s’amuse, quelque part le soir, à refaire le monde. Et autant dire que dans la soirée de ce lundi 15 mai au Raw Material Company, Felwine Sarr, moins l’économiste que l’homme de Culture, est resté fidèle à certaines de ses grandes idées. On l’entendra par exemple dire, lors de cette conférence sur «Culture et imaginaires du renouveau», que contrairement à ce que l’on pourrait penser, et cela n’engage que lui, le «politique» n'est pas «l’espace d’action le plus immédiat».

Mais attention…Le politique est «fondamental», ne serait-ce que pour «gérer la Cité ou pour établir les règles du jeu», mais certainement pas au point de «négliger tout ce qui touche à la psychologie collective, à nos comportements, à nos attitudes ou à nos manières d’être et de faire, à notre rapport à soi ou à notre rapport au monde» qui restent, dit l’auteur d’ «Afrotopia», «structurés par la Culture»...Mais encore faudrait-il que l’on s’entende sur les termes.

Car à côté de la définition qu’en donnent sociologues et anthropologues, il y a celle dont s’inspire Felwine Sarr…Où derrière le mot, il y a les «œuvres de l’esprit» porteuses d’une «signification symbolique», et qui, en plus de «configurer les imaginaires», ont un «impact sur la réalité ou sur nos pratiques».

Aujourd’hui, dit Felwine Sarr, qui a donc cherché à créer le lien entre le thème de sa conférence et le Continent, l'Afrique exprime une «diversité» culturelle, sociale ou politique, qui est aussi «l’une de ses richesses»...Et l’on se retrouve ainsi avec des pays qui partagent le «même destin», sinon les mêmes défis, l'éducation, la sécurité, ou les «déséquilibres sociaux», qu’il faut pouvoir résoudre, mais sans se laisser «piéger» par une pensée qui voudrait que les «valeurs matérielles» soient plus importantes que les valeurs culturelles ou spirituelles...

S’il n’y a ne serait-ce qu'un espace où l'Afrique, malgré ses «soubresauts», trouve encore le moyen de rayonner ou d’ «irradier», pour parler comme Felwine, c’est bien celui de la Culture. Le discours actuel fait d’ailleurs de cet atout-là un «capital économique» ; de quoi expliquer, selon l’économiste, toute cette réflexion autour des «industries culturelles».

Mais l’enjeu, aujourd’hui, c’est de se «réinventer» ; entre autres parce que «nous sortons, lentement, de plusieurs siècles d’aliénation», qui ont laissé, «dans notre inconscient collectif, des traces encore vivaces».

Et la Culture devrait justement pouvoir servir de «cure», en offrant la possibilité d’une «communion» et d’une «catharsis». Felwine Sarr s’amuse d’ailleurs à interroger nos «représentations», qui ne sont évidemment pas innocentes. A côté de l’image «saine», «sereine», «digne» et «crédible» d’un sage asiatique, par exemple, vous vous retrouverez avec un «sorcier noir risible, loufoque, attifé de façon très bizarre » et pas «sérieux». Et «les images produites en Afrique, sur l’Afrique, dans le cinéma, la musique, ou les arts, peuvent contribuer à un déplacement de certaines représentations». Le «renouveau» ne viendra donc pas d’«en haut», ni de la loi, ni de la politique, ni des institutions, ni des amendes, dixit Felwine : «il viendra des «structures psychiques de la communauté», des ordres «intériorisés», auxquels nous croyons, et qui ne sont donc pas «imposés».

Comme il viendra des artistes, «cette lueur qui veille», ou de la «pratique artistique» elle-même, «qui permet une distance et de l’écart », lorsque le réel lui-même est saturé.

FELWINE SARR : UN DISCOURS «ELITISTE» ?

Au cours de cette conférence, Felwine Sarr s’est vu reprocher le côté «élitiste» de ses communications. Ce à quoi l’auteur d’ «Afrotopia» a répondu, en riant, que c’était une question qui revenait très souvent, et qu’il avait «eu le temps d’y réfléchir». Sa réponse…«toute faite» : «Les élites sont une force de changement, et si vous modifiez la mentalité des élites, vous modifiez le réel. Il faut donc accepter, assumer que l’on est une élite, et que c’est là que nous pouvons faire des choses ».

FELWINE SARR SUR LES POLITIQUES CULTURELLES AU SENEGAL : «Quand le Président dit que son livre de chevet, c’est L’Alchimiste de Paulo Coelho…»

Il semblerait que du temps de Senghor, il y ait eu une vision, des institutions, l’Ecole nationale des Arts, Mudra Afrique, le Théâtre National Daniel Sorano. Il y avait une vision, une politique culturelle, le Festival mondial des arts nègres, des formations, les gens étaient envoyés dans le monde entier pour faire de la muséologie, etc. (…) Et il semblerait que du temps de Wade ou de Diouf, nous n’ayons pas eu une politique culturelle claire. Lorsque vous regardez le ministère de la Culture, à quelle enseigne il est logé, quels budgets lui sont alloués, lorsque vous regardez le casting qui est fait depuis de longues années, on a l’impression que lorsqu’on ne sait pas où mettre des gens, on les met là-bas, et que c’est un ministère qui est à la périphérie de l’action gouvernementale.

En plus, je pense qu’on confond Culture et folklore, et que le ministre de la Culture, c’est quelqu’un qui inaugure un certain nombre de représentations folkloriques. Même l’acception que nous avons de la Culture est problématique. (…) Je ne sais pas si c’est une question de niveau de notre classe politique, une question de vision...J’ai quand même lu dans une interview de Jeune Afrique, il y a quelques années, en 2012, notre nouveau Président venait d’accéder à la magistrature suprême, on lui a demandé quel était son livre de chevet, et il avait répondu que c’était «L’Alchimiste» de Paulo Coelho…Je n’irai pas plus loin…Je souligne qu’il y avait une double-déficience. Il n’est pas obligé d’être quelqu’un qui aime la littérature ou qui est cultivé, mais dans ses services de communication, puisque ce sont des interviews préparées, on aurait dû lui dire de parler de Soyinka ou Césaire. Dans son entourage, on ne n’est donc pas rendu compte que c’était un propos politique, symbolique. Dire les livres qu’il lit, ça ne veut pas dire qu’il les lit, ça indique quelque chose…On peut même faire semblant, mais même ça…
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