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Pape Seck, maire des Hlm: ‘’Khalifa a bien donné l’argent de la caisse d’avance aux populations’’
Publié le lundi 20 mars 2017  |  Enquête Plus
Sénégal:
© Autre presse par DR
Sénégal: première audition du maire de Dakar Khalifa Sall accusé de détournement




Alors que des conseillers de la ville de Dakar disent ne pas être au courant de l’existence de la caisse d’avance, le maire des Hlm, Pape Seck, est monté hier au créneau pour soutenir le contraire. Dans cet entretien avec EnQuête, le responsable de l’Alliance des forces de progrès (AFP) jure la main sur le cœur que les fonds, qui valent à Khalifa Sall son incarcération, ont bel et bien été donnés aux populations, surtout aux nécessiteux.

Khalifa Sall a été auditionné dans le fond hier par le juge, dans le cadre de l’affaire de la caisse d’avance de la ville de Dakar. Quelle issue espérez-vous de ce dossier ?

Ce que j’attends de cette affaire et que je souhaite le plus, c’est que le maire s’en sorte. J’ignorais beaucoup de choses de la mission d’un maire, avant mon élection. Mais je me rends compte qu’il n’est pas facile d’exercer cette fonction. Les responsabilités qui pèsent sur un maire sont énormes et souvent les ressources ne suivent pas. Le maire gère des milliers de personnes et une administration qu’il trouve sur place.

Il y a des actions difficiles à gérer au quotidien. Je ne ferai pas partie des gens qui disent que nous ne savions pas que le maire Khalifa Sall avait des moyens pour aider. Moi personnellement, j’ai eu à lui recommander des personnes qui étaient dans le besoin, qui avaient des difficultés et qu’il a aidées. Je ne peux pas dire que je ne savais pas que le maire avait des possibilités, d’autant que je suis maire. A la décharge de ma personne, ce que j’ai constaté à la mairie de Dakar, depuis 2009, c’est que le maire a toujours œuvré en dehors de la politique. Il a toujours dit : ‘’Dans cette mairie, dès qu’on y entre, on n’a plus d’appartenance politique. Nous sommes des élus et un démembrement de l’Etat’’. A ce niveau, je pense qu’il a été clair.

Cette affaire a créé beaucoup de polémiques autour de la création et du fonctionnement de cette caisse. Comment est-elle structurée par la loi ?

Ça, c’est un autre débat. Parce que si on va dans le fond, objectivement, cette caisse est considérée comme une caisse d’avance, or elle ne l’est pas. Pour la simple raison qu’il y a huit caisses d’avance à la ville de Dakar et elles sont toujours renouvelées. Mais moi, en ma qualité de maire, mon inquiétude, c’est : comment 30 millions ont pu sortir du Trésor, tous les mois, pendant 7 ans, sans poser de problème ? Je veux vraiment savoir celui qui autorisait ou contrôlait le décaissement. En tant que maire, en faisant un bon, si je demande à la perception de payer une facture, on me demande de donner tous les justificatifs. Or, 30 millions, ça fait l’objet d’un marché. Est-ce qu’on a demandé le marché ? Troisième élément qui me pose problème, en tant que maire, c’est comment les corps de contrôle ont pu accepter, pendant 5 ans, les mêmes bordereaux, les mêmes bons et les mêmes factures qui revenaient tous les mois pour une même quantité. Nous sommes dans un Etat. Il y a des choses qu’on ne peut pas dévoiler à la face du public. En tant que comptable, je connais bien le système.

Je peux dire : ‘’Faites des dépenses, mais justifiez-les à la fin’’. Et en justifiant les dépenses, souvent on dit, on utilise la matière périssable. Parce que quand vous utilisez des choses non périssables, on peut par exemple vous dire : où sont les tables. Or, en cassant une table, vous devez la proposer à la réforme. Ça, c’est plus compliqué. C’est pour cette raison qu’on fait souvent des bons en denrées périssables. Je précise : je ne fais pas partie de ceux qui disent qu’ils n’ont pas vu de riz à la mairie. Moi, j’ai vu du riz entrer à la mairie. Maintenant, ce riz ne peut pas, peut-être, représenter les 30 millions. Je ne peux pas le savoir. Mais ce qui est important, c’est que moi, j’étais 2ème adjoint au maire chargé du commerce et de l’artisanat. J’ai eu à exécuter des missions du maire auprès de personnalités dont je ne peux dévoiler les noms. Il y a des gens qui ont été malades, d’autres qui ont eu des problèmes. Souvent le maire m’envoie et me remet une enveloppe et j’exécute sans chercher à savoir où il a puisé cet argent. Parce que ça, c’est à sa discrétion. Même le montant parfois m’échappe, parce que je n’ai pas à le savoir, s’il ne me le communique pas.

Quand vous dites que cette caisse, vous la considérez comme une caisse d’avance mais elle ne l’est pas. N’y-a-t-il pas là un amalgame ?

Non ! J’ai toujours considéré que ce n’est pas une caisse d’avance. Qu’on lui trouve une autre appellation. Il revient à ceux qui ont accepté cette formule de dire quel a été l’objectif de cette caisse.

Khalifa a dit qu’une caisse d’avance ne doit pas généralement dépasser 5 millions. Pourquoi donc y transférer 30 millions, pendant des années ?

Quand un problème se pose, c’est légitime qu’on convoque sa légalité ou pas. Mais tant qu’il n’y avait pas de problème, on pouvait considérer que c’est légal. C’est comme ça que je vois les choses. Mais je suis persuadé d’une chose : le maire Khalifa Sall, à plusieurs reprises, a donné de l’argent. Il a bien donné cet argent dont on parle aux populations. Maintenant, est-ce qu’il avait le droit de le donner ou pas ? Ceux qui ont accepté qu’il y ait cette caisse savent pourquoi ils l’ont autorisé.

Dans cette affaire, Khalifa Sall est-il indemne de reproches ?

Nous sommes allés aux élections ensemble. Moi, je suis de l’AFP et Khalifa est du PS. Nous sommes tous membres de BBY. J’ai toujours considéré Khalifa comme membre de BBY. On aurait pu éviter qu’on en arrive à cette situation. Maintenant, est-ce que Khalifa Sall a prêté le flanc ou pas ? Je ne saurais le dire. Ce que j’ai toujours défendu, vous l’avez même su, pendant que nous parlions de Taxawu Dakar et de Benno, j’ai toujours considéré que les problèmes des partis ne doivent pas être transposés dans les institutions.

L’emprisonnement de Khalifa Sall est-il lié, selon vous, à la crise qui prévaut au sein du PS ?

Il ne fallait même pas cette crise. Il fallait l’éviter. En tout cas moi, j’ai tout fait pour qu’on n’arrive pas à cette situation.

N’y-a-t-il pas des non-dits dans cette affaire ?

Vous savez, je suis très prudent quand je parle de politique. Vous m’auriez posé des questions sur l’AFP, j’aurais évité d’entrer dans le fond, à plus forte raison le PS. Je fus membre du PS, quand j’étais jeune. C’est là-bas où j’ai fait ma jeunesse avec Moustapha Niasse, Djibo Ka, Khalifa Sall et tant d’autres. Si cela ne dépendait que de moi, il n’y aurait jamais de problème, que ce soit au PS, à l’AFP ou à la mairie. Parce que nous nous sommes battus ensemble et nous avons gagné ensemble. Les populations n’ont pas besoin de cette situation.

N’y a-t-il pas des calculs politiques derrière cette affaire ?

Je ne veux pas parler de politique. J’ai dit ma position dans cette affaire. Sachez que, dans toute chose, il y a de la politique. Mais on peut l’éviter. J’ai lu dans un journal où on parle de la Première Dame, Marième Faye Sall, qui est très peinée par cette affaire. Parce que Macky Sall et Khalifa Sall se sont connus et ont cheminé ensemble. Tout mon souhait, c’est qu’aujourd’hui, la famille se retrouve.

Des conseillers de la ville de Dakar disent ne pas être au courant de l’existence de cette caisse. Comment cela est-il possible ?

Ça, c’est normal. Ils n’ont qu’à regarder les textes. Ils ont voté le budget. Ils ont le droit, au moment de présenter le compte administratif, de poser des questions au maire. Il n’y a aucun maire qui rende compte de toutes les dépenses, au jour le jour, au conseil municipal. Ceux qui le disent, s’ils sont adjoints au maire, dans les secteurs qui leur sont confiés, ils ont eu à traiter des problèmes avec le maire sans que les autres conseillers ne soient au courant. J’étais à la ville de Dakar et ma mission était de déguerpir les ambulants et de travailler avec le maire dans le secteur commercial. Il y a d’autres qui étaient constamment avec le maire.

Moi, on ne m’a jamais convié à une réunion avec les ambassadeurs et pourtant j’étais bien adjoint et très proche du maire. Les réunions se tenaient dans le cabinet du maire et je n’en faisais pas partie. Mais il y a un des adjoints qui était toujours avec le maire dans ces genres de rencontre. Quand le maire allait ailleurs, ce n’était pas avec Pape Seck. J’ai fait 5 ans à la mairie. J’ai dit à Khalifa que ma mission était de travailler ici à Dakar et je n’avais pas besoin de bouger. Pendant 5 ans, je ne suis allé à l’étranger qu’une seule fois. Mais qu’est-ce qui empêchait ces gens qui disent qu’ils ne sont au courant de rien de poser des questions. Le maire n’a pas besoin de dévoiler certaines dépenses au niveau du conseil municipal. Parce que quand un conseiller a un problème, il va voir le maire discrètement dans son bureau. Quand le maire lui règle son problème, est-ce qu’il voudrait que cela soit divulgué aux conseillers ? Moi personnellement, j’ai recommandé au maire des personnes qui ont des difficultés de santé. Il les a aidées. Mais, je n’ai pas cherché à savoir comment.

Est-ce que le conseiller municipal a un droit de regard sur l’exécution des dépenses par le maire ?

Le droit de regard, il peut l’avoir à deux niveaux. Il y a le budget qui est présenté. Cet argent n’est pas sorti ailleurs. C’est de l’argent qui est sorti de ce budget. Donc, le conseiller, ou il est membre de la commission des finances, il va en réunion de cette commission où toutes les dépenses et recettes sont discutées. Les dépenses maintenant, c’est le maire qui les exécute. C’est ça le problème. Maintenant, à la fin de l’année, le maire présente un compte administratif, mais il est permis à tout conseiller de poser des questions sur l’utilisation et le maire est tenu de répondre. La preuve, en votant le compte administratif, on demande au maire de sortir de la salle. Le maire n’assiste pas au moment où on vote le compte administratif. C’est tout simplement pour qu’il n’y ait pas une influence. Le maire, il est là, il répond à des questions. Ici, ça aussi, c’est regrettable, au moment de voter, tout le monde est là, tout le monde veut être maire. Mais dès que le conseil commence, après un ou deux mois, vous ne voyez plus les gens. Il y en a qui ne viennent plus au conseil municipal. Si vous ne venez pas, vous ne pouvez pas demander.

Dans ce cas, pourquoi vous n’appliquez pas la loi qui dit clairement qu’un conseiller qui manque à trois réunions du conseil municipal sans motif valable est révoqué ?

Je suis d’accord avec vous. Mais vous savez, on aurait pu sanctionner le maire sur ça. Ça a existé, des personnes qui ne sont jamais venues au conseil.

Est-ce que la loi s’applique dans ce sens ?

Là aussi, c’est de la police du maire. C’est le maire qui doit le faire. Maintenant, il y a des choses qu’on peut se dire et qu’on peut tolérer.

Khalifa Sall, dans ses éléments de réponse, dit qu’il a utilisé l’argent de cette caisse pour acheter du riz et du mil et aider à soigner des nécessiteux. Ces dépenses ne sont-elles pas prises en charge par les secours aux indigents ?

Cette caisse, quand on la créait, on savait bien qu’il y avait ces rubriques. Mais celles-ci ne pouvaient pas résoudre le problème. Je peux citer un cas. Un jour, un percepteur m’a retourné un dossier. C’était pendant la Tamxarit. Puisque j’avais déjà acheté des denrées, on me dit : vous ne pouvez plus parler d’achat de bœufs, parce que ça rentre dans l’alimentation. Effectivement, c’est vrai. Mais ce n’est pas les mêmes périodes. Ce n’est pas les objectifs. Je voulais acheter des bœufs pour aider les nécessiteux, parce que c’était la Tamxarit et nous voulions aider les mosquées. Ce sont des cas qui arrivent. Il revient donc au maire d’expliquer toutes ces dépenses. Parce que le maire quand même, je le connais. Je pense qu’il pourra expliquer aux enquêteurs ce qu’ils veulent savoir. Maintenant, lui, il a dit qu’il y a des choses qu’il ne va pas dire. Est-ce qu’il est dans ses droits ou non ? Parce que quand même, il y a la discrétion sur ce plan. Le social, il est comme ça. Moi-même, un jour, on m’avait dit que je n’avais pas le droit d’afficher les noms des personnes que j’aidais.

Vous êtes le maire des Hlm, comment se comporte votre commune ?

La demande sociale est toujours là. On fait des efforts. Nous avons un personnel à payer. Aujourd’hui, rien que le personnel de santé nous coûte cher. La masse salariale que j’ai avoisine presque 30 millions par mois. La seule source de revenus que nous avons, c’est le marché des Hlm. Or, les commerçants ne sont pas de bons payeurs. La plupart d’entre eux nous doivent de l’argent. Ils demandent des moratoires pour payer. Mais la fin du mois n’attend pas. Et toutes les actions que je mène n’ont pas de retour. Dans les travaux de réhabilitation et d’extension du marché ‘’Bèye’’, nous avons un blocage depuis quelque temps. Les travaux avaient été entamés suite à une lettre du corps des contrôles de l’Etat qui nous ont dit que le marché représentait un danger et qu’il devait être démoli et refait. Depuis que je suis là, on n’arrive pas à faire quoi que ce soit parce que les gens s’y opposent.

Mais pourquoi ?

La raison, elle est simple, les gens ne veulent pas que je construise en hauteur. Tout le monde sait qu’à Dakar, on a un problème d’espace et qu’il faut donc construire en hauteur pour pouvoir caser les gens qui occupent illégalement et de manière anarchique les rues de nos quartiers. Il faut donc que les gens nous laissent construire en hauteur pour permettre à ces jeunes et à ces commerçants de rentrer dans le marché. Nous devons aujourd’hui au Sénégal, avoir des marchés qui ferment et qui ouvrent à des heures précises. On ne peut pas le faire, tant qu’on n’aura pas construit en hauteur.
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