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Le Pr Moussa Diaw de l’UG de Saint-Louis sur la crise du Pds: "Pas de doute que le maintien d’Oumar Sarr pose problème"
Publié le samedi 1 avril 2017  |  Sud Quotidien
Macky
© Présidence par DR
Macky Sall donne le coup d`envoi du dialogue national
Dakar, le 28 mai 2016 - Le président de la République Macky Sall a donné le coup d`envoi du dialogue national. Il a lieu au palais de la République. Photo: Oumar Sarr, coordonnateur national du Pds




La crise profonde qui agite le Pds, depuis son retour dans l’opposition, est la résultante de plusieurs facteurs. Dans cet entretien à bâtons rompus avec Sud Quotidien, le Pr Moussa Diaw, enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, revient dans une démarche critique et détachée sur les tenants et aboutissements de cet enlisement progressif de l’ancien parti au pouvoir de 2000 à 2012. Non sans manquer d’indexer en premier la responsabilité de Me Wade et le «manque de capitaine expérimenté et légitimé » à la tête d’un parti actuellement sous la direction d’un coordonnateur « contesté et aux pratiques remises en cause», en l’occurrence Oumar Sarr, le député-maire de Dagana.

Quelle analyse faites-vous de la situation actuelle du Pds, cet ancien parti au pouvoir ?

Le Parti démocratique sénégalais (Pds) a du mal à se remettre de sa défaite à l’élection présidentielle de 2012. Depuis, il est rattrapé par le syndrome d’une déstabilisation chronique lié à la perte du pouvoir nécessitant une cure d’amaigrissement avant de se refaire une nouvelle santé. Il est vrai que la chute à été difficile d’autant qu’elle est arrivée dans un contexte difficile marqué par une désaffection à l’endroit du politique et surtout des pratiques politiques sanctionnées par les citoyens remontés contre la majorité de l’époque. Résultat : le Pds s’est retrouvé dans l’opposition et ne s’est pas attelé à se réorganiser afin de prendre sa revanche d’autant qu’il est affecté par l’opération de lutte contre l’enrichissement illicite dans laquelle la plupart de ses leaders sont cités même si le fils de l’ancien président en portera le lourd fardeau. Ensuite, le chef du parti, âgé et vivant en France n’arrive plus à contrôler son parti, affaibli par le départ de la plupart de ses leaders qui ne se reconnaissent plus dans le nouveau discours de son intérimaire, Oumar Sarr.

Aujourd’hui, l’absence de renouvellement de leaders, de projet alternatif, d’orientation nouvelle, ajoutée à la fronde des fidèles de l’ancien président et la décision de les exclure du parti, constituent une nouvelle étape dans l’enlisement du Pds dans ses querelles internes. Par manque de capitaine expérimenté et légitimé, le bateau du Pds risque de subir malheureusement un naufrage inévitable. Dans cette épreuve, l’ex-président Wade aura une grande responsabilité, car il aurait dû préparer la relève, passer la main et contribuer à refaire le parti avant de prendre ses distances en France.

Cette situation d’enlisement a-t-elle un lien avec le leadership Oumar Sarr ? Peut-on penser qu’Oumar Sarr est d’une certaine manière en train de fragiliser le Pds ?

Effectivement, le coordonnateur est contesté et ses pratiques remises en cause. Il suffit d’entendre la réaction de certains leaders comme Aïda Mbodj sur les visites sur le terrain pour comprendre le malaise qui sévit dans le parti. L’organisation de la fronde par Pape Samba Mboup et Farba Senghor exprime clairement le manque de légitimité du coordonnateur et la contestation de ses méthodes qui ne sont pas appréciées par les anciens proches collaborateurs du chef du parti. Ils se réclament fort de membres fondateurs du Pds et d’ailleurs, ils sont surpris de leur limogeage du parti pour lequel ils ont mené de redoutables combats. Ils semblent être déçus de la nouvelle direction du Pds au moment où l’on parle de rassemblement et d’unité dans la perspective des élections législatives de juillet prochain. Il est évident que ces départs du Pds vont fragiliser considérablement le parti puisque ce n’est pas le moment d’approfondir la crise par ces exclusions. Il ne fait pas de doute que le maintien d’Oumar Sarr pose problème, quant à la cohérence et les choix stratégiques en faveur de la reconquête du pouvoir.

Le parti a-t-il perdu réellement de son poids avec ces départs continus de leaders ?

Bien entendu, cette décision d’exclure d’anciens compagnons de Wade dans cette période pré-électorale me paraît être une erreur et accélère la descente aux enfers de ce principal parti de l’opposition qui devrait servir de locomotive à l’opposition mais on a préféré ouvrir un autre front qui risque de précipiter l’effondrement du parti. Par conséquent, c’est la démocratie qui en paiera un lourd tribut. Dans le même temps, il y a un risque énorme d’amoindrir les chances de l’opposition d’imposer une cohabitation aux prochaines élections législatives.

Le Pds ne risque-t-il pas, avec cette nouvelle donne, d’en payer le contrecoup lors des législatives et plus d’hypothéquer ses chances à un retour au pouvoir en 2019 ?

Effectivement, cette crise au sein du Pds fera des heureux au niveau de la majorité puisqu’elle intervient dans un contexte où le leitmotiv global de l’opposition est l’union pour réaliser une liste unique mais surtout préparer l’autre grand rendez-vous électoral de 2019. Si on rate les élections législatives de cette année, alors le rêve sera brisé pour 2019. C’est pourquoi, l’opposition et surtout les libéraux, ont intérêt à se mobiliser pour dépasser leurs contradictions internes et externes et s’inscrire dans une logique de combat collectif afin d’espérer réaliser de bons résultats qui pourraient augurer un avenir meilleur à l’horizon 2019. Ceci ne peut se faire dans la dispersion sinon l’opposition sera condamnée à rester longtemps dans cette posture qui pousserait ses membres à penser à la « politique du ventre » ouvrant la voie à la récupération politique, autrement dit, à la transhumance et au reniement aux principes de base relativement à leur parti d’origine. C’est une opportunité mais elle ne favorise nullement l’ancrage démocratique.

N’assiste-t-on pas en vérité, avec cette nouvelle crise, à une déwadisation du Pds et à l’émergence d’un Pds new look?

Pour l’instant, rien ne permet de l’affirmer mais les initiatives d’anciens leaders du partis qui ont créé leurs mouvements traduisent cette velléité du changement au sein du Pds. Ce qui n’est pas du goût de son Secrétaire général, familier d’anciennes méthodes de la gouvernance politique. Il faut un aggiornamento dans la gestion du parti pour l’ouvrir à des jeunes dans une perspective de circularité des élites et agir dans le sens d’une démocratisation à l’intérieur du parti pour qu’il n’apparaisse plus comme l’apanage d’une seule personne souhaitant se fossiliser à la tête de la principale formation de l’opposition. En tout état de cause, le ton est donné et cette tendance à la modernisation du parti semble être majoritaire contre l’avis du patriarche. Ceci est-il le signe de l’émergence d’un Pds new look ? En tout cas, la configuration actuelle laisse transparaitre des mutations qui risquent de modifier considérablement le Pds. L’avenir nous édifiera.
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