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Dr Doudou Sène, médecin chef de la région médicale de Kaolack: ‘’On a eu 694 décès néonatals en 2015’’
Publié le mardi 2 mai 2017  |  Enquête Plus




Du fait de son statut de ville carrefour, Kaolack est aussi le réceptacle des malades des régions environnantes. Les pathologies les plus répertoriées sont les infections respiratoires, les maladies de la peau, les dermatoses... Dans cet entretien, le médecin chef de la région médicale, Docteur Doudou Sène, revient sur les efforts déjà consentis et les besoins. Notamment l’épineuse équation du manque de sang.

Quelle est la situation sanitaire de la région de Kaolack ?

Ce qu’on peut dire sur la situation sanitaire est qu’en premier lieu, Kaolack est une région centre. Elle se situe au milieu du Sénégal et est frontalier des régions comme Diourbel, Kaffrine, Fatick, et aussi la République de la Gambie. C’est une région qui reçoit toutes les évacuations qui nous viennent des autres localités. Elle compte environ plus d’un million de populations avec quatre districts sanitaires, un hôpital de niveau 2 dénommé El hadji Ibrahima Niasse. Nous avons suffisamment de personnel, sauf dans l’hôpital où les spécialistes font défaut. Pour chaque spécialité, nous avons juste un spécialiste, un seul orthopédiste, un seul pédiatre, un radiologue, etc.

On se félicite des efforts qui ont été faits par le ministère de la Santé en doublant l’ensemble des postes de santé de la région. Pratiquement, nous avons 108 postes de santé et 4 centres de santé. Sur l’ensemble des postes de santé, vous trouverez toujours un infirmier et une sage-femme grâce au ministère, avec l’appui des partenaires, sur le domaine purement médical. Sur le plan des statistiques, en 2016, la morbidité est surtout dominée par les infections respiratoires, les maladies de la peau, les dermatoses. Ensuite, il y a la diarrhée qui fait partie des premières causes de morbidité, suivie de l’hypertension artérielle. Le paludisme n’apparaît pratiquement pas sur les 10 premières causes de morbidité. Quand on parle de morbidité, on fait allusion aux causes de consultations. Pour la santé maternelle, on peut se féliciter des grandes avancées, mais la mortalité néonatale, comme sur l’ensemble du territoire national, reste un défi à relever. Pour la santé maternelle, il y a une nette régression du nombre de décès maternel, en 2016. On est passé de 58 à 38 décès. Par contre, pour les décès néonatals, le chiffre reste très élevé.

Il est de combien ?

En 2015, on a eu 694 décès néonatals dont 333 au niveau local, c’est-à-dire les décès qui sont imputables au district et au niveau de la Région. Le reste nous vient des zones environnantes : Kaffrine, Fatick, Foundiougne, Passy. Tout le monde évacue vers Kaolack, alors que nous n’avons pas assez de personnel. On en a discuté avec l’autorité pour que ce problème puisse être réduit considérablement. Il y a d’autres facteurs liés au retard dans l’accès au service de Santé. Beaucoup de parents tardent à acheminer leurs nouveau-nés vers les structures de santé. Les accouchements à domicile persistent. Les agents de santé doivent faire l’effort, afin que les conditions de référence soient améliorées, surtout les premiers soins, quand on évacue un nouveau-né ou tout autre malade.

On sait que certaines zones sont enclavées, ce qui complique les évacuations. Est-ce que cela n’est pas à l’origine des nombreux cas de décès maternel ?

La plupart des décès sont liés au retard des évacuations. Les facteurs qui ont été identifiés par rapport à la forte mortalité sont relatifs à trois sortes de retards. D’abord, le retard dans la communauté à prendre la décision rapide d’aller vers les structures. Par méconnaissance, ils peuvent prendre beaucoup de temps, soit à rassembler de l’argent, ou à appeler le mari, avant de partir. Ensuite, une fois qu’elle décide d’aller vers les structures, il reste les moyens de transport. Heureusement qu’à Kaolack, le réseau de transport n’est pas comme celui de Kédougou ou de Matam. Ici, les gens peuvent accéder rapidement à la structure de santé la plus proche.

Nous avons également un réseau d’ambulance très fourni dans la région, parce qu’il y a eu une mutualisation des ambulances. Mais dans la plupart des cas d’évacuation, il s’agit d’hémorragie, surtout chez les femmes. Il se pose le problème de la disponibilité du sang. Récemment, nous avons fait un cas pratique : une dame devait être évacuée de Nioro à Kaolack, mais Kaolack ne pouvait pas la recevoir parce qu’il n’y avait pas de sang. Heureusement, nous avons eu le réflexe de faire un appel à la radio et il y a eu des gens qui sont venus donner de leur sang et cela a permis de sauver la dame. Celle qui était venue, la veille, n’avait pas eu cette chance, parce que c’était la nuit et il n’y avait pas de sang, malheureusement.

L’hôpital n’a pas une banque de sang ?

Si, il y a une banque de sang. Mais le rythme de consommation de sang n’a pas d’égal ailleurs. Quand on collecte cent poches de sang, en moins d’une semaine, c’est fini. Parce que la plupart des femmes sont anémiées avant même l’accouchement. A l’accouchement, il y a la nécessité de transfuser certaines femmes, à cause des facteurs de perte sanguine. En plus de la traumatologie, des accidents de circulation, le phénomène des motos Jakarta, le sang ne reste pas longtemps. A cela s’ajoute le fait qu’il y a une durée de conservation du sang, c’est de 21 jours maximum. On ne peut pas conserver du sang éternellement. Régulièrement, les gens font les collectes et ce sont toujours les mêmes donneurs. C’est un peu difficile d’avoir du sang en permanence.

Vous avez dit tantôt que vous avez un médecin pour chaque spécialité. Que faites-vous s’ils partent en congé ?

Il y a toujours des solutions. Le chirurgien généraliste est là, il a souvent des compétences dans tous les domaines de la chirurgie. Quand on prend l’orthopédiste, il a ses compétences ; l’urologie, c’est pareil. Les gens s’organisent de telle sorte que ces congés soient comblés par d’autres spécialistes en chirurgie. S’il s’agit de la pédiatrie, ce sont les médecins généralistes qui assurent l’intérim, en l’absence du pédiatre. Il a une connaissance très élargie de la pathologie pédiatrique. Mais en tant qu’agents de l’Etat, ils ont droit à des congés, et même pour la sécurité du patient, il est bon qu’à un moment donné, ils se reposent. Cette visite du ministre nous as permis d’espérer que dans les plus brefs délais, d’autres médecins seront affectés pour pouvoir doubler les services qui existent dans notre hôpital. Les besoins ne se limitent pas seulement à Kaolack, c’est dans tout le Sénégal. Des efforts doivent être faits en collaboration avec les universités ; une meilleure sensibilisation des citoyens notamment les médecins qui viennent de sortir. Ils doivent accepter de se spécialiser. C’est une urgence.

Vous semblez optimiste. Vous pensez que le ministère vous donnera les moyens dont vous avez besoin, sachant que l’hôpital régional est dans une zone carrefour ?

Bien sûr ! Par rapport au relèvement du plateau technique, on peut avoir des équipements, mais si on n’a pas de personnel, cela ne sert à rien de mettre suffisamment d’équipements. Le ministre nous a révélé qu’il y a plus de 200 bourses destinées à la spécialisation. Il est difficile de trouver des médecins qui acceptent de faire ces formations. C’est la grande difficulté que nous rencontrons actuellement. L’Etat met les moyens, mais même si les spécialistes finissent leur formation, ils ont tendance à rester à la capitale. Il y a donc des efforts à faire sur le plan de la motivation pour que le personnel accepte d’être dans des zones où les conditions de travail peuvent être améliorées considérablement.

Si tu prends un gynécologue qui est à Dakar, en plus du service public qu’il fait, il gagne beaucoup d’argent. En moins d’un mois, il peut gagner l’équivalent de ce qu’il a en un an. Cela justifierait aussi à ce que l’Etat accompagne ces spécialistes qui acceptent de servir dans les régions. Dans le plan que l’hôpital et la région médicale ont élaboré pour les cinq prochaines années, l’objectif est de faire passer l’hôpital El Hadji Ibrahima Niasse du niveau 2 au niveau 3. Kaolack mériterait d’avoir un deuxième hôpital de niveau 3 qui permettra de prendre en charge l’ensemble des préoccupations. La plupart des accidentés sont évacués vers Dakar. Il faut qu’il y ait, au niveau du centre, un grand pôle qui permette de couvrir toutes les régions environnantes.

Kaolack est une zone mal assainie, pluvieuse. Y a-t-il un lien entre l’environnement et les diarrhées ?

Effectivement ! Quand on parle de beaucoup de diarrhées, c’est lié à l’hygiène. Il suffit de faire un tour dans la ville pour se rendre compte qu’il y a beaucoup d’efforts à fournir. En plus de cela, les eaux stagnantes en période d’hivernage font que la lutte contre le paludisme est partie intégrante des grands défis. De 2014 à 2016, on a eu une nette régression du nombre de cas du paludisme. On était à 27 737 cas, en 2014, on est passé à 14 000. Quand on prend les enfants de moins de cinq ans, on est passé de 3 680 à 1 120. On sent nettement qu’il y a une diminution de l’incidence. C’est pour cette raison que la région a été choisie pour abriter la journée mondiale contre le paludisme, afin d’accélérer les choses, sachant que l’objectif de pré-élimination est fixé à 2020.

Vu que vous êtes dans une zone accidentogène, est-ce que l’hôpital a un service d’urgence qui permet de faire face à ces cas d’accidents ?

Actuellement, le plateau de l’hôpital a été relevé et tous les accidents, depuis un an que je suis là, ont été pris en charge. Le dernier cas, c’était au Magal de Porokhane. Il y a eu 14 décès sur les 54 blessés, deux cas ont été référés à Dakar, parce que c’était des traumatismes crâniens. On n’a pas de neurochirurgien ici qui permette de le prendre en charge. Tous les autres blessés ont été pris en charge, grâce à des efforts surhumains. Il y a un seul orthopédiste qui est là, mais les autres chirurgiens ne l’ont pas laissé seul dans le travail. Ils se sont tous mobilisés pour prendre en charge correctement ces cas. Nous avons besoin d’un autre orthopédiste pour une prise en charge correcte des cas. Sur le plan de l’imagerie médicale, nous avons un scanner, un service de radiologie qui permet de prendre rapidement en charge tous les traumatisés. Il y a également un service de réanimation avec un réanimateur. Donc, le plateau est acceptable.

Et pour ce qui est de l’accueil ?

Par rapport à l’accueil, il y a surtout des comportements individuels. Ce n’est pas la faute du ministère. Avec le directeur de la région médicale, nous avons fait beaucoup d’efforts pour faire la sensibilisation auprès du personnel afin d’améliorer l’accueil dans les services d’urgence de Kaolack. Parfois tu vois des gens dans des services qui ne font pas correctement leur travail. Des recommandations ont été données à tous les services pour que le malade soit accueilli, quel que soit son état. Le directeur de la Santé a fait le tour des 14 régions pour parler de l’accueil. A Kaolack, nous avons réuni Kaffrine, Fatick pour discuter de ces points, faire en sorte que les gens soient beaucoup plus attentionnés par rapport aux patients. Des efforts doivent être faits à ce niveau pour que, quand il y a des accidents, la durée d’attente soit le moins long possible.

Vous n’avez pas évoqué la présence des maladies sexuellement transmissibles. Est-ce à dire qu’elles ne sont pas fréquentes dans cette zone centre ?

Bien sûr ! Mais sur ce plan, nous avons eu beaucoup de progrès dans la prévention. Le taux de la prévalence du Vih, selon les dernières enquêtes, est à 1,1%, alors que celui national est à 0,7%. Du fait que c’est une zone carrefour, il est évident que tous les facteurs de vulnérabilité se réunissent à Kaolack. Tout converge vers Kaolack, avant d’aller vers l’hôpital. Du coup, le phénomène des maladies sexuellement transmissibles est une réalité, mais pas en chiffre aussi élevé. En 2016, 1 684 cas de maladies sexuellement transmissibles ont été recensés. Pour le VIH sida, on a une cohorte de 1 600 cas suivis dans la région. On les suit, depuis une dizaine d’années.
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