Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Mali    Publicité
aDakar.com NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article
Politique

Leadership consensuel et mobilisateur: Le casse-tête de l’opposition
Publié le mardi 18 avril 2017  |  Enquête Plus
Rencontre
© Présidence par DR
Rencontre entre Mankoo Wattu Sénégal et le président de la République
Dakar, le 1er décembre 2016 - Le président de la République Macky Sall a rencontré une délégation des leaders de l`opposition réunie dans le Front "Mankoo Wattu Sénégaal". Les échanges ont essentiellement porté sur les questions autour du processus électoral.




Dans sa volonté de présenter une liste commune en perspective des Législatives du 30 juillet prochain, l’opposition sénégalaise risque de buter sur la lancinante question du leadership consensuel autour duquel elle va se regrouper. Pour mobiliser les populations sénégalaises.

Les élections législatives du 30 juillet prochain sont parties pour être âprement disputées entre une majorité présidentielle plus que soudée et une opposition au leadership éclaté. Contrairement à la coalition de la mouvance présidentielle, Benno bokk yaakaar (BBY), réunie autour d’une seule constance en la personne du président de la République, Macky Sall, le Front pour la défense du Sénégal/Mankoo wattu Senegaal (FDS/MWS) n’a pas jusqu’ici un leader d’envergure nationale autour duquel tous les autres alliés se retrouveront.

Malgré les multiples coalitions qui se forment çà et là, les leaders de l’opposition n’ont pas encore défini clairement une tête de liste ou un chef de file. Mieux, certains d’entre les leaders de Mankoo wattu Senegaal accordent peu d’importance à cette question de tête de liste. A Reubeuss lundi dernier pour rendre visite à Khalifa Sall et Bamba Fall, deux leaders de la coalition Taxawu Dakar, incarcérés pour des délits différents, Idrissa Seck a minimisé le sujet lorsqu’il a été interpellé à cet effet. Mais pour l’analyste politique Ibou Sané, l’opposition manque véritablement de leader consensuel derrière lequel se rangeront tous les alliés. Selon lui, c’est ce qui explique la présence massive d’opposants à la manifestation du mouvement Y en a marre, le vendredi 7 avril passé à la place de la Nation. ‘’Quand Y en a marre a appelé à une manifestation, tout le monde s’est tourné vers ce mouvement, alors que théoriquement, c’est le Pds qui devait rassembler les gens. Ça montre qu’on manque de leader au sein de l’opposition’’, souligne-t-il.

Loin de cette analyse, le Secrétaire général du Fsd/Bj est d’avis que la question de leadership est un faux débat. A ses yeux, les partis sont libres et autonomes. Par conséquent, personne ne peut décréter un leader de l’opposition. ‘’Il y a un leadership naturel, celui que chacun exerce dans sa formation politique. Ne soyons pas pressés, un leader ne s’impose jamais’’, a recadré Cheikh Bamba Dièye. En outre, il pense que désigner une tête de liste, que ce soit au niveau départemental ou national, répond d’abord à une stratégie électorale qui n’est pas forcément liée à la question sur le leadership de l’opposition. ‘’Il nous faut faire des arbitrages à l’intérieur des listes départementales qui vont impacter sur la manière de confectionner la liste nationale’’, a-t-il soutenu. Abondant dans le même sens, le porte-parole de la Convergence libérale démocratique/Bokk gis gis (CLD/BGG) estime qu’on a dépassé le stade où le leadership est incarné par une seule personne. ‘’On est à l’ère des teams-management, on assiste à un leadership éclaté où chacun garde une portion de terrain’’, déclare Moussa Diakhaté. Une position que semble partager le chargé de communication du Parti démocratique sénégalais. Car, aux dires de Mayoro Faye, l’opposition regroupe plusieurs leaders avec des rangs, des ambitions et perceptions différents.

Wade, chef de l’opposition ?

Si la question du leadership se pose au sein de l’opposition, c’est parce que celle relative au statut de son chef, pourtant prévu par la constitution adoptée à l’issue du référendum du 20 mars 2016, n’est pas jusqu’ici réglée. Le Président Macky Sall qui a consacré cette disposition dans la charte du pays traîne jusqu’ici les pieds pour définir les modalités de sa matérialisation. L’opposition à qui il renvoie la balle n’a, elle non plus, jusqu’ici entrepris aucune action allant dans le sens d’imposer au régime une application de cette disposition, à part les récriminations d’Aïda Mbodj prononcées à l’Assemblée nationale lors du dernier passage du Premier ministre à l’hémicycle dans le cadre des questions d’actualité.

‘’Depuis un an que le référendum de Macky Sall qui consacre un statut du chef de l’opposition a été adopté, aucun acte allant dans le sens de matérialiser cette disposition n’a été pris. Un an après l’adoption de cette réforme, les droits de l’opposition, plutôt que d’être renforcés, sont piétinés…’’, a dénoncé la Présidente du groupe parlementaire ‘’Libéraux et démocrates’’. Mais Aida Mbodj n’aura pas une réponse favorable venant du Premier ministre. ‘’Le chef de l’opposition ne peut pas être désigné ex-nihilo. C’est à la classe politique de savoir qui doit incarner le chef de l’opposition’’, a rétorqué Mahammed Boun Abdallah Dionne. Sur cette question, le politologue Ibou Sané pense qu’il faut attendre le lendemain des Législatives pour définir le statut du chef. Cependant, il pense que l’ancien Président Wade serait le mieux indiqué pour diriger la barque vu ses résultats aux dernières élections. Seulement, le politologue relève que l’âge avancé du prédécesseur de Macky Sall et les difficultés que traverse sa formation politique peuvent constituer un obstacle à ce projet. ‘’Ils vont finalement se tourner vers quel parti ? C’est une équation’’, questionne-t-il.

Du côté des opposants, l’on pense qu’il n’y a pas péril en la demeure. Cheikh Bamba Dièye est d’avis qu’on ne peut pas demander à l’opposition d’arbitrer d’autant plus que le décret d’application a déjà été signé par le président de la République. ‘’C’est un titre qu’on confère à un membre de l’opposition en fonction de l’ossature de sa formation politique. Cela ne voudra jamais dire qu’il contrôle tous les autres partis de l’opposition. Les formations politiques étant libres et autonomes, il n’y a pas de quoi fouetter un chat là-dessus’’, estime le leader du Fsd/Bj. Avant de préciser : ‘’Il faut qu’on arrête uniquement de discuter sur des questions de préséance ou de prébendes liées à une posture. Cela n’apporte pas de plus-value réelle dans les conditions de vie des Sénégalais.’’

Le porte-parole de la formation politique de Pape Diop pense pour sa part que le gouvernement n’a pas créé les conditions favorables pour installer le statut du chef de l’opposition. ‘’Le modus operandi n’a pas été élaboré. Sur quoi nous appuyer pour désigner le chef de l’opposition ? Quel est le critère d’appréciation ? Ces questions devraient faire l’objet d’un consensus de la classe politique. Quand le Pm dit que c’est à l’opposition de créer les conditions, c’est une manière de nous diviser’’, s’insurge-t-il. Moussa Diakhaté de poursuivre : ‘’ Si nous faisons référence aux dernières élections, ce qui apparaît, c’est que le Pds avait engrangé le plus de voix dans l’opposition. En tant que Secrétaire général de cette formation politique, Wade est le chef de l’opposition.

Malheureusement, on ne sait pas pourquoi le pouvoir n’a pas voulu aller plus loin’’. Ce qui fait dire à Mayoro Faye que Macky Sall a choisi de concrétiser les points qui l’intéressaient dans le référendum. Poursuivant son analyse, le chargé de communication du Pds pense que cette question n’est plus une priorité pour les opposants. Qu’à cela ne tienne ! Dans une vidéo envoyée à la presse avant-hier, le pape du Sopi ne crache pas sur l’idée de diriger une liste commune de l’opposition lors des Législatives du 30 juillet prochain. ‘’J’ai dit à mes militants que je voulais m’écarter de ce genre d’activités mais rien ne m’empêche de le faire (Ndlr : être tête de liste de l’opposition). Si la loi me le permet, pourquoi je refuserais ? Mais je n’ai pris aucune décision dans ce sens’’’, a déclaré Me Abdoulaye Wade.

...........................................................................................................

TROIS QUESTIONS A MAURICE SOUDIECK DIONE (DOCTEUR EN SCIENCES POLITIQUES)

‘’Il n’y a pas un leader dont la vocation serait de diriger l’opposition’’

A quelques mois des Législatives, y a-t-il un véritable leader pour diriger l’opposition sénégalaise ?

Il n’y a pas un parti politique qui s’appelle l’opposition sénégalaise ! Plusieurs partis politiques constituent cette opposition, avec à la tête de chaque entité un chef ! Donc il n’y a pas un leader dont la vocation serait de diriger l’opposition sénégalaise ! En plus, tous les partis politiques, parce qu’ils cherchent à conquérir et exercer le pouvoir, sont en principe en compétition. Donc le vrai problème se situe au niveau des dynamiques politiques, des connivences idéologiques et axiologiques, des affinités et des intérêts ponctuels ou communs qui peuvent amener les partis à se retrouver et se regrouper pour mutualiser leurs forces dans le cadre de coalitions, avec des finalités de conquête et d’exercice du pouvoir. C’est dans cette perspective qu’il faut situer les tractations qui sont menées par les partis d’opposition pour échafauder les combinaisons qui leur semblent les plus judicieuses pour une pêche aux suffrages la plus fructueuse possible !

Est-ce pertinent de faire revenir Abdoulaye Wade pour diriger la liste commune de l’opposition pour les prochaines législatives comme le suggèrent certains membres de l’opposition ?

Cela peut être tout à fait compréhensible, car Me Wade est encore le Secrétaire général national du Pds, et ce parti est encore le premier parti de l’opposition, même s’il semble y avoir une certaine contradiction entre son statut d’ancien chef d’Etat et de leader de parti d’opposition. Mais cela ne devrait pas poser de problème, car nul ne saurait choisir ou décider à sa place. Cela devrait participer au contraire de la vitalité démocratique et de l’élégance républicaine, si toutes les parties intéressées ont à cœur de jouer pleinement le jeu démocratique, en pacifiant et en civilisant leurs rapports politiques.

La question du statut du chef de l’opposition était insérée dans le référendum mais depuis les élections, aucune initiative n’a été prise dans ce sens. Qu’est-ce qui explique cela ?

Il y a de vraies questions à se poser sur le statut du chef de l’opposition et plus généralement sur le statut de celle-ci. En effet, la réforme introduite par la loi constitutionnelle n° 2016-10 du 05 avril 2016 à la suite du référendum du 20 mars 2016 prévoit au point 7 des innovations insérées dans le bloc de constitutionnalité, le renforcement des droits de l’opposition et de son chef. Pour les droits de l’opposition, la rédaction du nouvel article 4 de la Constitution qui résulte de cette réforme affirme, en son alinéa 5, une évidence qui crève les yeux dans toute démocratie digne de ce nom : ‘’La Constitution garantit des droits égaux aux partis politiques, y compris ceux qui s’opposent à la politique du Gouvernement en place’’.

L’article 58 en ses alinéas 1 et 2 reprend les mêmes évidences : ‘’La Constitution garantit aux partis politiques qui s’opposent à la politique du Gouvernement le droit de s’opposer. La Constitution garantit à l’opposition un statut qui lui permet de s’acquitter de ses missions.’’ Si l’opposition ne peut pas s’opposer, sommes-nous dans une démocratie ? Si elle ne s’oppose pas à la politique du Gouvernement, que fera-t-elle ? Revenant précisément dans le registre du statut de l’opposition, l’alinéa 3 de l’article 58 dispose : ‘’La loi définit ce statut et fixe les droits et devoirs y afférents ainsi que ceux du Chef de l’opposition’’.

Sauf qu’on attend encore cette loi ! Voilà où on en est en ce qui concerne les dispositions juridiques, sans compter qu’au plan politique, il y a des pressions et persécutions de toutes sortes dont l’opposition fait l’objet, et qui ne facilitent pas le minimum de consensus et de dialogue nécessaire pour faire des innovations constitutionnelles une réalité. Mais si on a besoin de rappeler autant dans la Constitution cette lapalissade que l’opposition a le droit de s’opposer, il faut peut-être se poser la question de savoir si au plus profond de notre culture politique, l’opposition n’est pas faite pour être stigmatisée et brisée ; ce qui pose le problème de notre conception du pouvoir et de notre rapport à lui, et plus généralement de notre culture démocratique tout simplement !
Commentaires